Sandie Bélair février - 8 - 2014
avatar

Vendredi 7 février, Paris… Il est 17h30, les débats se poursuivent au Sénat dans le cadre du colloque « Nous et l’Animal », je quitte la salle avant la fin pour aller prendre mon train.

Sur le trajet me menant à la station de métro, je réalise la richesse de cette journée ! Quel évènement ! Que d’intellectuels et de personnalités réunis pour rendre compte de la condition animale dans notre pays ! Tout au long de la journée, se sont succédés : Boris Cyrulnik, Matthieu Ricard, Yves Coppens, Jane Goodall, Peter Singer, Vincianne Despret, Hubert Reeves et tant d’autres ! A nous en donner le vertige.

Voilà de grands penseurs et de grands scientifiques qui s’engagent et affirment haut et fort qu’il est temps de reconsidérer notre rapport aux animaux et d’étendre plus largement notre éthique à leur condition. Un élan… une révolution qui arrive en pleine crise économique, sociétale et écologique… doit-on y voir un lien ? Oui il me semble… Tout est intrinsèquement lié… Je repense aux propos de Nicolas Hulot, qui, en 2009, poussait un cri d’alerte, un cri du cœur avec son film « Le Syndrome du Titanic » et qui nous encourageait à revoir ensemble le projet humain.

 

Ouverture colloque Nous et l'Animal

 

Au cours de ce colloque, une citation de Gandhi a été maintes fois répétée par les intervenants : « La grandeur et le développement moral d’une nation peuvent se mesurer à la manière dont elle traite ses animaux ». Et la question est bien là : comment traitons-nous les animaux en France? Au-delà des animaux de compagnie avec qui nous entretenons « un égoïsme du bonheur » selon Allain Bougrain-Dubourg, il y a les animaux d’élevage, de rente, les animaux d’utilité, les animaux de laboratoire, les animaux sauvages… Et puis il y a cette biodiversité que nous détruisons, cet environnement que nous avons « sur-pris » et « surpris » selon Yves Coppens. « Il est urgent de se retourner et d’ouvrir les yeux » nous dit Lucienne Strivay, anthropologue pour conclure la restitution des travaux de la table ronde « La reconnaissance de l’animal par la science et la pensée ».

Peter Singer et Jane Goodall qui incarnent des personnalités de la libération animale s’étonnent de ce retard français au niveau éthique et au niveau juridique. En effet, alors que l’animal est considéré comme un être sensible dans le Code rural et alors que le Code pénal sanctionne les mauvais traitements à son égard, il reste un objet, un bien meuble dans le Code civil. Enfin, la nature sensible des animaux sauvages n’est pas reconnue dans le Code de l’environnement et surtout, ils ne sont pas protégés des mauvais traitements. En terme de bien-être animal, il existe un décalage entre les dispositifs réglementaires et les pratiques, un « décalage stupéfiant entre les connaissances et le droit, c’est une méconnaissance intéressée » selon Vinciane Despret.

Elisabeth de Fontenay a rappelé que la tradition philosophique, avec ou sans l’aide de la théologie, porte une lourde responsabilité dans la souffrance animale. Aujourd’hui, grâce à la science et à l’éthologie notamment, on ne peut plus occulter le fait que les animaux sont des êtres sensibles, acteurs de leurs interactions, capables de changement, d’évolution, sujets de leurs émotions, sujets d’une personnalisation. On ne peut donc plus catégoriser radicalement l’homme et les animaux. Bien que nos cerveaux soient différents et que ce qui vaut pour l’homme ne vaut pas pour l’animal et inversement, nous partageons avec lui, selon Boris Cyrulnik, le « cerveau de l’émotion et de la souffrance ». Comme l’homme, l’animal cherche à échapper à des situations de souffrance. L’homme a donc une responsabilité à son égard : le protéger et lui donner des droits.

Les enjeux économiques qui sous-tendent les différentes filières du monde animal sont considérables. Mais pour prendre l’exemple des animaux d’élevage, « tant que nous encouragerons un « low-cost » de la nourriture, nous produirons de la souffrance et nous mangerons de la souffrance » déclare Yann Arthus-Bertrand.

Ces réflexions, comme l’a précisé Allain Bougrain-Dubourg, ne « tirent pas l’humanité vers l’animalité mais l’élèvent vers l’animalité ». Cette dernière ne porterait donc plus une vision négative mais viendrait rappeler à l’homme d’où il vient et l’encourager à plus d’humilité, moins de hiérarchisation, de catégorisation qui génèrent l’exclusion. Toutefois, Elisabeth de Fontenay insiste sur la singularité de l’homme. Pour elle, la responsabilité est l’unique concept éthique. Et c’est ce qui différencie l’homme des autres animaux. Ainsi, elle déclare que « ce n’est pas en traitant nos congénères d’animaux humains que nous pourrons les sensibiliser à la condition animale ».

Matthieu Ricard quant à lui à terminer son exposé introductif par un message positif : « il y a un potentiel en nous et il faut réfléchir de manière juste et objective ». Pour penser l’animal, il faut se mettre à la place de l’autre, il nous invite à réveiller notre empathie. Mais conscient que la compassion n’est pas évidente pour tous, il lui paraît nécessaire d’adopter une législation afin de protéger le monde du vivant. Pour Boris Cyrulnik, en changeant d’attitude avec nos animaux, nous découvrons leur monde mental, nous nous enrichissons de cette expérience et nous ne pouvons plus les considérer contre « des objets ».

 

Boris Cyrulnik

 

Mes pensées défilent et me voilà arrivée dans le métro. C’est alors que je vois sur le quai, en face, une personne non voyante et son chien guide, elle le caresse, lui parle. Elle semble le rassurer, il la regarde et il remue la queue… Je me rends compte alors que cette belle journée m’a laissé une légère déception. En effet, l’animal dit d’utilité, d’assistance n’a pas été évoqué dans les échanges malgré la participation d’experts aux tables rondes. Plus loin à ma station d’arrivée, je vois un petit chien en laisse très pressé, un parisien canin. Je me retourne et son maître me sourit. Nous échangeons quelques mots : « il est pressé » lui dis-je, il me répond : « oui, il est impatient d’être en week-end… et moi aussi d’ailleurs ». Au cours de ce colloque je réalise également que nous n’avons pas parlé de l’animal comme vecteur de lien social.

Voilà deux exemples qui traduisent ce que nous apportent aussi les animaux car ils concourent à notre bien-être, notre mieux-être… deux exemples qui peuvent contribuer à donner une autre place à l’animal dans notre société, une place plus juste où il serait mieux protégé et où un nouveau régime de compagnonnage humain/animal serait reconnu. Et la médiation animale s’inscrit dans ce régime.

Mais réjouissons-nous de cette journée, réjouissons-nous de ces débats dans un haut-lieu symbolique, réjouissons-nous de l’engagement de grandes personnalités et continuons à nous mobiliser et à défendre la condition animale. Car une révolution est belle et bien en marche !

Je terminerai avec cette citation de Vinciane Despret (mon clin d’oeil à Jean-Claude Barrey, éthologue) : « Les nouvelles connaissances que la science a élaborées sur les animaux nous amènent ainsi à modifier les représentations que nous en avons. L’animal, qui a toujours été au cœur des religions et des activités humaines, est désormais susceptible de nous interroger sur certaines dimensions de nos pratiques sociales et économiques. Connaître ses capacités relationnelles et communicationnelles, c’est remettre en perspective la communauté fondamentale et l’interdépendance des êtres vivants. C’est remettre en question les conditions de l’élevage, ou l’exploitation forcenée des milieux naturels. C’est en quelque sorte inventer de nouveaux modes de cohabitation avec les animaux » (Quand le loup habitera avec l’agneau – 2002).

A méditer… Belle fin de semaine à vous!

Sandie BELAIR

 

13 Responses to “Colloque « Nous et l’Animal », un petit retour à chaud…”

    avatar
    GROFFIER Anne
    février 9th, 2014 at 9:15

    merci pour ce très beau retour

    avatar
    Bidochon04
    février 9th, 2014 at 19:40

    Bonjour,
    Dommage que le père Guy GILBERT n’etait pas invité. Un pionnier dans la relation animal depuis plus de 40 ans

    avatar
    Nicolas E.
    février 10th, 2014 at 17:54

    Merci beaucoup, Sandie, pour la générosité avec laquelle vous partagez ces informations et les réflexions qu’elles suscitent.

    Nous réfléchissons beaucoup sur la condition de nos animaux de médiation, et nous questionnons notamment sur leur bien-être. Mais il n’y a pas de réponse absolue ni même de définition claire du bien-être animal, qui gardera toujours une part d’interprétation et d’anthropomorphisme tant que les animaux ne pourront raisonner et communiquer « comme des humains ».
    Il faut se réjouir que nous cherchions à faire « mieux » et du moins à « ne pas nuire ». Mais la réglementation actuelle est-elle pour autant inefficace et quelle direction voulons-nous prendre ?

    A titre plus personnel, sur cette question, je me permets de remarquer que c’est encore bien souvent l’émotion des hommes qui guide leur raisonnement.
    Combien sommes-nous à pouvoir nous apitoyer sur la plus petite égratignure de nos chevaux, à dépenser sans compter pour leur offrir des conditions de vie qui nous rendent heureux, ou à nous indigner face à l’euthanasie d’un girafon ? Sommes-nous aussi nombreux à considérer avec autant d’attention et d’affection le sort des souris, araignées, guêpes, termites, moustiques, pigeons, et taupes ? N’avons-nous pas tendance à n’envisager le « statut » d’être sensible qu’au bénéfice des « bons » animaux susceptibles d’être en interaction avec nous-mêmes, voire même uniquement envers ceux qui suscitent en nous une tendresse bien humaine ?
    Ne cherchons-nous pas à réparer nos propres affects en les prêtant aux animaux ? Si la philosophie bouddhiste enseigne à respecter la vie en éveillant notre conscience sur l’idée que nous pouvons choisir de tuer ou de nuire, n’est-ce pas avant tout notre propre « pureté » que nous cherchons à préserver en nous efforçant de ne pas commettre intentionnellement d’acte nuisible ?

    Si l’animal, et je ne peux qu’être d’accord avec Matthieu Ricard, éveille notre sens de l’empathie, je veux aussi souligner que la compassion qu’il évoque (et que nous pouvons éprouver envers les animaux), est aussi un bon raccourci pour dévaloriser l’altérité, renforcer notre sentiment de toute-puissance, maintenir une hiérarchie de statuts et nous éloigner définitivement d’une relation empathique acceptant pleinement l’autre dans son insaisissable différence.

    avatar
    laetitia
    février 10th, 2014 at 23:42

    En réponse à votre commentaire Monsieur Nicolas E., j’ai tout d’abord envie d’écrire que vous enfoncez quelques portes ouvertes, par exemple quand vous écrivez qu’il n’y a pas de réponse absolue ni même de définition claire du bien-être animal, qui gardera toujours une part d’interprétation et d’anthropomorphisme. Il semble évident que nous ne saurons jamais exactement ce que les animaux pensent ou vivent : n’étant ni dans leur tête ni dans leur corps, ne pouvant éprouver leur vécu, nous ne pourrons jamais connaître complètement leur « réalité »… Pourtant, des personnes hautement qualifiées, des chercheurs, des personnes de terrain… travaillent à une définition de plus en plus en plus poussée de ce « bien-être animal » et heureusement que l’on se pose toujours et qu’on se posera encore la question du bien-être… Etait notamment présente au colloque Fabienne Delfour, diplômée de biologie du comportement et neurosciences cognitives, maître de conférence en neurosciences et biologie des populations. Pour elle, « connaître puis comprendre l’animal peut se faire par l’intermédiaire d’une observation rigoureuse de ses comportements, il s’agit d’adopter une approche éthologique ». Elle évoque notamment l’éthologie cognitive, qui permet de « comparer les différents processus mentaux des animaux, tels que la conscience, les croyances, la rationalité »… Concernant le BIEN-ETRE, elle explique que celui-ci est physique (bien se porter) et psychologique (bien se sentir). L’assurance d’une bonne santé physique n’est pas suffisante, un animal bien portant peut souffrir mentalement et il est nécessaire de répondre aux besoins comportementaux des animaux. Jean-Claude BARREY également, pour traduire cela, a créé le concept de « champ détendu »… Ainsi, heureusement que des personnes se posent la question du bien-être animal et ne se disent pas que de toute façon ça ne sera qu’une définition approximative et jamais réelle : il n’y a pas si longtemps nous pouvions penser que la seule satisfaction du bien-être physique était nécessaire ET SUFFISANTE…

    Ensuite, concernant la réglementation actuelle et ce vers quoi nous allons. Dans la mesure où aucune catégorie juridique n’existe spécifiquement, l’animal se trouve rattaché, par défaut, à celle des biens. Ainsi, pour le code civil, l’animal reste un « objet de propriété ». Le terme même de « propriété » est chargé de lourdes conséquences pour l’animal : il le met dans une relation de dépendance avec tous ses avantages et inconvénients, donnant parfois à l’Homme-Propriétaire beaucoup plus de droits que de devoirs. La question qui se pose est donc celle du « statut juridique » de l’animal. Le droit doit effectivement cesser d’envisager l’animal comme une chose, ce qu’il n’est assurément pas ! Il doit l’appréhender comme ce qu’il est, comme un être vivant et sensible. Ce qui a été suggéré au colloque vendredi dernier, notamment par Reha Hutin, fondatrice de la Fondation 30 millions d’amis, et ce vers quoi il s’agirait de tendre ce serait de créer dans le code civil une personnalité juridique intermédiaire pour les animaux, entre les biens meubles et les personnes. Il a également été dit qu’il s’agissait certes d’aller vers la reconnaissance de droits aux animaux, mais aussi et surtout que l’homme reconnaisse ses responsabilités envers les animaux. « Dans une société largement fondée, comme la nôtre, sur la notion de droits, il est sans doute heureux que des droits viennent protéger les différentes facettes de l’animalité des abus qui pourraient lui être infligés par une espèce, la nôtre, qui au cours de son histoire, n’a pas toujours brillé par son attitude morale ».

    Enfin, vous écrivez que la compassion qu’évoque Matthieu Ricard est un bon raccourci pour renforcer notre sentiment de toute-puissance et maintenir une hiérarchie de statuts Je ne sais pas quelle est votre définition de la compassion mais il me semble que celle qu’utilise Matthieu Ricard et que partagent une grande majorité des personnes qui s’intéressent au « sort » des animaux, y compris moi, est la compassion au sens étymologique de « je souffre avec » ( latin cum patior), la compassion par laquelle un individu est porté à percevoir ou ressentir la souffrance d’autrui, et est poussé à y remédier. Certaines personnes en effet peuvent rapprocher ce mot de celui de « pitié » ou encore « apitoiement » qui véhiculent tous deux aujourd’hui une consonance péjorative. Prendre quelqu’un en pitié peut être ressenti comme quelque chose de rabaissant, ce qui n’est pas le cas dans la compassion, à mon sens. Enfin, si la compassion a été évoquée de nombreuses fois, elle ne l’a pas été sans être également reliée à la notion de RESPECT de la dignité des animaux, notamment par Elisabeth de Fontenay, ou encore à celles d’ETHIQUE, de DROITS, d’EGALITE DE CONSIDERATION DES INTERETS, de RESPONSABILITE et d’EDUCATION… La philosophie bouddhiste nous enseigne à respecter la vie avant tout selon le principe de l’AHIMSA ou « non violence ». C’est le vœu de ne pas tuer, blesser ou faire de mal intentionnellement à tout être vivant. Et l’une des expressions positives de l’Ahimsa, selon Maneka Gandhi, est la protection des animaux.

    Pour terminer, on peut accepter pleinement l’autre dans on insaisissable différence tout en éprouvant de la compassion pour cet autre et en cherchant donc à le protéger surtout lorsqu’on se rend compte que l’humanité dans sa grande majorité se saisit justement de cette différence comme d’une bonne raison pour asservir et exploiter cet autre différent. « A l’heure où nos sociétés industrielles ont opéré une rupture avec la nature et où partout, les animaux et les hommes en paient le prix, la question animale constitue un enjeu éthique et politique majeur. L’ignorer est une erreur »… La journée de vendredi dernier a permis de ne pas ignorer… Je remercie vivement Ecolo-Ethik et tous les participants pour cela…

    avatar
    laetitia
    février 11th, 2014 at 5:07

    J’ai oublié, concernant le sort des souris, araignées, guêpes et termites… Je ne pense pas que l’on puisse parler de « bons » animaux versus « mauvais » animaux. D’une part cela semble presque naturel que les animaux qui nous posent le plus question et vers lesquels notre réflexion se tend soient ceux qui nous sont le plus proches et que nous côtoyons le plus souvent… De plus, considérer les droits des animaux est une façon de permettre qu’ils soient protégés, notamment des abus dont ils sont victimes de la part des hommes. Et les moins bien placés de ces animaux sont bien ceux avec lesquelles nous sommes en interaction, d’autant plus ceux uqe nous exploitons ! Il me semble que c’est une des raisons pour lesquelles les sujets des débats sont surtout les animaux de compagnie, familiers, de rente, d’élevage, d’utilité… Ainsi, la science s’est longtemps intéressée à des animaux proches de nous, phylogénétiquement ou proches dans notre quotidien (singes, chiens, chats…) ; Il semble aujourd’hui cependant que cette science redécouvre toute une gamme d’autres animaux : au Colloque nous avons notamment entendu parler de souris, rats, poulpes, poissons… De plus, il me semble qu’aujourd’hui, le statut d’être sensible est reconnu pour les mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et même depuis des études récentes les poissons. Les araignées, guêpes, termites… sont peut-être davantage considérés me semble-t-il dans un « ensemble », des écosystèmes… et peut-être relèvent-ils plus du droit de l’environnement ?

    avatar
    Marie
    février 11th, 2014 at 10:45

    Nicolas,

    Je me permets de répondre à votre message que je trouve fort intéressant.
    Tout d’abord je suis d’accord avec vous sur cette idée d’anthropomorphisme et il est important de se questionner sur ce qui nous pousse chacun, à protéger de cette manière l’animal, et plus particulièrement celui qui nous accompagne au quotidien, ce partenaire de vie, il est souvent victime de nos projections: de nos émotions et nos désirs… le protéger, c’est nous protéger nous même.
    Effectivement, nous arrivons aujourd’hui à des phénomènes assez curieux où il me semble que tout se mélange. le girafon, le chat qui a suscité un nombre invraisemblable de réactions sur la toile , …mais ces événements aussi horribles qu’ils puissent être sont aussi à la représentation dont les informations sont traités aujourd’hui par les réseaux sociaux entre autre, qui ne permettent pas le moindre recul sur les situations… Il y a donc beaucoup d’amalgame, je crois qu’il est important de ne pas tout mélanger: ce qu’il se passe à ce niveau là ne peut être assimilé à ce qu’il se passe à un autre niveau: avec cette possibilité aujourd’hui de questionner la condition animale. Oui il y aura surement un peu d’anthropomorphisme,et ce sera surement plus facile de le faire pour ces chats, chiens, chevaux qui nous accompagnent et qui permettent un identification plus grande et donc où l’empathie est plus accessible, mais peut être pouvons nous aussi voir cela comme un début de questionnement sur notre impact sur les animaux en général et plus généralement une prise de conscience sur notre impact sur l’environnement, qui vous avez raison a été victime de la toute puissance de l’homme. Mais c’est aussi lui qui peut réajuster ses positionnements.
    La question du bien être et de la bientraitance est un sujet à la mode certes, mais il a le mérite d’exister et de permettre que nous nous questionnons sur la manière dont nous considérons l’animal et peut être que c’est un vœux pieux mais j’espère que ces discussions découleront sur une autre considération de l’animal non pas comme cet autre différent (qui implique une hiérarchie de fait) mais dans la richesse de l’altérité.

    avatar
    Sandie Bélair
    février 11th, 2014 at 11:17

    Merci de ces échanges qui donnent vie à ce média.

    Je voulais juste ajouter que mon billet est loin d’être exhaustif et que les interventions étaient d’une grande qualité. Le site Ecolo-Ethik publiera bientôt les vidéos de cette journée. Juristes, scientifiques, anthropologues, philosophes, psychologues… se sont succédés et leurs raisonnements n’étaient pas guidés par l’émotion, je vous l’assure.
    Tout ce que vous mettez en avant Nicolas a été pris en compte et notamment le fait que nous devions respecter l’altérité et la protéger. Mais vos questionnements sont justes et pertinents.

    Concernant le bien-être animal, les recherches éthologiques se montrent pertinentes. Le biais de l’anthropomorphisme est pris en compte: les études comportementales sont complétées par des études physiopathologiques.

    Pour revenir à la médiation animale et aux animaux impliqués, je pense qu’il est grand temps de s’intéresser de plus près à leur bien-être. J’ai préconisé notamment que des ponts soient faits entre chercheurs, décideurs et praticiens. Pour le chien par exemple: L’animal a t-il le choix de participer ou non à ces activités ? Tient-on compte de ses préférences et de sa fatigabilité ? Sa participation a t-elle une influence sur ses relations avec ses congénères ?
    Guy Courtois, président de la Fondation Sommer,évoquait il y a quelques temps cela: « l’anthropomorphisme et le surinvestissement des capacités de l’animal sont les principaux écueils de la médiation animale […].Nombreuses sont les situations dans lesquelles l’on demande à l’animal plus qu’il ne peut offrir, au détriment de sa santé et de celle des bénéficiaires. »

    avatar
    Nicolas E.
    février 11th, 2014 at 14:41

    Laetitia,

    J’avance des questionnements qui sont ceux d’un psychologue et d’un équithérapeute, en essayant d’aborder le débat comme observateur. Je n’ai nullement la prétention d’avoir de meilleures réponses que d’autres, mais j’ai pour (bonne ou mauvaise) habitude de garder l’esprit à la fois critique et ouvert face aux propositions d’évolution.
    Je travaille aussi avec des éthologistes qui s’intéressent de près à ces questions de bien-être, pour ne pas citer Claire Neveux et Hélène Roche. J’ai sans doute moins d’admiration pour les théories schématiques réalisant une application raccourcie des travaux de Maslow en 1943 à l’éthologie équine de 2014. Je pense être sensible à cette cause, impliqué dans sa diffusion, et être légitime pour pointer les portes ouvertes quand d’autres décrivent le sens des courants d’air.

    Mon point de vue est d’amener la réflexion vers nos propres représentations de la question de l’animalité, et en quoi elles sont l’expression de constructions bien humaines pouvant nous éloigner de ce que nous prétendons réaliser. Et sur ce point, les notions d’empathie et de compassion (je fais référence notamment à leur conception d’après Tisseron) me paraissent tout à fait éclairantes, car si l’empathie humaine repose sur des compétences cognitives, elle implique aussi une reconnaissance de l’égalité de droits et une acceptation de l’extimité dans la relation. Tisseron décrit par ailleurs des mécanismes de défense contre les risques potentiels liés à une relation empathique, la compassion en étant un aspect particulièrement pernicieux car elle implique, sous des manifestations socialement valorisées, une relation entrant dans le triangle dramatique décrit par Karpman, qui renie de fait à l’autre sa qualité de sujet pour le limiter à un rôle transactionnel.

    Pour les aspects juridiques, je crains qu’on ne cherche à faire dire à un texte ce qu’on aimerait voir ancré dans les représentations, c’est-à-dire que nous souhaiterions imposer à tous et par la Loi notre vision respectueuse de tous les animaux.
    Le Code Civil détermine les relations entre les individus, et de ce point de vue l’animal en général n’est pas réduit à un bien mobilier, ce sont seulement les animaux détenus par des personnes qui sont vus sous l’angle de leur propriété. Je pense qu’il s’agit d’un raccourci recherchant un « effet impact » que de présenter l’animal sous le seul aspect de sa propriété ; c’est aussi omettre que personne ne va en prison pour maltraiter une table, mais que le Code Pénal (qui régit les relations entre les individus et la société) interdit déjà de maltraiter les animaux domestiques ou apprivoisés.
    Reste la question de la place que nous souhaitons accorder à tous les êtres sensibles, de l’araignée au chien : s’il y a des animaux qui nous semblent naturellement mériter notre attention, n’est-ce pas biaiser notre réflexion que d’envisager une différence de statut entre les animaux se trouvant sous la main de l’homme et les animaux « libres » ? Du point de vue de l’atteinte à la Nature (ou à notre humanité), est-il plus grave de lancer un chat que d’anéantir une colonie de 500 guêpes à coup d’aérosol industrialisé à cet effet ?

    avatar
    laetitia
    février 12th, 2014 at 12:48

    Nicolas,

    Je rentre de footing, avec le soleil, en pleine forêt accompagnée de mon chien, et comme à chaque fois, ce moment privilégié et apaisant, ressourçant, m’a permis de me recentrer et de penser…

    Tout d’abord je vous remercie, vous ainsi que MARIE et SANDIE, de participer à une discussion telle que celle qui s’engage, autour d’un thème si présent partout en ce moment et dont différentes instances se saisissent. J’invite d’ailleurs les nombreux lecteurs du blog à prendre part à cet échange, ce qui l’enrichit, créé de l’ouverture, et permet d’ouvrir des perspectives ! C’est essentiel.

    Je me rends bien compte que nous n’abordons pas les choses sous la même perspective et c’est bien naturel. Mon point de vue et ma façon de m’engager autour du thème qui nous intéresse sont sans aucun doute soumis à ce qui résonne en moi du côté de l’émotionnel, vous en parliez dans votre premier commentaire. Mais cela me semble incontournable, nos engagements, nos réflexions… étant complètement reliés à ce que cela nous renvoie émotionnellement, de notre histoire, de notre vécu et ici, évidemment de la relation que nous entretenons personnellement avec les animaux. Mes différentes lectures et mes participations, quand le peu de temps que j’ai me le permet, à différents colloques, journées de formation… me permettent de rechercher davantage d’objectivité mais de toute façon, la part de subjectif reste présente et même les choix de lectures que je fais traduisent forcément mes valeurs, mes intérêts, et la part de résonance que cela peut avoir. Ainsi, l’on voit bien que notre façon d’aborder le sujet et nos références sont différentes et c’est cela qui enrichit un échange. Je connais par exemple les travaux d’Hélène Roche que je trouve très intéressants et qui semblent-ils sont vraiment liés à une très grande expérience de terrain. Pour le moment, c’est en ce qui me concerne les travaux de Jean-Claude Barrey qui m’ont le plus aidé à appréhender « le monde du cheval » et à comprendre des choses du point de vue de la relation que je peux établir avec cet animal, ainsi que les approches très liées de l’association Cheval Emoi.

    Je connaissais Serge Tisseron par ses travaux sur les secrets de famille mais pas par rapport aux notions d’empathie et de compassion. Je vais donc m’y intéresser. Je vais vite en revenir à cette notion d’empathie puisque je ne pense pas qu’en réclamant un nouveau statut pour l’animal dans le code civil nous souhaiterions en fait, comme vous l’écrivez, imposer à tous et par la Loi notre vision respectueuse de tous les animaux. Je ne le ressens pas comme ça personnellement. Il ne s’agit pas d’imposer notre vison puisque ceci est de toute façon totalement impossible. L’empathie envers les animaux peut nous permettre de considérer les animaux autrement et, comme vous l’écrivez vous-même, elle implique entre autre une reconnaissance de l’égalité de droits. Seulement, comme le soulignait très justement Matthieu Ricard lors du Colloque, et ce qui semble évident, prôner l’empathie et le respect des animaux ne suffira pas à faire changer les mentalités ni le fait que certains humains pensent que l’animal n’est qu’on outil au service de l’humain qui doit être exploité pour satisfaire ses besoins. Ainsi, puisqu’on ne peut compter sur les changements de mentalités pour protéger les animaux, il semble important d’en passer par la loi. Ce qui ne changera pas les points de vus, la vision, mais les actions.

    Enfin, pour répondre à votre question, je ne crois pas, et je suis profondément, et là encore personnellement, c’est inévitable,convaincue qu’il soit plus grave de lancer un chat que d’anéantir une colonie de 500 guêpes à coup d’aérosol, mais je rejoins aussi Marie quand elle écrit que nous pouvons voir dans ce questionnement autour de la condition animale et tout ce qui se met en place autour, un début de questionnement sur notre impact sur les animaux en général et plus généralement une prise de conscience sur notre impact sur l’environnement…

    avatar
    Nicolas E.
    février 12th, 2014 at 20:53

    Bonsoir Laetitia,

    Merci également pour vos commentaires (et merci aussi à Marie et Sandie), c’est toujours agréable (et structurant) que de pouvoir débattre, ce qui nous oblige à préciser nos pensées et à mieux organiser nos idées.

    Concernant Tisseron (je suis peut-être un peu biaisé car c’est une des références que j’enseigne), son point de vue sur l’empathie présente l’intérêt de relier le champ psychodynamique « traditionnel » au champ neurodéveloppement et cognitiviste. Il a publié également à différentes reprises sur les risques et entraves liés à l’empathie, autant dans la relation soignant-soigné que dans les relations virtuelles pour lesquelles il est régulièrement consulté par les médias. Vous trouverez un de ses articles assez synthétique dans la Cube Revue : http://www.cuberevue.com/empathie-le-danger-des-mystifications/23

    Pour ma part, si je confesse un agnostiscisme patenté, je dois avouer que la branche bouddhiste de mon arbre généalogique a su me transmettre un certain modèle de respect de soi à travers le respect de la vie. Et par exemple, que la conscience que l’humain peut avoir quant à la souffrance qu’il provoque devait l’inviter, non pas nécessairement à s’abstenir absolument de causer la souffrance, mais de faire ce qui lui est possible pour concilier ses besoins d’humain avec le respect du plus de vies possibles, toutes ayant une égale valeur.
    Et qu’ainsi, si on ne peut raisonnablement pas arrêter de nous nourrir, qu’il est préférable de manger un steack qu’une douzaine d’huîtres : car dans un cas, la souffrance d’1 seul être vivant a permis de nourrir des dizaines de bouches, alors que dans l’autre, il a fallu retirer la vie à 12 êtres sensibles pour en nourrir une seule. Ou encore (pardon de cette scène pittoresque vue dans un temple, mais je pense qu’elle est signifiante) qu’on peut éloigner les fourmis en les aspirant et en vidant le sac dans le jardin plutôt qu’en les écrasant.

    Nos émotions sont toujours présentes quelque part, et d’autant plus dans le « mystère » de notre relation avec le monde animal. Mais, et c’est sans doute lié à mon métier, j’essaie de m’en détacher de façon à ce qu’elles deviennent une boussole (indiquant des directions, pointant des nécessités ou repoussant des idées) et que le moteur soit raisonnable et autonome.
    Bien entendu, et comme chacun ici, mon intuition m’invite à souhaiter un statut légal juste et respectueux pour tous les animaux, pour qu’ils n’aient pas à souffrir inutilement et qu’ils aient une place plus confortable dans la société. Mais raisonnablement, qu’est-ce qui me pousse à le souhaiter, mes motivations sont-elles cohérentes, quels changements concrets espéré-je, et quel serait le meilleur chemin à suivre pour y parvenir ? Ce sont ces questions, qui restent encore, à mon niveau, au stade de questions, et qui me semblent devoir trouver des réponses suffisantes avant de pouvoir me prononcer plus définitivement sur le fait qu’il faille reconsidérer notre (ou mon, ou une) éthique quant au rapport à l’animal.

    avatar
    Sandie Bélair
    février 13th, 2014 at 16:01
    avatar
    laetitia
    février 21st, 2014 at 22:01

    Une « anecdote » pas si anecdotique que ça à lire et riche d’enseignement : « nous croyons parfois que les choses sont claires, que certaines espèces sont de bonne compagnie, domesticables et affectueuses – le chat, le chien, le cheval… – et d’autres néfastes, voire répugnantes – le serpent, le crapaud, le rat, l’araignée…(…) Pour l’essentiel, les qualités que nous attribuons aux animaux sont des propriétés émergentes des relations que nous entretenons avec eux »… a consulter sur le lien ci dessous :

    http://www.philomag.com/lepoque/facettes-de-la-bete-8934

    avatar
    Pholcus
    mars 21st, 2014 at 16:56

    Bonjour,

    Après avoir lu votre échange passionnant, je me permets d’apporter un angle de vue peut-être différent des vôtres.
    Il se trouve que je suis une ancienne arachnophobe, devenue arachnophile (je vous passe le parcours, toujours est-il qu’il a été zoologique et scientifique). Je réagis désormais face à une araignée de la même manière que face à un humain, un autre mammifère ou un oiseau, c’est-à-dire avec empathie (celle envers l’humain étant plus intense pour moi, ce qui me semble salutaire, mais bon). Il s’agit d’une construction involontaire, en ce sens que l’empathie s’est développée en même temps que ma connaissance des arachnides et la disparition de la peur. J’ai été en quelque sorte témoin du processus, alors que mon empathie avec les mammifères, les oiseaux (et les poissons) vient de temps ontogénétiquement immémoriaux. Ça m’a questionnée.

    Les débuts de votre échange sont très intéressants pour une personne extérieure : vous vous situez effectivement, comme vous le faites remarquer, sur des valeurs différentes. Je ne porte aucun jugement, puisque nous connaissons tous ce type de paradoxe.
    L’empathie est présente chez le nourrisson et chez les animaux (voir observations de de Waal, par exemple), et s’exerce en premier lieu vers les êtres de sa propre espèce. En ce qui concerne celle que nous éprouvons pour les animaux, il me semble qu’intervient l’analogie, en tant que facilité cognitive, qui à mon sens nous pousse à éprouver de l’empathie vis-à-vis de notre connu, et en premier lieu de ce qui nous ressemble : les mammifères, puis les oiseaux, puis les poissons (ils ont aussi des yeux, un nez une bouche, et puis nous aussi on nage, etc, etc…). Les nécessités vitales et alimentaires étant ce qu’elles sont, nous occultons l’empathie pour pouvoir nous nourrir, mais ce jusqu’à un certain point en fonction du statut social et affectif de l’animal (en France, on ne mange pas de chien, et il faut une guerre pour qu’on cuisine du chat).
    D’autre part existe l’exercice de la logique, avec son lot de catégorisation, d’inclusion, de déductions, etc… Si nous ne mangeons pas de lapin nain, pourquoi manger du lapin d’élevage ? Le mode d’élevage est-il un critère valable ? Et si nous ne mangeons pas de lapin, pourquoi manger de l’agneau, qui est aussi un animal ? Et si on ne peut pas tuer un chat en le tapant contre un mur, a-t-on le droit de tuer un frelon en l’intoxiquant aux pyréthrinoïdes ? Voire un nid de frelons ?
    L’analogie est simple, linéaire. L’autre versant de notre représentation de l’animal est totalement foisonnant. L’analogie va être « comprise » et partagée par le plus grand nombre et va mener aux réactions « à chaud », irréfléchies (voir le point de vue de Tisseron sur les nouvelles technologies et le lien social). La logique -ou la réflexion, comme on voudra- a un coût cognitif et des nécessités qui en détournent de plus en plus de nos semblables (cf les difficultés de compréhension du langage, de plus en plus évidentes dans les écoles et collèges, cf Tisseron, cf Bentolila et d’autres). Pourtant, l’exercice éclairé de l’empathie nécessite sans doute la mise en oeuvre des deux versants.
    Pour ces raisons, je crains fort que les relations entre humains ne soient pas sauvées par ce qu’on observe dans les sociétés modernes actuelles en termes de « dérives cognitives » (en gros, elles ne sollicitent pas franchement la réflexion chez le plus grand nombre…) et qu’il en aille de même pour nos relations avec l’animal et sa place dans la société.
    Sur ces mots définitifs qui ne résolvent rien mais qui ne m’empêchent pas d’éduquer et de sensibiliser en faveur de l’animal et de m’interroger encore et encore sur mes propres relations avec toute espèce animale, je vous remercie une fois de plus pour vos échanges et l’excellente tenue de ce blog.

    PS : je viens de lire l’article de la France Agricole indiqué par Sandie Bélair. Madame Jouanno a une analyse biaisée du système, mais elle n’a pas tort non plus. La rentabilité d’un élevage est étroitement dépendante du bien-être des animaux. Non, leur mal-être n’est pas rentable, c’est une erreur, mais une erreur érigée en système ! Les éleveurs qui savent investir intelligemment (quand ils le peuvent) et qui investissent notamment dans le bien-être des animaux en retirent les bénéfices en terme de production. Je vais jusqu’à dire que seul le bien-être des animaux est source de rentabilité. Même en France. Ce qui signifie que leur exploitation est rentable hors subventions. Qu’ils en vivent, et que les subventions, c’est du bonus. Mais encore faut-ils pour cela qu’ils soient bien conseillés, motivés, aptes à se remettre en question, et qu’ils n’aient pas été plombés auparavant par des erreurs de gestion et d’investissement. Ces éleveurs existent. Ils sont une minorité. Ils existent en bio, mais aussi en conventionnel…

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale