Véronique décembre - 3 - 2009
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Il y a quelques mois, je vous présentais Vincent ESDOLUC, éducateur canin et acteur AAA. Aujourd’hui, Véronique vous propose d’aller à la rencontre de Sandra TORTORICI et à la découverte de son joli projet… Bonne lecture. Sandie

Sandra Tortorici a développé récemment le premier pôle national pour l’introduction et le développement de l’Authentique AUSTRALIAN LABRADOODLE. Elle nous parle aujourd’hui de cette race, mais aussi de son projet « La Voie de son Chien ».

Sandra Tortorici

 

 

Peux-tu nous présenter « la Voie de son Chien ? »

« La Voie de son Chien », c’est un projet élaboré entre passion et réflexion depuis de nombreuses années. Il est composé de quatre axes d’interventions complémentaires fédérées autour de l’approche comportementaliste ; approche objective et scientifique qui me semble toucher au plus près la réalité des chiens qui évoluent aujourd’hui en étroite cohabitation avec l’Homme.

1) Notre premier axe de travail sera dédié à l’introduction et au développement de l’Australian Labradoodle via un programme d’élevage spécifique qui s’attachera à proposer des conditions de développement précoce optimales à l’attention de nos futurs chiots tout en dessinant une place essentielle à la famille adoptante et à son projet d’accueil.

2) Dans le même temps, j’exercerai en tant que comportementaliste spécialiste de la relation homme-chien, en me rendant au domicile des particuliers qui rencontrent des difficultés de cohabitation avec leur compagnon (aboiements, destructions, conduites agressives, « malpropreté »…) pour appréhender les déterminants de l’environnement qui font « tension » pour l’animal, l’amenant ainsi à produire des comportements qualifiés de « gênants ». Le comportementaliste ne travaille pas directement « sur » le chien en tentant de le contrôler par le biais de conditionnements divers mais agit sur le milieu en proposant de réaménager la cohabitation et de réorganiser les interactions des membres de la famille avec ce dernier afin qu’il trouve à s’apaiser progressivement.

3) « La Voie de son Chien », proposera dans un troisième temps des ateliers « information, prévention, éducation » à l’attention des structures scolaires, de la petite enfance et des acteurs de la cani-médiation.

4) Enfin, à moyen terme et en fonction des rencontres canines que je pourrais faire, j’aimerais revenir à mes premières amours en mettant en place des activités de cani-médiation dans les institutions ou directement au domicile des particuliers.

En découvrant ton site, on comprend que ton projet a été mûrement et longuement réfléchi. Peux-tu évoquer ton histoire, ton parcours pour arriver à l’aboutissement de ton projet ?

Le déclic a eu lieu en 1996 mais j’ai le sentiment que tout cela sommeillait en moi depuis longtemps déjà…

A l’époque, j’ai découvert le livre de Caroline Bouchard « Les effets bénéfiques des animaux sur notre santé ». Elle était la fondatrice de « l’Association Internationale pour la Zoothérapie ».

J’ai même participé à un week-end d’information sur la zoothérapie qu’elle animait en Indre-et-Loire, en 1998. Je crois me souvenir que nous étions trois participants… Les balbutiements d’une activité qui n’avait pas encore trouvé son premier souffle en France. Moi, j’avais enfin l’intime conviction d’être sur la bonne voie…même si j’ignorais que le chemin serait long et semé d’embûches.

C’est donc tout naturellement que je me suis orientée dans le domaine des Sciences Humaines et de la Psychologie. Malheureusement, je me suis rapidement heurtée à l’ironie et au scepticisme des divers protagonistes de l’époque qui ne pouvaient articuler le processus de relation d’aide et la présence de l’animal. Au beau milieu de mon année universitaire de Licence de Psychologie, j’ai décidé de fermer les portes de la théorie pour rejoindre les merveilleux apprentissages de la pratique de terrain. J’ai travaillé pendant six ans comme éducatrice de chiens d’assistance et de chiens d’éveil pour l’association ANECAH/Handi’Chiens.

Mon projet s’est alors étayé progressivement au fil de mes rencontres humaines et animales à force d’ajustements, de questionnements et de recherches. Il demeurait cependant des points sensibles à propos desquels je ne parvenais pas à trouver de réponses. J’avais le sentiment profond qu’il me manquait un fil conducteur qui me permettrait de relier toutes les observations et les données empiriques que j’avais pu recueillir.

C’est sur cette note d’inachevé que j’ai décidé, en 2006, de quitter pour un temps l’univers de la Médiation Animale et des Activités Associant le Chien.

Besoin de prendre de la distance vis-à-vis d’une pratique qui se dessinait peu à peu dans le paysage de la relation d’aide et dans laquelle je ne me reconnaissais pas toujours.

S’en sont suivies deux longues années d’introspection pendant lesquelles les doutes ont eu la part belle. Mais au final, une certitude : il fallait que je persévère dans cette direction.

Je finalise actuellement mon projet en terminant une formation de comportementaliste spécialiste du chien avec l’organisme OPERRHA (Organisme Privé d’Enseignement et de Recherche sur les Relations Homme Animal). L’approche comportementaliste m’a permis de mettre en lien mes diverses expériences autour du sujet « chien ».

Si tout se passe bien, une partie des activités de « La Voie de son Chien » devrait commencer en février 2010.

En ce qui concerne le pôle « élevage de l’Australian Labradoodle », nous avons déjà accueilli une petite femelle, Cloey. Une deuxième femelle devrait nous rejoindre fin novembre.

A suivre donc…

Pendant 6 ans, tu as été éducatrice de chiens d’assistance pour personnes handicapées. Tu as essentiellement travaillé avec certaines races (golden retriever, labrador) .Qu’est-ce qui t’a conduit par la suite vers L’Australian Labradoodle ? Pourquoi ce choix ?

chiot noir Australian Labradoodle
Courtesy of Julie, Manorborn ASD

 

 

 

Il est vrai qu’en l’espace de six années de pratique en qualité d’éducatrice de chiens d’assistance, j’ai travaillé avec des dizaines de Labradors et de Goldens Retrievers. Je dois dire que chaque rencontre a été unique…

Chaque chien avait une singularité propre en fonction de son histoire, de ses conditions de développement précoce, de son patrimoine génétique…et je n’ai jamais rencontré deux chiens totalement identiques malgré le fait qu’ils appartiennent à la même race.

Actuellement, le Labrador et le Golden « occupent » le terrain des Activités Associant le Chien ». Ils bénéficient sans doute de l’avantageuse image que les médias et la culture cynophile véhiculent auprès du grand public. J’ai simplement eu envie d’ »investiguer » un peu plus loin pour ne pas stigmatiser le « chien médiateur », pour ne pas l’enfermer dans un carcan trop réducteur en l’associant à telle ou telle race alors qu’il s’agit en fait de travailler avec le potentiel individuel de chaque sujet.

J’ai découvert l’Australian Labradoodle en 2002, au détour d’un article dans la presse. Il était qualifié de chien « hypoallergénique » car apparemment il ne perdait pas ses poils. A l’époque, la « race » était encore en cours de développement en Australie et le type morphologique ne semblait pas encore vraiment fixé. L’Australian Labradoodle s’était apparemment fait une place aux Etats-Unis et en Australie dans le domaine de l’aide animalière. On pouvait ainsi le voir évoluer en tant que chien d’assistance ou chien d’éveil outre-Atlantique.

J’ai suivi tout cela de très loin dans un premier temps, j’ai pris quelques contacts, je me suis renseignée. J’étais surtout très curieuse. J’avais envie de faire la connaissance de ces petits chiens qui avaient une physionomie fort sympathique. La race avait été développée en trois tailles (mini, médium, standard) et un riche panel de couleurs avait été conservé au fil des sélections. Impossible cependant de provoquer la moindre rencontre puisqu’il n’y avait à l’époque aucun élevage en France ni même dans les pays voisins.

Dans le même temps, deux axes de réflexion s’étaient imposés à moi :

– Les qualités potentiellement « hypoallergéniques » du pelage de l’Australian Labradoodle m’apparaissaient comme pouvant être un argument intéressant pour introduire un programme de cani-médiation dans certaines structures où les contraintes sanitaires sont importantes et notamment dans les hôpitaux.

– Je voulais absolument voir naître mais surtout faire naître mon prochain compagnon de route, être présente à chaque étape essentielle de son développement, l’accompagner dès sa prime enfance dans ses apprentissages.

Les années ont passé, le type morphologique s’est fixé peu à peu. La « race » a été médiatisée (un peu trop peut-être…) et quelques éleveurs britanniques ont importé certains sujets depuis l’Australie. C’est ainsi que j’ai eu la chance d’entrer en contact avec un élevage en Angleterre qui souhaitait introduire l’Australian Labradoodle en Europe et notamment en France. Je me suis proposée pour faire partie de l’aventure car je n’avais toujours pas eu l’occasion depuis le temps que je m’intéressais à son développement de rencontrer ce petit chien qui m’interpellait énormément.

Cloey est arrivée chez nous en juillet dernier. C’est un petit chiot comme tant d’autres…à une exception près : elle ne perd pas ses poils. Nous la laissons grandir sereinement au milieu de toute notre petite tribu.

C’est encore l’histoire d’une rencontre dans toute sa singularité. J’apprends beaucoup à ses côtés…

Tu expliques sur ton site que tu as vécu une période de remises en question. Pendant cette période, tu as eu besoin de prendre du recul par rapport au terrain, à la pratique. Aujourd’hui, selon toi, quels ont été les apports de cette phase de retrait pour l’élaboration de ton projet. Et en quoi cette période t’a-t-elle permise de faire le point sur tes réelles motivations ?

J’ai toujours été passionnée par la relation d’aide, par la Médiation Animale, trop peut-être ? Il fut un temps où j’avais l’impression de vivre, de dormir, de manger, de respirer « Activités Associant l’Animal ». Jusqu’à l’étouffement…Besoin de comprendre pourquoi je me jetais ainsi tête baissée dans cette pratique, pourquoi la présence de l’animal était tellement importante pour moi, pourquoi je ressentais la différence de l’Autre, de la personne en difficulté comme faisant écho à ma propre histoire.

Ces deux années de remises en question ont été difficiles à vivre. J’ai même failli tout abandonner pour me lancer dans une activité de vente de produits de beauté à domicile, rien à voir…

Mais le processus était enclenché et petit à petit le projet « La Voie de son Chien » a émergé : construit, structuré, évident…

« L’accouchement » fut long mais avec le recul cela en valait la peine. Cette longue période d’absence m’a permis de prendre de la distance par rapport à ma pratique de terrain mais également par rapport à ce que je croyais connaître de l’animal. J’ai tempéré le côté « émotionnel » de mon dessein pour me concentrer sur des perspectives plus objectives : présentation du projet, prise de contacts, faisabilité… Des démarches essentielles pour pérenniser une activité émergente. Cette pause m’a rendue plus forte, je sais désormais exactement où je veux aller. Je suis toujours pleine de questions mais elles ne sont plus synonymes de doutes, elles me permettent d’avancer pour tenter de comprendre. Elles sont mon moteur…

En lisant tes références, on constate que tu as acquis différentes compétences, autant dans le secteur des publics que celui du chien. Pourtant je crois savoir que tu as longtemps douté quant à ta légitimité à « pratiquer ». Qu’est-ce qui t’a permis de passer ce cap ? Quelles sont les démarches que tu as entreprises ?

Disons qu’à l’époque j’avais le « contenu » mais pas le « contenant » pour légitimer ma pratique. Mes diverses expériences m’apparaissaient comme autant d’éléments d’un puzzle éclaté ; puzzle que je ne parvenais pas à reconstituer par manque de confiance en moi. J’aurais aimé m’abriter derrière un titre, un diplôme pour justifier ma démarche, pour la rendre plus crédible peut-être, vis-à-vis d’un public de professionnels que j’allais être amenée à côtoyer.

J’ai longtemps hésité entre reprendre mes études de psychologie pour les mener à terme ou bien glisser du côté de l’éthologie pour mieux appréhender le chien dans toute sa dimension. J’ai finalement opté pour la seconde voie en suivant une formation de « comportementaliste spécialiste du chien » vers laquelle je tendais quand même préférentiellement. Je sais aujourd’hui que j’ai fait le bon choix.

Australian Labradoodle adulte
Courtesy of Melinda, Sunsethills

 

 

Nous nous sommes connues aux Rencontres francophones sur les activités associant l’animal. à. Bourg-en-Bresse (décembre 2005). Pour ma part, j’ai ressenti un avant et après colloque : j’ai le sentiment que ce colloque a en quelque sorte « clôturé » une période de réflexion en France et en a introduit une seconde. Partages-tu cette vision ? Comment perçois-tu les évolutions de ces dernières années?

Lorsque j’ai assisté à ces Rencontres sur les Activités Associant l’Animal je me suis sentie très loin de ce petit week-end d’information sur la zoothérapie auquel j’avais participé en 1998. Seulement trois participants à l’époque alors que sept ans plus tard ce colloque faisait quasiment salle comble…

Au fil des années, j’ai vu cette pratique évoluer considérablement. Des prémices de la Zoothérapie importée du Canada à la Thérapie Facilitée par l’Animal en passant par les Activités Associant le Chien, la Médiation Animale et la Cani-Médiation…Quelques divergences sémantiques révélatrices d’un malaise plus profond concernant l’activité de terrain. J’ai le sentiment que l’après colloque a vu émerger une réflexion nourrie autour de la question essentielle du bien-être de l’animal intentionnellement propulsé au sein d’un espace de relation d’aide.

Après avoir pris volontairement une certaine distance par rapport à ces activités, j’ai l’impression qu’il y a aujourd’hui une réelle volonté de structurer la pratique, de la professionnaliser. J’imagine que le secteur se développe car les formations en la matière se multiplient. Cela va sans nul doute susciter des vocations…

J’espère que dans les années à venir, la discipline trouvera toutes ses lettres de noblesses, loin du sensationnel médiatique, autour d’équipes pluridisciplinaires, dans le respect de l’animal et des publics concernés.

Enfin dernière question : « Respect, communication, compréhension », c’est ainsi que tu abordes la relation de l’homme au chien. Peux-tu développer un peu ton point de vue à ce sujet ?

Comprendre l’Autre, qu’il soit humain ou animal c’est commencer par se décentrer de soi-même pour entrer dans un univers qui peut paraitre de prime abord différent, étranger, qui peut faire peur ou déranger.

Tenter de comprendre le chien c’est avant tout dépoussiérer toutes les croyances véhiculées par les idées reçues et la culture cynophile. C’est laisser sur le seuil de sa porte tous les anthropomorphismes qui réchauffent bien souvent des humains qui pensent l’animal comme le prolongement d’eux-mêmes. C’est ensuite essayer de communiquer pour aller vers l’Autre en oubliant l’espace d’un instant les codes rassurants qui nous appartiennent et qui nous sécurisent. C’est pénétrer dans un monde inconnu qu’il faut apprivoiser en tentant d’oublier les anciens schémas de pensée. C’est s’exercer à observer, à voir l’Autre dans toute la richesse de sa différence.

C’est Respecter l’Autre, non pas parce qu’il est considéré comme un alter-ego mais parce qu’il est enfin accepté dans toute son altérité…

Pour en savoir plus sur:

La Voie de son Chien

Contact Sandra Tortorici 06.13.49.68.26

Véronique

5 Responses to “A la rencontre de Sandra TORTORICI et de son projet « La Voie de son Chien »”

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    Bobko Pascale et Giles
    décembre 6th, 2009 at 20:01

    Sandra,

    Félicitations pour cet excellent travail.

    Te connaissant bien , nous savons que tu vas réussir.

    Nous te souhaitons , bonne chance,

    Je suis très fière de toi .

    Pascale et Gilles.

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    bonnivard annick
    mai 27th, 2010 at 13:41

    bravo je crois à ce travail j’ai 50 ans je suis educatrice spcialisee en hopital de jour et j’aime les chiens chez moi mais je souhaite faire partager ce bonheure à de jeunes enfants et me former mais ou?

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    TERESA
    juillet 3rd, 2010 at 19:16

    félicitations Sandra,

    Nous avons la même approche de l’animal, sans doute OPERRHA il est pour beaucoup.
    La seule différence c’est que j’ai choisi pour la Cani-médiation (pour l’instant uniquement en Maison de Retraite)Le lévrier galgo.

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    Sieber
    février 8th, 2014 at 22:14

    Depuis le mois d’octobre, Indira petite Labradoodle chocolat, enchante chaque jour de notre vie !!!
    C’est notre antidépresseur naturel au coeur de l’hiver, c’est notre boule d’amour…

    Merci à Sandra et à Sylvain

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    valerie
    janvier 18th, 2015 at 12:02

    Bonjour je suis à la recherche d’un chiot Labradoodle mais ou le trouver en France?
    merci de votre reponse et trés beau projet

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