Petite fille très malvoyante (enfant prématurée qui a subi une anoxie), psychotique, vivant son corps de façon morcelée et étrange, persécutée par certains objets de l’environnement mais aussi se protégeant avec une multitude d’autres qui l’encombrent, Doris a 8 ans lorsque nous lui proposons une thérapie avec le poney afin de lui permettre de vivre des expériences psycho-corporelles censées l’aider à se construire de façon plus unifiée et à s’apaiser.

La 1^ère séance, Doris va la passer dans les bras de la thérapeute ou de l’éducatrice accompagnatrice.
Pénétrer dans le manège provoque une crise d’angoisse que nous mettons sur le fait qu’il y fait sombre. Nous allumons donc les lumières, mais cela ne l’apaise pas. Le contact avec Iris, la ponette, la fait hurler de peur… mais elle se calme assez vite.

Les semaines suivantes, le passage du seuil du manège reste problématique et nous pousse à adopter une stratégie pour lui éviter cette angoisse. La stagiaire va ouvrir un autre accès au manège, allumer les lumières et disposer un plot (gros cube plastique qui soutient les barres de saut) qui nous sert de siège, avant que nous n’arrivions avec Doris dans les bras. Nous nous asseyons directement et attendons qu’Iris, cherchée par la stagiaire, vienne à nous. Elle nous flaire et flaire les objets que tient Doris : 2 tee-shirts, une poupée, un ballon dégonflé et un distributeur de bonbons. Le contact est accepté ; Doris la regarde, lui touche le chanfrein ou la repousse gentiment lorsque cela a assez duré.

© Photo Association Résilienfance

De séance en séance, Doris se lève en nous tenant la main car elle s’intéresse maintenant, non pas à Iris, mais à sa couverture, que nous ôtons en début de séance et replaçons en fin. Cette couverture qu’elle nommera spontanément « le manteau » la motive pour aller vers elle. Recouvrir la ponette est particulièrement investi. Nous faisons un parallèle avec le symptôme de démantèlement qu’elle vit dans son corps, qu’elle peut exprimer par des questions incessantes et contre lequel elle doit lutter en permanence.

Dès qu’elle est angoissée, elle retourne vers le plot, s’assoit sur les genoux de l’adulte, ou à ses côtés, puis repart à l’aventure dans l’espace du manège qu’elle commence à découvrir. Le plot devient un réel plot de sécurité à partir duquel elle peut se risquer à l’exploration de l’environnement et à la relation avec Iris et les adultes accompagnateurs. Ces derniers sont aussi des figures d’attachement qui lui permettent de se sécuriser lorsqu’elle en a besoin mais aussi de s’éloigner et de s’individualiser.

Le don du pain est aussi un moment important qui l’incite à agir. Elle emmène l’adulte le chercher, le tend à Iris, mais le lâche car la bouche l’effraie. Elle écoute le pain dur craquer entre les dents de sa ponette puis croque ensuite elle-même dedans. C’est un réel partage.

Monter sur le dos d’Iris lui fait peur. Nous attendrons qu’elle nous signifie son envie, et, curieusement, cela se fera lors d’une promenade, donc, à l’extérieur. Elle commencera à pied, et terminera à cheval.

Nous qui avons toute une théorie sur la contenance d’un petit manège !!

Brigitte MARTIN

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