Nicolas Perez novembre - 10 - 2014
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Le sujet fait débat et passionne… je vous propose donc aujourd’hui un petit calcul mathématique…

Je vais faire une simple démonstration empirique sur les coûts engendrés par une activité de médiation animale. J’ai forcément oublié certains paramètres mais l’exhaustivité n’est pas le but de la démonstration.

Nous allons partir de deux hypothèses :
la première : vous exercez une activité itinérante ;
la seconde : vous exercez une activité sédentaire avec votre propre lieu d’accueil.

Mais avant tout, nous allons définir les coûts communs aux deux solutions.

I – Les coûts communs.

Au préalable, j’écarte la solution « auto-entreprise » car vous verrez que le plafond est très rapidement atteint et, à mon sens, ce statut est très précaire. En effet, les charges sont de seulement 20% mais vous ne cotisez pas à un certain nombre de choses et notamment à votre caisse retraite. Il devrait être un statut permettant de tester/de lancer une activité. Ou bien un statut supplémentaire à une activité salariée, un statut qui peut vous permettre d’arrondir les fins de mois et d’exercer une activité dont vous êtes le créateur et qui vous plaît.
Ce statut n’est  pas à prendre en compte si on veut répondre à la question : « peut-on vivre de telle activité ? ».

Je reste donc sur une solution associative. Les associations sont exemptées d’impôts (attention tout de même) mais elles ont les mêmes charges qu’une entreprise.

Le salaire : Travailler pour la gloire c’est bien, travailler pour en vivre, c’est mieux. Partons donc d’un salaire net de 1.500€ par mois (le salaire médian en France est de 1474€)

Afin de connaître le coût total du salaire, il suffit de faire ceci :
1500*1.3 (pour avoir le brut) *1.45 (pour avoir les charges patronales)* 12 mois = 26.100€

Le téléphone + Internet: 20 * 12 + 35 * 12 = 660€

Frais administratifs : papier, timbres, encre, etc : 500 € (à la louche)

La formation professionnelle : 150€

Vous remarquerez que je reste très « léger » sur l’étendue des coûts et me limite au strict minimum. Ce qui nous amène à : 26.100+660+150 = 27.410€
En réalité, vous pouvez aller bien au-delà de ce chiffre …

II – Je suis itinérant et je butine de structure en structure

Le carburant : la question se complique. En observant les acteurs du secteur depuis presque 10 ans maintenant, je dirais, qu’en général, les praticiens visitent deux structures le matin et deux l’après-midi. Faire plus me parait difficile, voir impossible, sauf à travailler 12 heures par jour et à avoir 3 à 4 heures d’intendance (temps de transfert, temps d’arrivée, mise en place, balades et repos des chiens/chevaux etc.)

Donc :
– Par jour : 15 kms (très petite estimation) * 2 Allers retours le matin + 15kms * 2 Allers retours l’après midi = 120 kms / jours
– Par an : 220 jours travaillés : 120*220 = 26.400 kms.
– Coût moyen hors usure de votre excellent véhicule diesel qui ne consomme que 6 litres au 100 kms : 4.400L * 1.25 € = 5.500€

Les frais vétérinaire : afin de tenir ce rythme effréné et de respecter les temps de repos des animaux sollicités, il vous faudra au minimum trois chiens. Étant donné que vous allez entrer dans des structures, un suivi sanitaire et hygiénique strict est obligatoire. Je dirai donc facilement 2000€ par an.

Les croquettes : 600€ *3 chiens = 1.800€

Donc au final : 5.000+2000+1.800= 8.800€ auquel j’ajoute les 27.410 initiaux = 36.210€

Si vous louez vos chevaux à des structures équestres, vous pouvez ajouter facilement :
10/15 € de l’heure par cheval. Si vous arrivez à trouver 4 ateliers par jour : 2 avec le cheval / 2 avec le chien, la location du cheval vous revient à 2*1h30*15*220 jours = 9.900€
Soit 36.210+13.200 = 46.110€

Petite parenthèse, vous ne trouverez pas facilement une structure équestre qui a une disponibilité pour deux ateliers par jour …

Petite somme rondelette donc à laquelle il faudra ajouter encore des frais annexes auxquels je n’ai pas pensé… Chaque année, il faudra trouver, en arrondissant : 50.000€ !!!

Mais, « on peut avoir des subventions me rétorqueront les plus avisés » !
Que nenni. Regardez le budget 2014 de l’Etat: baisse des dotations aux collectivités locales de 3.7 mds d’Euros. Et d’après vous, qui va en pâtir les premiers ? Les subventions aux petites associations dont les actions sont jugées moins prioritaires.

Et si on faisait les comptes

III – Je suis sédentaire et je possède mon lieu d’accueil

Les frais de location de structure et de transport vont effectivement disparaître. Mais par contre, vous avez le droit de payer :
– soit la taxe foncière, la taxe d’habitation et le remboursement de votre crédit ;
– soit la taxe d’habitation et le loyer.
A mon avis, dans les deux hypothèses, il faut tabler sur 1500€/mois *12 = 18.000€

Ajouter, l’eau, l’électricité, les frais d’entretien de la structure etc… ajoutons donc au bas mot : 7.500€ par an

Donc 27.410 € initiaux + 18.000€ +7.500 € = 52.910€

N’oublions pas que dans notre hypothèse, vous êtes seul(e) salarié(e). Par conséquent, si vous n’êtes pas moniteur équestre par exemple, pensez à ajouter son salaire, puis les frais vétérinaires, de nourriture des animaux etc. Vous pouvez ajouter facilement 30 à 35.000 € … sans compter que vous ferez moins d’ateliers puisqu’il y aura tous les « à côtés » à faire par vous-même.

IV – Conclusion

Je vais garder ce chiffre de 50.000€ afin de faciliter la suite de notre démonstration. Mais les objecteurs de conscience me rappelleront que le salarié travaille seul, qu’il gère tout, que de nombreux frais ne sont pas pris en compte (matériel informatique, équipement, usure du véhicule, etc).

Restons rêveur … donc en moyenne, il faudrait réaliser 4 ateliers d’1h30 par jour. Au-delà c’est  » l’usine »… pensez au bien-être des animaux impliqués et au vôtre. La disponibilité psychique et physique est importante lorsque l’on pratique cette médiation. Des temps de repos, de supervision s’imposent… et personne n’arrive à trouver autant d’ateliers par jour.
=> 4 * 220 jours = 880 ateliers par an !!!

De plus, le temps qui vous restera dans la journée (en réalité le week-end essentiellement), vous aurez à le consacrer à votre communication, trouver des contrats et surtout à vos tâches administratives (nombreuses et lourdes).

Bilan : 50.000/ 220 jours ouvrés ≈ 230 € par jour à répartir donc sur vos 4 ateliers.

Ah ! mais « ça ne paraît pas si infaisable mon bon monsieur ! » Sans doute… mais à ce jour, et je rejoins Boris Albrecht de la Fondation Sommer, ceux qui  arrivent à vivre de la médiation animale à temps plein doivent se compter sur les doigts d’une seule main …  ils gagnent au mieux l’équivalent d’un mi-temps et travaille à temps plein. La réalité est telle pour la plupart des porteurs de projets indépendants. Je le précise de nouveau, je ne prends pas en compte le statut d’auto-entrepreneur qui est un statut précaire à la base.

J’aboutis donc à la même conclusion : la médiation animale ne peut être FINANCIÈREMENT un métier en soit ! Ce n’est pas viable. Je rappelle que mes estimations sont faites à minima et n’intègrent pas tous les coûts.

A mon avis, pour en vivre, il faudrait partir sur un budget de 90.000€ par an … à trouver chaque année …
Soit 90.000 / 220 jours soit ≈ des ateliers à 100 € !!! Somme importante qu’aucune (presque) structure n’est en capacité de payer.

La médiation animale est une pratique passionnante, innovante et opérante (le plus souvent). Il faut garder en tête que financièrement c’est loin d’être l’eldorado. De nombreux porteurs  de projets doivent posséder un autre emploi (à temps partiel) pour pouvoir continuer à pratiquer ou doivent tout simplement abandonner la médiation animale. Il est aussi frustrant d’entendre les bénéficiaires/structures se plaindre du prix élevé d’une séance, car ils sont généralement très loin d’imaginer qu’une infime partie revient dans votre poche.

Je terminerai sur cette citation de Friedrich Nietzsche « La vie a besoin d’illusions, c’est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités » ou en d’autres termes : arrêtez de croire au miroir aux alouettes ! Maintenant, c’est à vous de voir … ou pas …

Nicolas PEREZ

Sur le même thème:

Réalités de terrain de la médiation animale en France – Interview de Boris Albrecht, directeur de la Fondation Sommer

Calculer le coût moyen d’un atelier en MA!

7 Responses to “Vivre de la médiation animale.Et si on faisait les comptes?”

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    Nicolas E.
    novembre 11th, 2014 at 11:04

    Nicolas,

    Avec tout mon respect, votre article est désinformatif.
    Cette démonstration par la louche ne vise que sa conclusion, ce n’est pas une étude de faisabilité ni un business plan, c’est une vue de nez vaguement chiffrée qui ne correspond qu’à l’exemple d’une hypothèse défavorable éludant les dizaines d’hypothèses pertinentes qui ne serviraient pas votre propos.

    Parce que si vous réussissez à affirmer que, puisque quelqu’un dans un exemple particulier a besoin de 50k€, alors il est impossible de faire un projet à moins 90k€, rien n’est plus facile et gratuit que de citer Nietzsche à mon tour pour vous opposer qu’ «être vrai, peu le peuvent».

    Avec ces chiffrages, fantaisistes ou partisans, je ne vois pas quelle activité libérale produisant moins de 400€ de chiffre d’affaire par jour pourrait être viable à vos yeux.
    Pourriez-vous envisager qu’un psycho libéral (qui paie son cabinet, sa voiture (lave-glace compris), sa maison, ses charges sociales, ses impôts, son téléphone, son ordinateur, ses paquets de mouchoirs, sa supervision, les couches de ses enfants, ses livres et ses tests) peut vivre correctement et partir en vacances avec 15-20 consultations hebdomadaires à 40€ ? Qu’il y a des profs de chant qui s’en sortent avec des cours à 25€ de l’heure ? Qu’il n’est pas indispensable d’être un avocat installé depuis 30 ans avenue Montaigne et facturant à un taux horaire de 500€ HT pour espérer faire le plein de sa Sandero ?
    Est-ce que ça veut dire que psy et prof de chant ne sont pas de vrais métiers ? A partir de combien de l’heure on devient un métier d’après vous ? Et c’est quoi le ratio travail rémunéré/travail non-rémunéré que vous acceptez pour envisager qu’une activité soit professionnelle ?

    D’autre part, pardon de vous en faire la remarque, mais l’association que vous présidez n’emploierait-elle pas 3 salariés pour réaliser spécifiquement des actes de MA ? Vous voulez dire que vous ne pouvez pas considérer vos propres salariés comme des professionnels du fait que vous ne les payez pas assez ou du fait que vous ne leur donnez pas assez de travail ?

    Je tiens à la disposition de ceux qui voudront bien prendre le temps d’envisager des hypothèses moins orientées la démonstration qu’un équithérapeute libéral peut gagner plus de 1900€ par mois, nets de charges sociales et d’impôts, avec 32 semaines d’exercice clinique par an et sur des séances à moins de 50€.
    Et une liste d’au moins trente confrères équithérapeutes vivant entièrement de leur pratique, qui confirmera qu’il va vous falloir quelques mains supplémentaires pour réunir le nombre de doigts permettant de dénombrer les praticiens en MA qui vivent de leur métier.

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    Martin brigitte
    novembre 24th, 2014 at 19:40

    bonjour,
    je n’aime pas polémiquer, mais la réponse de Nicolas Emond me pousse à répondre.
    Au sein de la FENTAC, nous avertissons toujours nos stagiaires sur la difficulté de vivre uniquement des ressources générées par les prises en charge thérapeutiques, surtout dans un lieu qui vous appartient, avec des équidés qui vous appartiennent!!
    Il y a effectivement des professionnels du soin qui peuvent en vivre mais c’est souvent en enchaînant les prises en charge, aux dépends de la qualité de celles-ci. Accueillir « à la chaîne » les patients (et j’en connais!!) ne permet pas d’avoir la disponibilité indispensable pour faire, il me semble, du travail qui se veut thérapeutique!!
    C’est mon avis, et comme je l’ai dit dans l’interview posté par Sandie Belair sur ce même blog(http://www.mediation-animale.org/six-questions-a-trois-organismes-de-formation-en-mediation-equine/), lors de l’annonce de la reconnaissance du métier d’équicien, je m’inquiète pour l’avenir de certains de ces nouveaux acteurs de la médiation qui n’ont d’autre formation que celle délivrée par la FNHC et qui n’ont donc, aucune chance d’exercer dans les institutions…
    Brigitte Martin, coprésidente de la FENTAC

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    Nicolas Emond
    novembre 24th, 2014 at 21:21

    Brigitte,

    Personne n’a déclaré qu’il était facile de vivre uniquement de l’équithérapie, et certainement pas du jour au lendemain pour ceux qui créent un projet ou une structure de toutes pièces. C’est un fait qu’un peu plus de 60% des équithérapeutes déclarent exercer l’équithérapie à temps partagé (c’est-à-dire une partie de leur activité professionnelle en équithérapie et une partie sur une autre activité, habituellement leur « métier initial », le taux de partage déclaré le plus fréquemment étant de 50%-50%, avec beaucoup de variabilité). Mais entre dire que ce n’est pas facile et dire que c’est impossible, il y a une nuance qui permet de transformer un mur en porte : et c’est l’absence de cette nuance qui me chagrine dans l’article de Nicolas.
    Pour prendre un contre-exemple que je connais bien, 88% des psychologues cliniciens occupent un ou plusieurs postes à temps partiel (statistiques ONISEP de 2004) : pour autant, personne ne met en question le fait que psychologue clinicien soit un métier, un « vrai métier », ou un « métier viable ».

    Le partage entre équithérapie et « autre chose » est pour une majorité de confrères un choix délibéré, car il est effectivement difficile, notamment physiquement et psychiquement, de multiplier les séances, et car le temps plein pose la question de l’accès aux chevaux à temps plein.
    Soit dit en passant, ce partage est d’ailleurs la raison pour laquelle le régime de l’auto-entreprise peut être particulièrement adapté à l’équithérapie pour ceux qui souhaitent exercer en indépendant, si ce choix est cohérent avec leur taux de charges et avec leurs projets de développement.

    Pour autant, les professionnels qui exercent à temps plein n’exercent pas nécessairement à la chaîne et on ne peut pas assimiler exercice à temps plein avec exercice de mauvaise qualité. Un professionnel peut faire 5 ou 6 séances par jour avec une excellente qualité de prise en charge. J’espère que nos confrères infirmiers ou médecins qui te lisent n’entendront pas qu’ils sont suspectés de faire du mauvais travail au motif qu’ils ont à faire des journées de 12 heures ou des semaines pouvant aller jusqu’à 70 heures.
    En particulier, certains facteurs peuvent favoriser l’exercice à temps plein dans de bonnes conditions,comme :
    – disposer de chevaux spécifiquement formés (même si ça implique potentiellement des charges et/ou du travail supplémentaire) ;
    – disposer d’infrastructures de qualité (ergonomie des espaces, matériel adapté, aménagements ou équipements techniques pour les transferts…)
    – ne pas exercer seul (stagiaires, co-thérapeute, assistant, bénévoles, partenaires, collègues, supervision, analyse de pratique…)
    – ménager des plages de repos (séances espacées, congés, pauses, jour(s) de repos…)
    – diversifier ses actions (publics variés, cadres d’intervention variés, actions de recherche et d’enseignement…)
    – mais aussi plus simplement en avoir envie et cultiver la flamme qui évite la routine, la non-évolution, et la mécanisation des actes.

    Et si ça peut préciser mon point de vue, je suis convaincu que ces éléments s’appliquent aussi bien à des médico-sociaux spécialisés en TAC qu’à des équithérapeutes ou à des équiciens, quels que soit à tous leur parcours ou leur formation initiale : nous sommes sur le même bateau.

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    Sandie Bélair
    novembre 25th, 2014 at 10:49

    Nicolas,

    L’article de Nicolas PEREZ est volontairement provocant mais il n’a jamais dit que l’on ne pouvait pas vivre de la médiation animale. Il précise d’ailleurs dans son article que l’on peut en vivre à temps partiel, parfois à mi-temps mais qu’il est difficile d’en vivre à temps plein… donc je crois que ses propos sont nuancés et loin d’être pessimistes. Ils sont lucides sur la réalité de terrain… Soit dit en passant, psychologue est un métier… avec un diplôme d’état reconnu et c’est une profession réglementée même si l’accès à un emploi est difficile… peut-on vraiment comparer? Je ne crois pas…

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    julien
    février 6th, 2015 at 14:59

    un petit mot pour vous remercier tout d’abord de nous faire partager votre passion . et découvrir ce sujet que personnellement je ne connaissais pas . ensuite effectivement l’article semble plutot nuancé et il n’est pas forcèment mal d’être realiste.
    ensuite dan l’article il est bien écris que cette passion doit être accompagné d’une autre activité afin de s’en sortir bien a vous

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    Bourreli
    mai 27th, 2015 at 21:33

    Bonsoir,

    Je viens de tomber sur votre article et je suis exaspérée ! je suis zoothérapeute depuis 7 ans, je travaille dans plus de 50 structures. J’ai un salarié à temps plein et deux sous-traitants. Pour travailler et gagner sa vie, il faut aussi être de vrais professionnels …trop de gens se lancent dans ce métier sans en avoir les réelles capacités…il y a un gros souci au niveau de la formation …bref un sujet dont je suis prête à parler de vive voix …vous trouverez mon numéro sur mon site …bonne soirée à tous

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    nathalie
    novembre 23rd, 2016 at 15:14

    bonjour , justement pourquoi pas de statut auto entrepreneur pour la médiation animale ? pour voir où on va , mon mari veut se lancer et se mettre en société est d’un grand coût ,

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