Brigitte Martin novembre - 3 - 2010
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Il y a maintenant quelques temps, j’ai demandé à Brigitte de venir nous parler de la relation d’aide et de la thérapie. La thérapie est certes une relation d’aide mais qu’est-ce qui la différencie des autres types d’accompagnement? Peu de textes et d’articles expliquent clairement cette différence et les postures professionnelles qui s’y rattachent. Voici donc un billet qui va permettre d’y voir plus clair et d’éviter confusions et amalgames… Bonne lecture et merci Brigitte pour ce très bon billet! Sandie

Il y a quelques mois, mon attention fut attirée par un fait divers entendu sur les ondes radio : un malfaiteur avait pénétré dans une église dans laquelle il était décidé à effectuer des menus larcins. Malheureusement pour lui, le prêtre le surprit dans ses manigances et le dissuada de les poursuivre. Il prit du temps pour l’écouter, et avec sûrement de la sympathie, les deux hommes se mirent à prier ensemble. Le prêtre ne porta pas plainte, mais l’homme fut quand même jugé pour d’autres méfaits qu’il avait à son actif. Le prêtre défendit sa cause lors de son procès.

Que penser de cette affaire au regard de ce qui fait le sujet de cet article ?

Sans aucun doute, il s’agit bien d’une relation d’aide, et tout le monde sera d’accord pour dire qu’en rien cette histoire n’a rien à voir avec une thérapie.

Mais si ce cas est simple, il en est tout autre chose de la délimitation entre relation d’aide et thérapie. Où finit la première et à partir de quand peut on parler de thérapie ? Souvent des amalgames sont faits. Il suffit par exemple de taper « relation d’aide » dans un moteur de recherche et sur la même ligne vous trouvez : relation d’aide, thérapie, coaching… Notre époque est encline à permettre ce genre de dérives où le positionnement des uns et des autres n’est plus très clair ; où la même personne propose de la relation d’aide, ou de la thérapie, ou du coaching, sans toujours posséder malheureusement pour celles qui ont recours à leurs services, une formation en adéquation avec ces termes. Il faut donc être prudent et savoir qu’il est de votre droit de demander à la personne à qui vous vous adressez, ses diplômes et son cursus avant de vous engager dans l’une ou l’autre de ces voies.

Mais depuis quand sont employés ces mots : « relation d’aide » ?

Historiquement, on voit apparaître ce concept en lien avec les formidables progrès de la médecine et de l’action sociale. Le corps médical et infirmier s’aperçoivent que les traitements sont plus suivis d’effets lorsque ceux-ci s’accompagnent d’entretiens avec le malade, durant lesquels il lui est expliqué les effets de tel acte, de telle prise de médicaments, etc. C’est un temps donc de parole et d’écoute des doutes, inquiétudes légitimes ou non du malade, où le soigné accorde aussi sa confiance au soignant.

Vers 1930 la relation d’aide est définie officiellement dans les textes comme étant une « intercommunication qui exige de l’aidant, sympathie, solidarité et coopération ».

Puis vers 1950 « l’aspect psychopédagogique passe au premier plan et la méthode se précise ». Enfin en 1960 la définition est arrêtée ; « la relation d’aide est une relation professionnelle dans laquelle une personne doit être assistée pour opérer son ajustement personnel à une situation à laquelle elle ne s’adaptait pas normalement. Ceci suppose que l’aidant est capable de 2 actions spécifiques :

1) Comprendre le problème dans les termes où il se pose pour tel individu singulier dans son existence singulière.

2) Aider le « client » à évoluer personnellement dans le sens d’une meilleure adaptation sociale. » Source L’entretien de face à face dans la relation d’aide de Roger Mucchielli édition ESF.

Puis cette technique d’entretien en face à face a été étendue à d’autres secteurs, que ce soit la santé mentale, l’éducation, la vie professionnelle, familiale…

Qu’est ce qu’une relation d’aide ?

Dans sa formulation, il y a une relation et une aide. Deux personnes, ou plus (lorsqu’il s’agit d’un groupe) vont donc se rencontrer durant un ou plusieurs moments. Cela pourra se faire sous forme d’entretiens ou bien, ce qui est plus notre propos ici, grâce à une médiation, comme la visite dans le lieu de vie d’une personne ou d’un groupe avec des chiens, un travail avec des lamas, des chevaux, ou la pratique de techniques artistiques…

L’accompagnement vise à aider l’autre ou les autres à traverser une épreuve, à trouver en lui (ou en eux) les ressources pour faire face à une situation de vie actuelle, ou qui pourrait devenir problématique, à trouver un fonctionnement personnel plus satisfaisant. Il peut s’agir par exemple, de redonner des points d’ancrage affectifs grâce à la venue ou la présence de chiens visiteurs accompagnés par leurs maîtres dans les maisons de retraite, dans les services de soins palliatifs ou grâce à des propositions d’activités créatrices (dessin, peinture, sculpture, modelage, etc.), en relation avec une personne qui anime ces ateliers.

En relation d’aide avec l’animal, le but peut être l’animation, la pédagogie, l’insertion ou la réinsertion et la recherche (voir charte de déontologie du GERMA : groupe d’études et de recherche en médiation animale, auquel j’ai eu la chance d’appartenir de sa création à sa dissolution).

Mais que faut-il comme compétences pour venir en aide à un autre ?

Est-ce que seule l’expérience, les épreuves ou les succès que la vie nous a réservés suffisent ? Comment aider réellement l’autre en s’effaçant ? En recherchant non pas à satisfaire seulement notre propre narcissisme, mais en étant conscient que c’est l’autre qui sait ? Aider n’est pas donner des solutions toutes faites ou calquées sur nos expériences, mais n’est-ce pas permettre à celui qui vient solliciter notre aide, de trouver dans ses propres ressources la meilleure façon de faire face ?

A mon sens, il est donc indispensable d’abord de s’interroger sur ses motivations. Pourquoi et pour qui ? Tout le monde ne cherche pas à être aidant. Alors qu’est-ce qui me pousse ? Où en suis-je dans mon développement personnel ? Suis-je moi-même assez mature ? Ai-je les capacités à écouter l’autre en comprenant sa manière de voir le monde, de concevoir sa vie ?

Et la thérapie à médiation, qu’est-ce alors ?

Si la relation d’aide n’est pas forcément thérapeutique, la thérapie est une relation d’aide, tout du moins au début.

C’est une relation d’aide particulière qui se doit d’accompagner une personne dans les objectifs qu’elle s’est donnée en termes de mieux être, mais elle est centrée sur le psychisme de l’autre car ses difficultés actuelles qui ont des répercussions sur ce dernier, remontent à une autre période de vie qu’il va s’agir d’explorer.

Il faut être capable de retourner en arrière afin de dénouer les obstacles et les déviations qui se sont produits au cours du développement intersubjectif, relationnel, psychoaffectif ou psychomoteur de la personne en demande de soins.

Un préalable s’impose donc du côté du thérapeute. Il lui faut absolument une formation de base de soignant. Un diplôme d’état dans les domaines du soin ou du médico-social est indispensable. C’est là mon avis, même si je sais que d’aucuns pensent et font autrement.

Bien sûr, les études ne sont pas la garantie exclusive d’être un thérapeute « suffisamment bon », mais c’est un pré-requis indispensable. Ce n’est pas l’obtention d’un diplôme, de base ou de spécialisation, quel qu’il soit, qui fait que l’on est, du jour au lendemain, thérapeute, mais il faut tendre à le devenir, par l’expérience, et à une condition sine qua non :

Aider les autres, c’est aussi se donner les moyens de se faire aider soi-même pour prendre du recul, pour prendre conscience de ses propres réactions contre-transférentielles.

Il est donc indispensable d’en apprendre sur soi par le biais de la supervision de son travail. Devenir thérapeute, c’est travailler sur son propre développement personnel. L’adage « Connais-toi toi-même » me semble bien illustrer ce propos. C’est le travail bien sûr de toute une vie…

Dans le monde de la médiation, il faut ajouter à la formation de base, une spécialisation à l’utilisation du médiateur, qu’il soit animal ou support créatif.

Il est impensable de travailler avec un cheval ou un chien sans connaître parfaitement le monde sensoriel et les règles éthologiques qui régissent les comportements de l’un ou de l’autre, de ne pas être soi-même cavalier afin d’avoir cette expérience corporelle et émotionnelle de ce qui peut être vécu auprès du cheval et à cheval.

Il est impensable de proposer des ateliers d’art thérapie sans connaître parfaitement les supports proposés, sans avoir soi-même un parcours antérieur et actuel d’artiste.

Une dernière exigence : se former tout au long de sa vie professionnelle. Il est important de réactualiser ses connaissances ou d’en acquérir de nouvelles.

En guise de conclusion :

Au moment où je termine d’écrire cet article, je finis la lecture d’un roman, prêté par ma fille et qui, par hasard, traite de cette question. Ce livre a pour titre « l’homme qui voulait être heureux » de Laurent Gounelle chez Pocket.

Nous sommes à Bali. Deux personnages : un vieux guérisseur et un Monsieur tout le monde. Il va consulter sans trop savoir pourquoi. Il n’est pas malade, mais le diagnostic est formel : il ne se sent pas heureux. C’est donc le récit de cette relation d’aide de quatre jours qui bouleversera son « modèle du monde ».

A lire sans modération…

Je ne veux pas terminer ce propos sans adresser mes remerciements à Marguerite Weith qui est toujours de bons conseils.

Brigitte MARTIN

2 Responses to “La relation d’aide et la thérapie, dans le cadre d’une médiation”

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    Nicolas E.
    septembre 9th, 2014 at 17:12

    Merci Brigitte pour cet article fort inspirant, que j’ai le regret de découvrir avec quelques années de retard.
    Excellente revue de la question qui permet de clarifier différentes dimensions du soin, de l’aide, ou de la thérapie. Restent quelques points d’interprétation et raccourcis sur lesquels je ne peux pas te rejoindre.

    « Sans aucun doute, il s’agit bien d’une relation d’aide, et tout le monde sera d’accord pour dire qu’en rien cette histoire n’a rien à voir avec une thérapie. » Le lapsus calami n’a besoin que d’être relevé pour expliciter tout mon propos. Rien de l’histoire du prêtre et du voleur n’est en effet étranger à ce que peut être une thérapie. Il suffit que le prêtre l’écoutât pour que le malfrat renonce et change.

    Le prêtre est-il un soignant ? Certainement pas. Est-il formé et expérimenté à l’écoute ou à la relation d’aide ? Convenons-en, c’est au cœur du sacerdoce : la relation d’aide est même enseignée dans les facultés de théologie.
    Ton excellent exemple montre que la thérapie est un effet, et non un moyen.

    Là où nous différons, c’est dans ta restriction de la thérapie au seul champ psychodynamique, au seul postulat de l’inconscient, ou au seul objectif de faire émerger le passé. Là, tu amalgames psychanalyse, psychothérapie et thérapie.
    Certes, les approches fondées sur la passé sont légitimes (de l’hypnose classique à la psychanalyse en passant par la psychogénéalogie). Mais tu éludes les approches centrées sur le présent (ACP, analyse transactionnelle, TCC, systémie, EMDR, Gestalt…) et celles centrées sur l’avenir (TOS, sophrologie et hypnose eriksonienne notamment), autant que les thérapies hors psychothérapie (kinésithérapie, orthophonie, ergothérapie, etc.).
    La notion de thérapeute se définit bien mieux par référence à celui qui a l’INTENTION explicite de soigner, qu’à celui qui accompagne des voyages initiatiques vers des périodes archaïques oubliées.

    Ce qui est, certes, moins poétique, mais qui remet en question les dogmes du statut du praticien, de la prépondérance du contre-transfert, de l’existence de l’inconscient freudien, ou encore de l’analyse didactique.

    Nous sommes parfaitement d’accord sur la définition de la relation d’aide, dans le fait qu’elle est un outil central en thérapie, et dans le fait qu’elle est un critère incontournable pour sélectionner et valider les thérapeutes.
    Ce qui nous rend d’accord sur le fait qu’il n’est pas possible d’exercer la relation d’aide (et à plus forte raison à la thérapie) sans être en capacité de repérer nos propres désirs, attentes, projections, représentations ou limites. Mais il ne s’agit pas d’une capacité qui s’acquiert dans un amphi ou en lisant un livre : elle s’acquiert parce qu’on s’y applique sur le terrain.

    Est-ce que les diplômes de médecin, infirmier, psychologue et psychomotricien attestent de cette capacité chez leurs détenteurs ? Ou bien n’est-ce pas plutôt que leurs détenteurs sont amenés à travailler dans un contexte qui les incite à développer cette capacité ?
    Prétendrais-tu que les « formations initiales de soignant », que tu défends contre tant d’autres, ont pour point commun de valider un travail thérapeutique personnel ? L’expérience, plutôt que les diplômes d’État, n’est-elle pas le premier facteur permettant de développer cette capacité ?
    Faute d’avoir un statut de soignant, les éducateurs ne pourraient pas développer cette compétence ? Faute de diplôme, tous les professionnels qui exercent la relation d’aide depuis des années n’auraient aucune légitimité ne serait-ce qu’à espérer devenir thérapeutes ?

    avatar
    Rihouet
    avril 16th, 2018 at 15:30

    bonjour,
    Je demande plus d’infos…sur cette pratique.
    Merci

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