Laetitia Gianelli janvier - 13 - 2013
avatar

Suite et fin…

Pour les retardataires:

Un week-end de médiation asine # 1

Un week-end de médiation asine # 2

Un week-end de Médiation asine# 3 – 1

Bonne lecture! Sandie

3 – La Médiation Animale

Xavier Séverin insistera sur le fait que l’animal étant un être vivant, il est plus qu’un support, c’est pour lui un Médiat.

Dans le dictionnaire, ce mot est un adjectif signifiant « qui est pratiqué ou qui agit indirectement ». Xavier Séverin s’appuie notamment sur un philosophe français, Vladimir Jankélévitch pour définir ce terme. Le médiat est « ce qui protège de l’immédiat » et du direct, ce qui met en rapport, en contact. Ainsi peut-on se demander, pourquoi dit-on que l’éducateur ou le thérapeute sont des médiateurs ? Ne sont-ils pas eux aussi des médiats au regard de cette définition ? Ce à quoi Xavier Séverin répond que le médiateur doit présenter trois éléments : une place (de tiers, d’entre-deux, d’interface), un rôle (d’intermédiaire, de lien, il porte l’intention), et des compétences s’inscrivant dans un cadre théorique et donnant du sens à son action (qualités d’écoute et d’observation…). L’animal serait donc un médiat et non pas un médiateur dans le sens où ce cadre théorique et le sens de son action lui manquent.

Suite à cette affirmation, une personne de l’assistance y oppose le fait que le lien à l’animal n’est pas dépourvu de contenu et que l’animal obéit également à des lois naturelles, possède une intelligence, une compréhension des situations, qu’il est capable d’attention et d’écoute… Xavier Séverin, en accord avec ce qui vient d’être dit, reprécise cependant son point de vue : pour lui, dire de l’animal qu’il est un médiateur reviendrait à considérer que la seule mise en présence d’une personne en difficulté avec un animal suffirait à régler les problèmes (animal médiateur, animal thérapeute).

Cependant, la médiation animale ne peut se passer de la présence de l’intervenant. C’est lui qui porte la médiation et l’intention de la médiation. L’animal ne prend pas en compte les objectifs éducatifs, thérapeutiques…lorsqu’il entre en relation avec une personne en difficulté. Le regard de l’intervenant, sa prise de distance, son analyse des situations en référence à des théories… tout ça est nécessaire et indispensable dans une activité de médiation animale. On en revient toujours au même constat : ce n’est pas l’animal qui est thérapeute, médiateur, guérisseur… Je ferai ici appel à Véronique Servais tout d’abord, pour qui « la présence d’un animal permet de construire de « nouvelles réalités » pour le patient. L’animal apporte un potentiel de changement important dans une relation thérapeutique. Il ouvre de nouvelles perspectives, sur la base de modalités de communications différentes ». Cependant, elle ajoute que ce ne sont pas les animaux en eux-mêmes qui ont un « effet thérapeutique » sur le patient. Encore une fois, « tout dépend de ce que va faire le thérapeute du potentiel de changement apporté par l’animal » (revue Enfances et Psy n°35, L’enfant et l’animal). Ensuite, je citerai Sandie Bélair de l’association Résilienfance : « l’animal n’a jamais eu l’intention d’aider, d’accompagner, d’éduquer ou de soigner et c’est ce qui fait toute sa richesse. L’animal est le support grâce auquel la médiation va être possible à la seule condition que le professionnel rebondisse, remette en mots, donne du sens à ce qui se joue pendant la séance ».

 

© Photo Association Résilienfance


Et ceci nous amène à nous poser la question de l’intentionnalité de l’animal. En effet, certains se demanderont : « Mais, peut-on nier les actions volontaires de l’animal, ses intentions, aboutissant ainsi à une certaine « chosification » de cet animal ? ». Il ne s’agit évidemment pas de ça, et j’ai pu trouver des éléments de réponse à cette question lorsque j’ai lu un petit texte de Nicolas Massal, vétérinaire comportementaliste. Celui-ci explique que nous ne sommes pas dans le déni des actions de l’animal mais que nous les considérons comme ce qu’elles sont, selon les « motivations de son espèce » et « nécessairement adaptatives au contexte qui lui est proposé ». Il ajoute que « ce contexte est construit par l’équipe d’intervention, ce qui n’a rien de neutre et constitue déjà un contexte intentionnel. Nous parlerons donc des actions de l’animal dans un contexte thérapeutique. Il conserve une intention, à expliciter, mais n’est pas responsable du cadre qui donne un sens à ses actions ». Il cite ensuite quelques exemples concrets : « le cheval qui règle ses mouvements par rapport à une personne handicapée le fait exactement comme il le fait avec toutes les personnes avec qui il interagit ; le thérapeute utilise cette capacité d’adaptation, mais le cheval agit avec une intention liée au contexte et à la personne, pas avec un but au service de la personne ». Et là on voit de nouveau à quel point bien connaître l’animal avec lequel on travaille, notamment d’un point de vue éthologique, est essentiel pour mettre en place notre cadre, notre contexte de travail. Nous pouvons ainsi être amenés à « faire appel à des personnes extérieures, non impliquées dans la démarche thérapeutique, éthologues, vétérinaires… ».

5 – Les apports de l’animal

Qu’est ce qu’une Activité Associant l’Animal ? C’est une activité visant « la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal ». Ainsi, la médiation animale est associée à une intentionnalité, à un projet, un cadre, des compétences spécifiques…

Xavier Séverin insiste sur différents points : l’animal doit être en bonne santé, le professionnel doit bien connaître l’animal avec lequel il travaille, celui-ci doit être éduqué et la double empreinte doit être entretenue. L’animal n’est pas forcément bénéfique (objet de phobies, cause d’allergies, contre-indications médicales…). De plus, il s’agit de garder en tête que la relation à l’animal ne se fait pas d’emblée, on ne peut donc forcer l’interaction, que ce soit du côté de la personne accompagnée ou de l’animal.

Tout au long de son exposé, Xavier Séverin nous rappellera que l’animal va permettre d’AMORCER le travail sur les fondamentaux, cet amorçage permettant au thérapeute, éducateur…d’aller plus loin. Sandrine Willems dans « L’animal à l’âme » nous rappelle que « si le lien à l’animal se noue ailleurs, et autrement que la relation à l’humain, il peut, là où la souffrance psychique rend ce contact à l’humain trop difficile, constituer une autre possibilité, une brèche dans l’isolement, une ouverture ». Cette ouverture, Hubert Montagner l’évoque sous le terme de « déverrouillage » : l’enfant déverrouille son monde intérieur. L’intervenant pourra alors travailler sur « ces petites fissures dans l’armure de défenses derrière lesquelles se protège l’enfant », comme l’écrit Gail Melson. Ainsi, « cette obscurité rendue visible devient une opportunité d’intervention thérapeutique ».

Voyons maintenant sur quels plans l’animal peut nous aider dans notre profession. Dans « L’animal à l’âme », Sandrine Willems développe notamment les axes théoriques pour une psychothérapie accompagnée par l’animal.

Pour Xavier Séverin, venir au monde c’est NAÎTRE, être là au monde c’est VIVRE, entretenir des échanges avec le monde et y trouver sa place c’est EXISTER. Et l’éducation va permettre le passage du VIVRE à l’EXISTER, expression chère à Philippe Gaberan, éducateur spécialisé et docteur en sciences de l’éducation, pour qui, « la relation éducative n’est pas un processus de réparation ou de normalisation de l’individu mais elle est un temps et un espace, à la fois instables et sécurisés, au sein desquels une personne requise pour ses compétences en aide une autre à passer du vivre à l’exister » (La relation éducative). Ce passage se fait grâce à la construction identitaire, nous explique Xavier Séverin. La notion d’identité intervient donc ici. L’identité, comme le souligne Edmond Marc, est une « construction progressive » dont les éléments essentiels se situent dans les toutes premières années de la vie. Elle se constitue du sentiment d’unité et de continuité de soi, d’individualité, de différenciation entre soi et les autres (Agnès de Bernardo-Molard dans Thérapies avec le cheval, Ed. FENTAC).

 

 

Xavier Séverin nous présente les six domaines permettant la construction de cette identité, domaines dans lesquels l’animal va pouvoir intervenir et contribuer à la restauration de ce qui peut dysfonctionner : l’individuation, l’identité de position, l’identité de positionnement, la communication et les échanges, la régulation par le social et enfin le sentiment identitaire.

L’Individuation

Au départ de la vie, il y a une non-distinction entre soi et le monde extérieur ; lorsque la distinction se met en place, le « JE » émerge. L’individuation naît du toucher. La réciprocité du toucher nous permet de différencier intérieur et extérieur, soi et non soi et donc de prendre conscience de nos limites. Je vous renvoie ici aux concepts de holding et handling de Winnicott, à celui de Moi-Peau de Didier Anzieu, de dialogue tonico-émotionnel de H. Wallon et J. de Ajuriaguerra… Je vous invite aussi à lire la partie « peau et toucher en psychothérapie » dans  « L’animal à l’âme ».

Travailler sur le toucher en thérapie peut-être compliqué, le toucher pouvant être vécu comme une intrusion, une agression. L’animal peut permettre ce toucher car il peut être perçu comme non intrusif, non menaçant. En effet, comme nous l’indique Véronique Servais, « les tabous sociaux liés au toucher ne sont pas mis en œuvre quand il s’agit d’animaux, car ceux-ci n’ont pas le statut de personnes sociales compétentes » (revue Enfances et psy n°35). Avec un animal, les échanges tactiles mais également sensoriels vont permettre de travailler sur la conscience de soi. De plus, ce toucher fait appel à la fonction « maternante » de l’animal qui réchauffe, berce, contient, porte et rappelle le holding et le handling de la mère. Il peut permettre à une personne insécure de faire l’expérience d’un attachement sécure qui permettra ensuite de travailler sur l’exploration, l’éloignement et la séparation. Le toucher et les diverses perceptions en général permettent également de travailler sur le schéma corporel, l’image du corps… Je vous renvoie à l’ouvrage Thérapies avec le cheval de la FENTAC dans lequel ces concepts sont croisés avec des expériences concrètes.

L’Identité de position

Identité liée à un besoin de reconnaissance, au sentiment d’appartenance à un groupe, à la communauté humaine. Cette reconnaissance passe par les regards, les jugements de nos pairs. Nous avons en permanence besoin d’être reconnue dans notre valeur (confiance en soi, estime de soi, image de soi). L’animal a un regard valorisant, il ne juge pas et la plupart du temps a des comportements affectueux et affiliatifs. Le sentiment d’appartenance passe par des attaches affectives que nous nouons, le sentiment d’avoir des affinités, des intérêts communs, d’être semblables. Là encore les comportements affiliatifs de l’animal, ses signes d’adhésion et de compréhension jouent un rôle. Une complicité peut s’installer, une reconnaissance mutuelle.

L’Identité de positionnement

Identité liée au besoin de se singulariser : nous appartenons à un groupe mais nous faisons valoir notre différence au sein de ce groupe. Et c’est ainsi que nous pouvons faire nos choix, nos demandes, prendre nos décisions (affirmation de soi). Nous pouvons développer notre authenticité (différenciation) et de ce fait, ne pas faire seulement ce qu’on attend de nous. L’animal peut faciliter le travail dans ce domaine dans le sens où certaines personnes vont oser davantage faire des demandes en sa présence, n’étant plus soumis à « la pression » des autres, du groupe, des attentes. Il est à noter qu’on dit souvent que l’animal est un partenaire de travail intéressant parce qu’il est vivant. Il me semble ici important de souligner un autre avantage : il n’est pas humain, permettant ainsi la mise en place d’échanges différents. Là où la communication avec un autre être humain est difficile, où le regard, le jugement ainsi que les attentes de l’Autre pèse, l’animal vient proposer un autre type d’échange dans lequel ces difficultés s’atténuent voire disparaissent.

Les échanges, la communication

L’animal va permettre la communication, l’échange de façon simplifiée par rapport à la communication avec l’humain. Pour J.Luc Vuillemenot, secrétaire général de l’AFIRAC (Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie), les animaux « ont la particularité de nous solliciter sur des terrains affectifs et émotionnels qui échappent au champ verbal, au champ de la parole construite et à celui nommé et carré de l’institution. L’animal va chercher les individus au plus profond d’eux-mêmes. Ce n’est pas de la magie : cela passe par le toucher, le regard, des postures, des mimiques » (« Quand les animaux entrent en piste » ASH Magazine n°26). La relation qui peut s’établir avec l’animal est donc une relation simple et naturelle, basée sur le sensoriel, l’émotionnel et le non-verbal. Ainsi, l’animal stimule l’échange, ouvre au non-verbal, développe l’empathie… Comme le souligne Xavier Séverin, ce sont apparemment de petites choses mais on travaille pourtant sur de fondamentaux !

 

© Photo Association Résilienfance


La régulation par le social

La « loi », c’est à la fois la loi symbolique (pour pouvoir vivre ensemble on ne peut pas faire ce qu’on veut quand on veut, on ne peut agir en toute liberté, il s’agit de se réguler) qui nous permet de ne pas agir dans la toute-puissance, et la loi de la cité (autorités, magistrats, lois…). L’animal ici va nous aider grâce aux lois naturelles qu’il impose. Dans l’accompagnement de personnes qui rejettent les règles, les lois des humains, le travail avec un animal est intéressant, car il confronte naturellement à des règles, des limites : le sortir, lui donner à manger, le soigner, respecter sa façon d’être, ses comportements… Ces règles et limites sont imposées par lui, par ce qu’il est, son comportement, son mode relationnel et donc sont souvent mieux acceptées. Cela me fait penser à une petite anecdote au cours d’un atelier de médiation avec le cheval : un des jeunes brossait la queue du cheval de façon très « dure », il avait choisi d’utiliser un peigne et tirait sur les crins sans ménagement. J’ai alors attiré son attention sur le fait que le cheval pouvait trouver ça désagréable mais il a continué à tirer aussi fort. Et là, le cheval a soudainement pivoté et est allé se coller contre la paroi du fond de la cabane, à bonne distance du jeune. Celui-ci a alors levé les bras et s’est adressé à l’animal : « ok, j’arrête » ! Là où les règles des adultes sont « inentendables », celles des animaux s’imposent !

Le sentiment identitaire

Le sentiment identitaire se définit comme un sentiment par lequel une personne peut se sentir à la fois toujours le même et différent : j’ai 70 ans, je n’ai plus le corps ni l’apparence de mes sept ans, mais je sais bien que c’est toujours moi et je peux dire, en regardant une photo, « c’était moi à l’âge de 7 ans ». Cela correspond à un sentiment d’unité dans le temps. Françoise Dolto, dans son concept d’image inconsciente du corps parle de la « mêmeté de l’être » à travers les changements et les divers avatars de la vie. Ainsi, le sentiment identitaire, procède à la fois du rapport à soi-même et du rapport au temps. Toute difficulté dans son rapport au temps, entraîne une fragilité identitaire. En ce domaine l’animal peut entretenir et activer le rapport au temps de diverses manières : par son rythme (allure, cadence) auquel il s’agit de s’accorder ; l’alternance de ses propres besoins de nourriture, de mouvement ou de repos ; l’organisation de l’activité (un début, une fin, des séquences d’activités) ; la stimulation des souvenirs des personnes ; la régularité des retrouvailles avec l’animal et l’alternance séparation/retrouvailles… Sandrine Willems nous explique que pour des sujets qui ont tendance à se « disperser », pour qui l’immédiateté leur échappe constamment, l’animal, par l’intensité de sa « présence », peut rendre sa consistance à leur présent et, par conséquent, à leur perception du temps.

Pour conclure cet article, je voudrai évoquer tous ces professionnels qui ont fait le choix de travailler avec l’animal pour tenter d’atteindre un objectif commun : permettre aux personnes qu’ils accueillent et accompagnent de passer du vivre à l’exister. Et j’en nommerai ici quelques-uns, de ceux que j’ai pu rencontrer au cours de mon week-end de médiation asine et qui ont bien voulu figurer dans cet article. Je vous invite à aller jeter un coup d’œil sur leur site internet pour découvrir leur projet :

La Ferme aux 4 saisons (44 – Loire-Atlantique), Les Ânes de Janicou (81-Tarn), Les Anes de l’Ile Fleurie (Esbly, 77), l’Association Ânémôme (à Couture d’Argenson en Deux Sèvre,79), Elevage, Education de La Grande Vallée Blanche (Reder Brigitte, Landes 40), Les Chantiers en Cour- Le pas d’âne(Nathalie Bruneau, 14), l’association « Maya and co » (Estelle Lemaire, 44), La Fontaine aux Ânes (Jean Paul Thierry, 49) et bien sûr les associations Médi’âne et Kéryâne que j’ai présentées dans Un week-end de médiation asine 1.

Lætitia GIANELLI

Pour en savoir plus:

Sur le même sujet et sur le blog:

Un week-end de Médiation asine# 3 – 1

Un week-end de médiation asine # 1

Un week-end de médiation asine # 2

L’âne dans un travail de lien social: 15ième rencontre Médi’Âne du 19 au 24 novembre 2012

Les brèves de l’été 2012 # 1: La fête de l’âne chez Ânikounâ, un 14 juillet « ân-imé » !

De l’animal à l’âme, du lien au soin… un week-end de rentrer à ne pas manquer!

A petits pas vers un et un font deux!

Orelhas Sem Fronteiras » ou la médiation asine au Portugal!

Les ânes de Janicou

Construire des liens et structurer une rencontre: au travail les ânes!

L’âne et l’ado!

A chaque jour suffit son bonheur!

Médiation avec l’âne… un chemin pour aller vers soi

L’un, l’âne et l’autre

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale