Il s’agit de la troisième et dernière intervention de la table ronde: « Approches conceptuelles. »
Quiconque cherche à analyser ce « métier » de parent qu’évoquait S. Freud, en affirmant qu’il n’en était pas de plus difficile à exercer, se perd très vite soit en hypothèses intellectuelles, soit en fumeuses abstractions. C’est que la « charge » de parent ne se théorise guère que maladroitement : comment comprendre sa vérité, comment l’inscrire dans une perspective historique et culturelle, comment défricher le champ de ses métamorphoses symboliques ? En un mot, comment le dire, ce parent, celui que nous avons tous eu, celui que nous sommes parfois devenu ou celui que nous rêvions d’avoir ou d’être ? Comment penser la parentalité ? Celle qui s’impose à nous, dans le réel de nos vies, dès notre conception et que nous passons le plus clair de notre temps, ensuite, à rêver, tentant d’y débusquer quelque confirmation existentielle, lui attribuant toutes nos forces, nos espérances et nos échecs.
© Photo Résilienfance
« Car si tu veux comprendre les hommes, il ne faut point les écouter parler » écrivait Saint-Exupéry dans Citadelle (Paris, Gallimard, 1948, Coll. Folio). Ils en parlent pourtant les Hommes de parentalité, ils n’arrêtent pas depuis quelques années d’en parler. Nous sommes cernés de spécialistes es parentalité, de réseaux de soutien à la parentalité, d’officines en tout genre qui se piquent d’éduquer les parents (de l’école des parents au coaching parental en passant par les ateliers de parentalité créative) et de colloques en publications, d’émissions télé en dossiers de magazines, à tous les coins de nos vies, personnelles et professionnelles, la grande question semble être aujourd’hui : « Comment faire pour être un bon parent ? » Bons points, petites images et grandes images aux parents méritants, comme autant de photos de l’employé du mois au Mac Do du coin. Au fast food de la parentalité, nous concourons tous pour notre quart d’heure de célébrité mais bon, qui décerne les prix et qui décrète l’élu ? D.W. Winnicott n’assurait-il pas : « Vous êtes spécialistes de ce sujet particulier : les soins donnés à votre propre enfant. Je veux vous encourager à garder et à défendre ce savoir spécialisé, qui ne peut être enseigné. » Or, si la parentalité ne s’enseigne pas, pourquoi tant d’efforts contemporains pour la … soutenir ? Plus, certains osent affirmer que la parentalité n’existe pas. Sous cette dénomination minuscule et plurielle, sous cette appellation générique, se dérobent « mon père » et « ma mère ». Nul autre. Précisons d’ailleurs « maman » et « papa ». Eux seuls ont droit à cette appellation très contrôlée. Les autres ne sont que nos aimables – ou haïssables – objets de projection : des épouvantails ou des statues que nous dressons à tout va, pour donner du sens à cette expérience ineffable, insaisissable : avoir été enfant et enfants d’eux. Toutes nos théorisations sur la parentalité procèdent de cette inédite et singulière empreinte. Elles ne s’autorisent que de ce précédent, redoutable biais épidémiologique s’il en est : nous avons eu un « papa » et une « maman » et en une éternelle dette de vie, nous ne nous autorisons à penser la parentalité qu’à l’empan de ce que nous avons vécu, avec ou par eux.
Pour lire la suite, cliquez: ici.
Patrick BEN SOUSSAN
+++ A lire:
Précédemment:
- le discours d’ouverture du colloque par le Président de Résilienfance, Nicolas Perez: Les Actes du Colloque Résilienfance # 1: C’est parti!
- la première intervention de la table ronde « Approches conceptuelles » par Sandie Bélair: Le Pays d’Osons!
- le seconde intervention de la table ronde « Approches conceptuelles » par Jean-Claude Barrey: L’enfant, l’adolescent, l’adulte parent, les animaux médiateurs: vers des affectivités entrelacées.
A suivre : la première intervention de la table ronde « Parents Acteurs« : «Et les parents dans tout ça?! » – Emilie LABAU-LALANDE et Céline VIGUES, Témoignages de parents.