Natacha Darduin octobre - 28 - 2009
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Aujourd’hui, Natacha, nous livre la vignette clinique qu’elle a réalisé dans le cadre de sa recherche en Master 1 de psychologie clinique et psychopathologie. Pour vous mettre dans le contexte de cette recherche, vous pouvez lire le billet qu’elle y a consacré: L’atelier à médiation animale: l’impact de l’attachement au chien sur le développement des compétences socles des enfants déficients mentaux insécures. 

Cette vignette clinique sera publiée en deux actes. Patience donc et profitez bien de ce billet car la publication de tels écrits sont rares en médiation animale. Le temps manque à la plupart des porteurs de projets pour écrire et faire partager les différents suivis! C’est bien dommage… A ce propos, pour ceux qui ont envie d’évoquer leurs expériences et de nous parler de leurs prises en charge, je vous rappelle que vous pouvez nous proposer des billets en tant que rédacteur invité!!

Bonne lecture…

Choix du patient

Notre vignette clinique est menée afin d’apprécier de façon plus approfondie les processus affectifs et relationnels mis en jeu lors de l’interaction avec un animal. Le suivi effectué depuis deux années au sein des ateliers associant le chien et les nombreux éléments cliniques soulignant l’investissement d’une relation affective forte avec l’animal, justifient notre choix de présenter le cas de W. De plus, ses résultats reflètent de manière pertinente les objectifs de notre recherche.

Eléments anamnestiques

W. nous est orientée par la psychologue clinicienne coordinatrice des PRE. Cette demande de prise en charge, vient s’inscrire en réponse aux angoisses de séparation et d’abandon qui la submergent et à la survenue d’un épisode anorexique. Ces éléments cliniques l’empêchant de rentrer dans les apprentissages.

W. est une petite fille de 9 ans, elle est le troisième enfant d’une fratrie de cinq frères et sœurs. Son plus jeune frère a trois semaines, le second a trois ans, son grand frère a quatorze ans et sa grande sœur en a dix-sept. La mère de W. est une femme dépressive, qui vit dans une relation fusionnelle avec ses enfants. Lorsque ces derniers s’autonomisent et grandissent, elle ressent le besoin de porter de nouveau un enfant et de recréer cet état de symbiose tout en délaissant et « abandonnant » de façon brutale l’éducation des autres enfants de la fratrie. W. a vécu cet état symbiotique avec sa mère pendant six ans, avant que son jeune frère ne naisse. Lors de la naissance de celui-ci, W. connu un épisode anorexique, s’interdisant de manger, son développement s’est alors ralentie et ses apprentissages bloqués.

Suite aux difficultés de W., un bilan psychologique a été effectué par la psychologue scolaire de son école. Il met en avant un profil cognitif dysharmonique et des difficultés à intégrer des repères corporelles. Lors de la passation du Thematic Apperception Test (TAT), d’importantes angoisses d’abandon, de mort et de destruction ainsi que des représentations fantasmés des images parentales sont repérées. W. utilise le mode phobique, des récits crus et peu élaborés. Elle présente également des manifestations somatiques importantes (céphalées, douleurs abdominales, nausées) lorsqu’elle est à l’école ainsi que des difficultés de concentration.

Il est alors préconisé une intégration en CLIS 1, afin d’accompagner au mieux W. vers les apprentissages. En parallèle, un suivi orthophonique au Centre Médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) est proposé, ainsi qu’un atelier à médiation animale associant l’âne en complément de l’atelier chien mené par des psychologues cliniciens.

Problématique de W

Suite, aux différents éléments anamnestiques que nous avons pu recueillir, W. est une enfant submergée par de fortes angoisses d’abandon et de séparation qui sont en lien avec son histoire familiale. Ceci se traduit par une somatisation à versant hystérique (ruminations avec perception d’un danger mal définie ou douleurs corporelles imaginaires) et par le vécu d’un épisode anorexique. Les éléments cliniques soulevés, mettent en avant la problématique du corps et des repères corporels. Ce tableau clinique bloque l’investissement des apprentissages et la libération des compétences socles de W.

Evolution de W. sur les ateliers à médiation animale

Lorsque nous rencontrons W. pour la première fois en septembre 2007, elle apparait comme une petite fille fragile et en demande d’attention. Elle est la plus jeune du groupe et est souvent mise à mal par ses pairs. Son regard ne se pose ni sur les intervenants ni sur le chien. Elle est happée par les autres enfants du groupe, et est très sensible à leurs regards, ceci l’empêche de faire les activités de façon détendue et sans excitation.

La chienne de par sa quête permanente d’interactions affiliatives, vient souvent la solliciter au cours des séances. W. interprète ces élans comme une adhésion à ses émotions et à son comportement. Elle s’autorise alors des moments de régression temporelle, qui se caractérise par un retour à un état antérieur de son développement psychologique. C’est régulièrement que W., en début de séance vient se blottir contre la chienne sur son tapis. Elle adopte alors une position foetale en se plaçant contre le ventre de l’animal, elle le caresse (ceci peut ressembler à des comportements d’agrippements) et suce son pouce. La sensation de chaleur et de douceur du poil de l’animal semble l’apaiser et elle peut rester de longues minutes, sans se soucier de ce qui se passe autour.

Au fur et à mesure des ateliers, W. lie une relation forte avec la chienne. Des comportements d’imitation sont souvent observés, elle imite la chienne à quatre pattes, tire la langue…son regard se pose alors sur l’animal, même s’il reste encore fuyant avec l’adulte. L’attention visuelle soutenue se développe alors.

D’autre part, des activités sont proposées lors des ateliers, la plupart du temps, lorsque la chienne effectue correctement un exercice, elle est récompensée avec une gourmandise. Le rapport à la nourriture peut, lors de ses moments d’échange, être observé. En effet, lorsqu’elle est en position de « nourrir » l’animal, W. lui en donne une quantité excessive. On pourrait supposer, qu’elle rejoue la relation qu’elle entretient avec sa mère. Elle se retrouve à la place de la « mère suffisamment bonne ». Nous pouvons comparer cette mise en œuvre spontanée au psychodrame. Ceci pourrait expliquer la démesure de la récompense à la chienne. En effet, nous savons que la mère de W. vient d’accoucher et « délaisse » sa fille, ainsi nous pourrions interpréter cela comme le désir d’attention et de soin qu’elle souhaiterait de sa mère et auquel elle répond par un refus de s’alimenter.

La problématique de l’angoisse de séparation, se traduit par une détresse lorsque la fin de l’atelier arrive. W. peut pleurer à chaudes larmes et refuser que la chienne ne sorte de la pièce. Elle présente également de fortes somatisations ou nous exprime qu’un danger la menace. Sur un des ateliers, W. va même jusqu’à simuler un saignement à la lèvre alors qu’il n’en est rien. Cette manifestation est à versant hystérique, W. semble persuadée que sa lèvre est ouverte et qu’elle saigne beaucoup. L’aménagement de la séparation est alors préparé par les intervenants pour les ateliers suivants. Lorsque l’heure arrive, W. est prévenue et accompagnée dans le « au revoir » à la chienne. La séparation se fait actuellement sans encombre et les manifestations somatiques ont disparus.

Le jeu développé entre W. et la chienne entraîne des activités physiques et lui permet de prendre conscience de son schéma corporel. L’animal devient alors un support de motricité et de gestualité. W. peut alors exprimer un large éventail d’habilités motrices et développe en même temps de nouvelles régulations afin de s’ajuster à la communication avec la chienne. En réponse à la problématique corporelle, l’animal constitue pour W. un catalyseur de son développement moteur. En observant le comportement de l’animal, elle découvre la toilette, le jeu, les attitudes et les positions du corps du chien. Progressivement, elle perçoit son schéma corporel par l’intermédiaire de l’image que lui renvoie la chienne, mais également grâce aux caresses et aux échanges tactiles avec celle-ci. De plus, W. demande régulièrement à monter sur la chienne comme sur un cheval (nous reviendrons sur cette demande dans notre articulation clinico-théorique).

A suivre « l’analyse psychopathologique : articulation clinico-théorique » et « la conclusion » de cette vignette clinique. Ce sera donc l’acte 2!

Pour en savoir plus:

L’atelier à médiation animale: l’impact de l’attachement au chien sur le développement des compétences socles des enfants déficients mentaux insécures.

 

Natacha

 

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