Brigitte Martin octobre - 25 - 2019
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Je suis psychomotricienne et thérapeute avec le cheval, à la retraite maintenant depuis 2 ans. Je continue par contre à m’investir dans mon action  de présidente et directrice de la formation de la FENTAC.

Au début de ma carrière, en 1976, j’ai travaillé dans un CMPP, un IME et un centre psychothérapeutique expérimental. En ce temps-là, nombre de psychomotriciens exerçaient  en tant que vacataire.

Dans l’IME et le centre psychothérapeutique expérimental, j’avais une activité avec le cheval auprès de jeunes filles déficientes mentales dans le premier et d’enfants psychotiques dans le second.

Dans l’un, je travaillais en autonomie, dans l’autre je collaborais (difficilement) avec des jeunes moniteurs en formation. C’était alors de la rééducation par l’équitation avec les exercices de repérage dans l’espace ou d’accord rythmique, adaptés des parcours psychomoteurs et autres de la rééducation psychomotrice. Ce qui était différent, c’est qu’il y avait un cheval sur lequel les enfants ou les jeunes avaient à monter. Le travail à pied qui sera développé plus tard n’était pas encore arrivé à notre esprit, esprit imprégné par la pratique de l’équitation de l’époque, c’est-à-dire le « tout à cheval ».

Par la suite, à partir de 1980, j’ai travaillé 37 ans dans la même institution, un IMP dédié à l’aide aux surhandicapés sensoriels qui deviendra quelques années plus tard un Hôpital de Jour de pédopsychiatrie.

Nous accueillions alors des enfants de 3 à 16 ans, autistes, (on les qualifierait porteurs de TSA maintenant), mais pas tous, atteints de troubles sensoriels associés, c’est-à-dire, aveugles ou malvoyants d’un côté et sourds ou malentendants de l’autre.

J’y ai exercé mon métier de psychomotricienne tout ce temps (37 ans) et ma spécialisation de thérapeute avec le cheval durant 35 ans. En effet, il m’a fallu 2 années pour monter mon projet, décider et intéresser  l’équipe pluridisciplinaire et les directions médicale et administrative.

J’ai commencé avec un groupe de 3 enfants, accompagnée d’un éducateur et d’une stagiaire en psychomotricité. Le premier centre équestre où j’ai exercé fur le haras de Jardy, aujourd’hui bien connu comme le plus beau de France. Il appartenait alors encore à l’industriel Marcel Boussac.

 

© Photo FENTAC

 

Au sein de l’institution, à ce moment-là, les enfants n’étaient pas répartis dans des groupes de référence distincts suivant le handicap sensoriel dont ils souffraient. Il faut dire que les indications à l’entrée de l’IMP  n’étaient pas très claires. On y accueillait toutes sortes d’enfants, pourvu qu’ils soient sourds ou aveugles, mutiques ou dans le langage, (on dirait non-verbaux ou verbaux à notre époque), autonomes ou pas dans les déplacements. Il y avait des enfants IMC, paraplégiques, hydrocéphales, épileptiques, porteurs de maladies rares.
L’institution ressemblait un peu « à la cour des miracles »… Mon premier sentiment, d’ailleurs, a été de me dire que je n’y resterai pas bien longtemps.

La vie en a voulu autrement et je ne regrette en rien le fait d’y être restée. Le travail clinique était très intéressant, l’équipe motivée. Le travail était basé sur la psychothérapie institutionnelle. J’officiais auprès des enfants en individuel et petits groupes co-animés avec des collègues éducateurs/éducatrices, ou une orthophoniste suivant les cas.

Le premier groupe qui a bénéficié de l’approche avec le cheval, était composé d’enfants sourds et aveugles confondus.

Cela ne dura pas très longtemps car nous nous aperçûmes rapidement de la difficulté à accompagner des enfants aux rythmes et besoins très différents, et avec deux canaux de communication, l’un langagier,  l’autre non. Nous n’utilisions pas encore à cette époque la langue des signes français (LSF).

Au fil des ans, les indications pour les admissions à l’hôpital de jour se sont affinées.

Nous avons exigé que les enfants aient acquis la marche ou soient sur le point de l’acquérir et que les troubles de la relation et de la communication ne soient pas dus à des troubles neurologiques avérés.La prise en charge avec les poneys s’est amplifiée. Nous avons constitué 2 groupes par semaine : l’un pour les enfants aveugles, l’autre pour les enfants sourds. Nous fréquentions alors le centre équestre de Brimborion, dans le 92. Pendant de nombreuses années, ce club ne possédant pas de manège couvert, les indications pour cette prise en soins se limitaient aux enfants qui n’étaient pas trop régressés, car ces derniers étant souvent lovés par terre,  il n’était pas envisageable de les mettre dans la boue l’hiver.

Pendant 9 ans, un même éducateur pour le groupe des enfants aveugles m’a accompagné. Cet éducateur était alors le référent de 5 enfants sourds au sein de l’institution. Accompagner des enfants aveugles lui permettait d’élargir son intérêt aux enfants porteurs de l’autre handicap sensoriel, ce qui était très enrichissant. Le fait de ne pas être l’éducateur référent de ces enfants lui permettait de se positionner plus facilement comme thérapeute et non pas du côté de l’éducatif. Cette distinction de rôles des accompagnants est importante à avoir à l’esprit et à considérer dans la conception du cadre de la prise en charge. J’ai veillé que cela en soit ainsi tous les ans. Les éducateurs référents d’enfants sourds m’accompagnaient pour les enfants aveugles et vice-versa.

 A cette époque, je proposais les poneys « nus », sans selle et je mettais  des filets aux shetlands. Je mettais les enfants à cheval en les portant, puisqu’il n’y avait pas de selle et donc pas d’étrier et comme ils avaient souvent un retard de développement staturo-pondéral, c’était facile.

Dès le début, pour les enfants aveugles, j’ai muni les poneys de colliers de grelots de sons différents afin que ces enfants puissent situer les autres poneys autour d’eux. Je posais aussi une petite radio à l’endroit de la porte pour qu’ils aient au moins un point de repère fixe dans l’espace.

Quelques années plus tard, un manège fut construit et l’hiver, nous pouvions nous y réfugier en cas de pluie ou de neige, mais il fallait le partager avec un autre groupe d’enfants d’une autre institution, qui étaient, eux, IMC.

Nos indications se tournèrent vers des enfants plus en difficulté, avec des comportements parfois très archaïques. C’étaient souvent des enfants qui n’avaient pas acquis la propreté et qui manifestaient un grand retrait.

En 1986, la FENTAC est créée autour de Renée de Lubersac et je fais partie des membres fondateurs. Renée fait appel à moi, à partir de 1990 pour des interventions sur ma pratique auprès de ces enfants si singuliers. Je rencontre les stagiaires, tous professionnels de la santé  et nos échanges deviennent profitables pour ma clinique. Je commence à m’interroger sur la nécessité d’avoir recours de façon systématique à l’utilisation d’un filet et de rênes. Et si je mettais à la place des licols sur lesquels j’adapte des rênes séparées pour les enfants qui sont dans la capacité de les utiliser ? En plus, cela me permet de lâcher les poneys en arrivant dans la carrière ou le manège pour les voir se rouler et s’ébattre, à la plus grande joie de certains enfants.

Je prends conscience aussi de mon non-respect de leur désir. En les mettant à cheval, j’occulte d’une certaine façon leur choix de monter ou pas. En leur proposant un montoir, c’est eux qui gèrent leur mise à cheval ; ils gèrent leur temps et cela est des plus intéressants de les voir composer avec eux-mêmes, hésiter, monter une marche, repartir, etc…

Le « tout à cheval » diminue au profit du « tout avec le cheval ».

 

© Photo FENTAC

 

Tous les temps de rencontre, quels qu’ils soient, sont respectés, où qu’ils se produisent. C’est ainsi que nous pouvions passer 20 mns dans le box s’il se passait des moments relationnels intenses.

Les temps de travail et d’observation des poneys lâchés en liberté, avec les enfants, soit à l’extérieur, soit à l’intérieur du manège sont développés. Je propose aux enfants de faire s’éloigner les poneys, en utilisant une chambrière,  ou, au contraire de se faire suivre. Ce travail, bien sûr ne peut se faire qu’avec les enfants sourds. C’était difficile car, sans le contact physique de la monte, les enfants oubliaient la proposition et étaient plus enclins à se couper de la relation.

Les 2 dernières années de ma pratique professionnelle, j’ai travaillé avec 2 enfants autistes, ni sourds, ni aveugles. Le travail s’est passé presque exclusivement à pied, les enfants n’exprimant aucun désir de monter. L’un présentait une phobie de tous les animaux, l’autre avait développé une importante phobie du toucher.

C’étaient 2 enfants difficiles à cadrer, qui, si l’on n’y prenait pas garde, s’échappaient et étaient happés par l’espace ouvert du centre équestre. Ils n’avaient pas conscience des dangers potentiels représentés par les chevaux dans les stalles. C’est pourquoi nous avions demandé au centre équestre de pouvoir entrer en voiture dans l’enceinte  et nous les gardions à l’intérieur de cette dernière jusqu’à ce quelqu’un d’entre nous aille chercher les poneys, les invitent à descendre et c’est seulement alors que nous les  prenions fermement par la main.

Nous lâchions alors enfants et poneys dans le manège et exploitions les déplacements, les croisements de route des uns et des autres. Les distances de fuite des enfants diminuaient au fur et à mesure des séances. Avec des barrières et des barres, nous « fabriquions », ce que nous appelions des maisons, avec des couloirs, des pièces. Les enfants se prenaient au jeu  et acceptaient d’être dans la même pièce qu’un poney ou de les croiser dans un couloir…

Ma pratique de psychomotricienne a pris fin mi-juillet 2017. J’ai eu la chance alors d’aider une équipe d’un autre hôpital de jour pendant 6 mois qui mettait en place une activité thérapeutique avec les poneys, en collaboration avec la psychomotricienne de cet établissement qui n’était pas cavalière, et une monitrice d’équitation très motivée pour travailler auprès de ces enfants différents.

Les indications de thérapie avec le cheval se sont depuis quelques années étendues à de nombreuses pathologies ou âges des patients. Nous n’aurions pas pu croire dans les années 70 que nous travaillerions autant avec des personnes âgées,   qu’elles soient atteintes ou pas de la maladie d’Alzheimer, avec des personnes en rémission de cancers, des personnes emprisonnées, des personnes en état post traumatique…

La thérapie avec le cheval a de façon certaine un bel avenir devant elle ! Que les jeunes ou les moins jeunes que nous formons à la FENTAC et dans les autres organismes poursuivent cette œuvre, avec autant d’ardeur et de plaisir, à travailler au contact des  personnes en difficulté et des chevaux !!

Brigitte MARTIN

3 Responses to “De la rééducation par l’équitation à la thérapie avec le cheval”

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    Beaucart
    octobre 25th, 2019 at 19:44

    Bonjour Madame,

    Votre belle lettre m a plus qu interpellée, elle m a touchée.

    Elle arrive a point nommé dans ma vie.

    Professionnelle dans le monde du cheval et AVS aupres d enfants en situation de handicap je songe depuis quelque temps a me former serieusement dans l accompagnement de ces enfants.

    C est grace a la rencontre avec un cavalier handisport que ma pratique a considèrablement évolué tant en pratique equestre qu en accompagnement.

    J aimerais en parler avec vous.. cela vous est il possible?

    D avance vous remerciant

    A bientot
    Emmanuelle Beaucart

    avatar
    marie guilbert
    octobre 26th, 2019 at 22:04

    Bonjour Brigitte Martin
    Auriez vous la gentillesse de me contacter en message privé ?
    Bien cordialement
    Marie GUILBERT

    avatar
    martin
    octobre 30th, 2019 at 13:59

    mesdames bonjour,
    Ce sera avec plaisir que je vous joindrai chacune. Pour ce faire, écrivez moi à fentac@wanadoo.fr.
    mme Martin

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