Catherine Collignon décembre - 13 - 2011
avatar

Les animaux ont toujours fait partie de notre quotidien, que ce soit pour coopérer avec nous lors de tâches spécifiques telles que la chasse, la garde, la protection, la conduite de troupeaux, pour rendre des services à la nation, pour éclairer les scientifiques sur les capacités d’apprentissage, pour nous réjouir de leur grâce, de leur beauté et de leur puissance lors de défilés, de spectacle de voltige, pour amuser et surprendre les enfants dans les cirques…, pour accomplir des prouesses physiques lors de courses, de sauts d’obstacles… ou pour tout simplement apaiser notre quotidien en remplissant la noble fonction d’animaux de compagnie.

Cette dernière fonction, même si encore très récente, a néanmoins quelque peu bouleversé le regard que nous portions jusqu’alors sur nos relations à l’animal et a permis d’élargir le champ de réflexions de sociologues comme Dominique Guillo, de philosophes tel que Peter Singer, de scientifiques tel que Mark Bekoff et de bien d’autres experts dans leurs disciplines respectives touchant de près ou de loin les sciences du comportement animal.

Et si actuellement on ne remet pas en cause le fait que l’anthropomorphisme peut être néfaste au développement comportemental d’un animal, il n’en reste pas moins qu’il est admis que de grandes similitudes nous rapprochent en tant qu’espèces, nous aidant à affiner notre compréhension des comportements adoptés par les animaux, tels que l’agressivité, la destruction, la colère, la fuite, l’utilisation de différentes formes de communication gestuelles et non gestuelles, le besoin de ritualiser les présentations, les réactions incontrôlées face à des situations stressantes à répétition ou suscitant une émotion de peur. Si se mettre à la place des animaux ou faire preuve d’empathie envers eux n’est plus considéré comme farfelu, c’est aussi ne pas oublier qu’ils ont des attentes, des besoins et des plaisirs qui diffèrent des nôtres et qu’ils possèdent leur propre système de communication enrichi par des messages vocaux, olfactifs et gestuels.

Nous sommes loin, très loin de Descartes et de son animal machine.

Si nous observons l’évolution et la prise de conscience des cavaliers, des dresseurs, des éducateurs de chiens de compagnie, nous les entendons parler volontiers actuellement d’approches amicales et positives ou de « méthodes dites éthologiques » pour l’éducation et la rééducation comportementale et se démarquer d’un savoir empirique qui se transmettait entre amis, entre voisins et entre générations…

Un savoir qui trouvait sa source dans des recettes transmises par une expérience de terrain et révélatrices bien souvent de nos propres visions des rapports entre espèces, cautionné par un regard superficiel de l’idée de ce qui séparait l’animal de l’homme : son inculture, son manque de sens moral, un panel émotionnel moindre et un mode de communication intraspécifique basé uniquement sur des notions de dominant/dominé.

Ces croyances, qui ne se fondent sur aucune étude scientifique, ont légitimé et légitiment encore parfois un rapport de force brutal non justifié et des conditions de détention quelquefois déplorables, allant jusqu’à la maltraitance animale.

© Photo Association Résilienfance


Mais ces 20 dernières années ont vu émerger des techniques d’éducation et de dressage (le clicker-training, les « méthodes dites éthologiques », la technique du leurre/récompense) tirant leurs fondements des principes scientifiques de l’apprentissage et qui ont bouleversé ces anciens principes et nos rapports à l’animal.

Les éducateurs, les conducteurs, les entraîneurs ont évolué et tendent vers une maîtrise des techniques d’apprentissage pour améliorer leur relation à l’animal et donner envie à l’animal de donner ce qu’il a de meilleur en lui et de coopérer avec l’homme. Quand on décide de s’initier et d’adopter des techniques dites positives, on décide aussi de changer sa façon d’appréhender et de comprendre l’animal avec lequel on interagit. On le respecte dans son individualité en l’observant, en étant à son écoute et en l’aidant à comprendre ce que nous désirons de lui.

Une prise de conscience s’est faite sur la certitude que la façon la plus fiable d’éduquer où de dresser un animal de façon intelligente, indépendante et respectueuse de son bien-être émotionnel et physique est de comprendre comment les individus apprennent pour ensuite l’adapter et nous intéresser à l’individu avec lequel nous sommes en interaction.

Les « méthodes dites amicales et positives et éthologiques » prennent toutes leurs fondements sur ce constat : l’impact des renforcements sur l’augmentation en intensité et en critère des comportements renforcés et sur la volonté de l’animal de les reproduire. L’on parle d’apprentissage quand l’individu est capable de faire l’association entre ses actions et la conséquence de ses actions et de la mémoriser. Nous saurons que la conséquence a été mémorisée quand l’individu cherchera à reproduire son action pour obtenir la conséquence agréable ou quand il évitera de produire un comportement pour éviter la conséquence désagréable ou encore quand il cessera de proposer un comportement car la réponse de l’environnement ne lui est ni favorable ni défavorable.

C’est en mariant deux fondements scientifiques d’apprentissage, le conditionnement classique de Pavlov et le conditionnement opérant de Skinner, que la technique du clicker-training en elle-même fut techniquement mise au point. Cette technique d’éducation est applicable sur la plupart des d’animaux (chiens, chats, rats, cochons, chevaux, lions, poules, etc.)

Le conditionnement classique – Ivan Pavlov (1905). Nous associons à un stimulus A (stimulus neutre) un renforcement primaire (tout ce qu’un animal aime de façon spontanée), si l’animal est capable d’acquisition, il provoquera une réponse lorsque le stimulus A sera présenté seul. Le stimulus A devient annonciateur du renforcement primaire.

Le conditionnement opérant – Skinner (1938). Le conditionnement opérant repose sur la sélection des réponses obtenues suite à des actions volontaires. Le conditionnement opérant a trois conséquences possibles : bonne (renforcement), mauvaise (aversion), neutre et sans effet (extinction).

Le principe de l’éducation par le clicker : nous actionnons le clicker, émission d’un son bref que nous associons à une récompense (conditionnement classique). Nous sélectionnons, cliquons et récompensons tous les comportements que nous désirons voir répétés par l’animal. L’animal sélectionnera les comportements qui ont déclenché le clicker pour vérifier que la réponse favorable et agréable est reproduite (conditionnement opérant).

Retenons que la technique du clicker-training utilisera uniquement le renforcement positif (ajouter quelque chose d’agréable suite à un comportement) pour donner envie à l’animal de reproduire les réponses favorables que l’éducateur ou l’entraîneur auront pris soin de marquer à l’aide du son émis par le clicker et de les récompenser. La philosophie d’approche de cette technique étant l’ignorance des comportements que l’on ne veut pas voir se reproduire et le renforcement positif des réponses que l’on veut voir se reproduire.

Le renforcement positif donne envie à l’animal d’adopter le bon comportement et d’y prendre du plaisir.

Les « méthodes dites éthologiques » s’attachent plus particulièrement et principalement aux techniques dites de l’inconfort/confort qui s’expriment à travers le renforcement négatif (retirer quelque chose de désagréable suite à un comportement). L’entraîneur ou l’éducateur s’attache à placer dans une situation inconfortable physiquement ou émotionnellement l’animal tant que celui-ci adopte une réponse comportementale que l’on veut voir diminuer et s’éteindre ; dès que la réponse comportementale change pour aller vers celle que l’on veut voir augmenter, on retire l’inconfort ou le désagréable. L’animal mémorisera rapidement qu’il est plus payant pour lui de proposer le comportement lui procurant de l’agréable plutôt que du désagréable.

Le renforcement négatif, en lui offrant une alternative, apprend à l’animal à trouver une autre réponse que celle proposée spontanément.

Ainsi donc, même si longtemps a été légitimé la sanction, ou punition positive (ajouter quelque chose de désagréable suite à un comportement), pour diminuer l’apparition d’un comportement indésirable chez un animal ou pour empêcher sa réapparition, depuis ces dernières années, à la valeur éducative de la sanction s’est opposée celle de l’ignorance des mauvais comportements et du renforcement des bons comportements.

En d’autres termes, si nous devons nous intéresser au bien-être animal, nous avons pris conscience que nous devions nous arrêter sur la qualité des interactions entre un cavalier et son cheval, entre un conducteur et son chien, entre un maître et son chien, entre un tigre et son dresseur… en se basant sur nos connaissances éthologiques de l’animal en présence, sur les fondements scientifiques de l’apprentissage et sur une volonté d’interagir et de communiquer.

En conclusion, il paraît de toute évidence fondamental d’intégrer que l’important, lorsque nous interagissons avec les animaux, n’est pas la façon dont ils se comportent, mais bel et bien la façon dont nous allons réagir à leur comportement.

Si nous nous attachons à comprendre ce qui motive le comportement des animaux, ce qui motive notre réaction face à leur comportement et si notre intention est de leur enseigner la meilleure façon de se comporter dans un environnement leur demandant de contrôler la plupart de leurs comportements spontanés tout en leur offrant l’opportunité de donner le meilleur d’eux-mêmes, alors nous entrons dans une fabuleuse histoire qui s’appelle : communication, apprentissage et relation avec un individu appartenant à une autre espèce animale que la nôtre.

 

Catherine Collignon

Pour en savoir plus:

Le DVD:

Le Clicker dans tous ses états – éditions du Génie Canin 2005 – 25 euros

Les livres:

– Collignon C., Spadafori G., 2003 – Un chien pour les Nuls – 11,90 euros

– Hodgson S., Collignon C., 2007 – Eduquer son chiot pour les Nuls – 22,90 euros

– Bedossa T., Deputte B., Comportement et éducation du chien, Éducagri éditions – 34 euros

2 Responses to “Entraîner un animal aujourd’hui”

    avatar
    educateur canin vaud
    mars 12th, 2018 at 21:40

    Super article complet, merci

    avatar
    Sandie Bélair
    mars 16th, 2018 at 12:54

    Merci d’être passé! 😉

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale