Laetitia Gianelli décembre - 27 - 2013
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Il y a deux mois, on m’a offert le roman d’Isabelle Sorente, 180 jours. 180 jours, c’est le temps qui sépare la naissance d’un porc de sa mort à l’abattoir. Lorsque j’ai plongé mon nez dedans, j’ai été happée par l’histoire et mais aussi par tout le reste, je l’ai lu d’une traite. Laissez-moi vous faire partager cette découverte !

Quand Martin Enders, professeur de philosophie, accepte de se rendre dans un élevage industriel pour les besoins de son travail universitaire, il n’imagine pas que le cours de sa vie va s’en trouver bouleversé, notamment par les secrets que lui révèle un porcher, Camélia, mais surtout par les quinze mille bêtes enfermées dans les différents bâtiments… Le roman raconte notamment cette prise de conscience sur la condition des animaux d’élevage et tout ce qui va avec : les conséquences sur soi, sur sa vie, mais aussi sur les autres, l’incompréhension de l’entourage parfois lorsqu’on se met à considérer les bêtes comme des sujets sensibles… A cela, s’ajoute une histoire d’amitié invraisemblable entre deux hommes que tout semble séparer.

 

 

Ce qui m’a poussé, notamment, à commander ce roman pour mon anniversaire, c’est que le récit est fondé sur la propre enquête de l’auteur. Il dévoile ainsi le quotidien des animaux dans les systèmes de production industriels. On y découvre ce qu’on peut appeler « l’horreur » : les conditions d’élevage, les souffrances infligées aux animaux, l’abattage de masse…

Ce roman aborde une question d’actualité qui est celle de la condition animale et notamment dans les élevages industriels, où les animaux ne sont considérés que comme des produits de consommation. Leur existence même, leur condition d’être sensible y est niée et la considération de leurs besoins est absente. Dans son article du 18 octobre dernier, « Accorder de la valeur aux animaux« , Mathieu Ricard écrit  » on décide quand, où et comment ils doivent mourir sans nous soucier de leur sort, de leur ressenti et de leur volonté de rester en vie « .

En plus de découvrir ou redécouvrir les conditions de vie désastreuses des bêtes, leur souffrance dans tous les sens du terme, on prend également conscience des conditions de travail très difficiles et mortifères pour les personnes embauchées dans ces élevages. On découvre deux façons de réagir à l’horreur quotidienne : se « carapacer », faire comme si rien ne nous touchait, pour survivre, ou alors se laisser complètement envahir par les émotions, devenir  » hypersensible « , au point d’en tomber malade, physiquement et psychologiquement… Comment ne pas faire de cauchemars, comment ne pas perdre la raison ou la sensibilité, lorsque l’on travaille au sein d’une porcherie industrielle ? Le 8 décembre 2013, dans un article du Huffington Post, étaient rapportés les propos de Jean-Luc Daub, auteur de « Ces bêtes qu’on abat : journal d’un enquêteur dans les abattoirs français » :  » Je continue de faire des cauchemars, je suis hanté par les animaux « . L’article parle également de « ces employés qui eux aussi font des cauchemars, eux aussi souffrent, consignés aux mêmes tâches, aux mêmes gestes, dans une logique qui rappelle qu’à ne considérer les bêtes que comme des machines, les hommes en font aussi les frais « .

Il y a deux mois, quand j’ai lu 180 jours, j’ai conseillé cet ouvrage à différentes personnes. L’une d’entre elles m’a demandé, très simplement, réellement interloquée : « Mais pourquoi tu partages ça…la vie des porcs ? Quel intérêt ? Je ne comprends pas « . Et bien voilà, je partage pour tout ce que je viens d’écrire, et j’espère que cela donnera à certains d’entre vous l’envie de lire ce roman et peut-être même de s’intéresser de plus près encore à la condition animale… Parce que, rappelons-nous de temps en temps « » la grandeur et le développement moral d’une nation peuvent se mesurer à la manière dont elle traite ses animaux  » (Gandhi).

Laetitia GIANELLI

Pour en savoir plus:

180 jours – Isabelle Sorente – 20 euros – 460 p.

Le cochon – Michel Pastoureau – 18 euros 50 – 120 p.

Ces bêtes qu’on abat , Journal d’un enquêteur dans les abattoirs français 1993-2008 – Jean-Luc Daub – 23 euros 50 – 256 p.

Faut-il manger les animaux – Jonathan Safran Foer – 22 euros 30 – 362p. (il existe en poche)

Les animaux aussi ont des droits (entretiens avec Peter Singer, Elizabeth de Fontenay et Boris Cyrulnik) – Karine Lou Matignon – 18 euros – 267 p. aux Editions Seuil

Sur le même thème et sur le blog:

Des livres qui éveillent la conscience des plus jeunes à la condition animale

La France est la lanterne rouge du bien-être animal

6 Responses to “180 jours ou la vie d’un porc d’élevage de sa naissance à sa mort”

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    gall
    décembre 28th, 2013 at 9:44

    Bonjour,
    Je suis intéressée pour acheter ce livre en occasion ou le troquer.
    Répondre à ce message si ca intéresses quelqu’un.
    Joyeux Noel!
    Stéphanie

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    Sandie Bélair
    décembre 29th, 2013 at 11:52

    Merci Lætitia pour ce partage de lecture et cet engagement! Ce billet va dans la continuité du précédent et s’inscrit dans les réflexions actuelles au niveau national! Espérons que ces différents partages puissent faire prendre conscience de l’atrocité de ces élevages, du déni de la souffrance animale mais aussi humaine!

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    Marie
    décembre 30th, 2013 at 13:10

    Merci Laetitia!!!!
    Et Très bonnes fêtes à tous!!!

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    annick Labrot
    décembre 30th, 2013 at 15:14

    Merci Laetitia, et en effet cela donne envie de s’intéresser à la condition animale, et notamment à celle des animaux de consommation. Il existe bel et bien un clivage incompréhensible entre l’animal familier qui dort sur nos canapés et l’animal de consommation que l’on chosifie et dont on technicise l’abattage loin de notre vue… En fait on ne se représente plus la mort de l’animal et cela en rajoute de la cruauté inconsciente … Merci encore de nous éveiller à ces pratiques, que l’on dénonce de plus en plus et qui viennent nous déranger dans ce monde virtuel que l’on c’est fabriqué où on est plus en mesure de se représenter l’animal en tant qu’être vivant constitué de chair et de sang !
    On a trop longtemps été indifférent à la souffrance animale et à celle du bétail en particulier … Mais gardons une lueur d’espoir car les choses changent doucement et nous allons dans le bon sens ! Merci encore de participer à l’éveil des consciences, c’est comme cela que les mentalités évoluent … Pour l’heure je ne l’ai pas (encore) lu, je me suis permis pour autant un petit commentaire, car c’est un sujet sensible auquel on doit de réagir …

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    laetitia
    janvier 8th, 2014 at 21:50

    Comme tu le dis si bien Annick, on ne se représente plus la mort de l’animal d’élevage, ni cet animal comme un être fait de chair et de sang, un être sensible. J’ai découvert récemment le travail de Mélanie Joy sur le « Carnisme ». Elle parle de cette notion d’INVISIBILITE entre autre : la plupart d’entre nous n’ont jamais assisté à une seule des étapes qui transforment les animaux en viande. C’est physiquement loin de nous, c’est dérobé au regard. Le seul contact qu nous avons avec les animaux d’élevage pour beaucoup d’entre nous c’est au moment du repas, lorsque nous consommons quelque chose qui n’a plus rien à voir avec un animal. Nous ne percevons que de la NOURRITURE sans que la connexion se fasse avec l’animal dont elle provient. Elle se pose notamment la question suivante : qu’est-ce qui fait que nous sommes dégoûté à l’idée de manger du chien, du chat, alors que nous trouvons normal de manger des vaches, des cochons…qui sont des animaux au même titre que les autres ? Elle évoque à ce propos le concept d' »ENGOURDISSEMENT PSYCHIQUE », concept que j’aime beaucoup car il est indispensable tous les jours à notre survie dans ce monde : c’est un mécanisme qui nous aide à supporter les expériences traumatisantes qui nous frappent ou à ne pas être terrorisés en permanence par les dangers qui nous entourent. C’est un processus psychologique par lequel nous nous déconnectons, mentalement et émotionnellement de notre vécu, nous nous « anesthésions » nous-mêmes. Ainsi, c’est un « outil » nous permettant de nous déconnecter de l’inconfort moral, de la discordance qu’il y a entre nos valeurs et nos comportements quand nous mangeons de la viande. Elle dit enfin que cet engourdissement est fait d’un ensemble de mécanismes de défenses qui déforment nos perceptions et nous distancient de nos sentiments, convertissant notre EMPATHIE en APATHIE… Il y a là de quoi COGITER… 🙂

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    laetitia
    mars 2nd, 2014 at 22:26

    Un article intéressant sur le même ouvrage :

    http://blog.l214.com/2014/02/25/l-inconvenient-d-etre-ne-pour-180-jours

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