Brigitte Martin décembre - 19 - 2008
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C’est à madame de Lubersac, pionnière de la thérapie avec le cheval que nous devons ce concept . Parallèlement à l’évolution de la rééducation psychomotrice vers la thérapie psychomotrice, la rééducation par l’équitation, terme utilisé dans les années 60, s’est modifié pour devenir la thérapie avec le cheval, prenant en compte la globalité de l’individu en souffrance. Les avancées de la psychiatrie et les connaissances sur le développement psycho-affectif de l’enfant ont permis de mieux comprendre quels processus étaient au travail et ce qu’il fallait mettre en place pour que la rencontre entre une personne en difficulté devienne thérapeutique. J’insiste : ce n’est pas la mise en présence de cette personne et d’un cheval qui est en elle-même thérapeutique, je me propose de vous l’expliquer au cours de cette présentation. Revenons donc aux 3 mots qui composent ce concept :

THERAPIE : La thérapie avec le cheval constitue une ouverture supplémentaire qui vient s’ajouter à l’ensemble des possibilités thérapeutiques, dont le but essentiel est d’améliorer ou guérir, ou de conserver des acquis.
Elle doit être conduite obligatoirement par des personnes formées aux soins, à l’écoute, à la relation d’aide.
C’est pourquoi la formation qui est dispensée à la FENTAC s’adresse uniquement aux personnes ayant déjà un diplôme émanant du ministère de la santé, que ce soient des médecins, psychologues, psychomotriciens, orthophonistes, éducateurs, etc. Elle est en fait une spécialisation à un métier de soignant.
Elle est soumise, comme toute autre thérapie, à une prescription médicale. Le travail thérapeutique vise au remaniement des modalités relationnelles et de la communication, à soi, à l’autre, au monde extérieur. Ce remaniement des modalités psychiques s’appuie sur les expériences corporelles, comme le moi psychique qui trouve ses fondements dans le moi corporel puisque la psyché n’existe pas en tant que tel au départ de la vie de l’enfant.
Tout acte thérapeutique commence par la définition d’un projet individualisé qui définit lui-même le cadre thérapeutique.
C’est à partir de ce projet qu’il est décidé que la prise en soins se fera en individuel ou en groupe et que les premières modalités du cadre seront définies avec le ou les patients. Cadre thérapeutique s’entend dans les modalités pratiques bien sûr, mais aussi en tant que cadre psychique, en lien avec la disponibilité psycho-corporelle du thérapeute, de sa formation, de ses références théoriques. Il n’y a donc pas de cadre modèle, ni de cadre immuable ; il peut être amené à changer en fonction du déroulement propre à la thérapie.

Dans ce cadre thérapeutique, le thérapeute doit être attentif à l’expression des émotions qui passe souvent par des substrats corporels comme les attitudes, postures, gestes, tonus, regards, utilisation de l’espace (éloignement/rapprochement), sous-tendues par des manifestations végétatives ; elles sont prises en compte par le thérapeute qui est à même d’en restituer un sens sous forme de messages corporels ou langagiers.
C’est grâce à ce feed-back que la relation transférentielle s’établira dans une véritable relation triangulaire.
Le thérapeute accueille les symptômes de ses patients sans chercher directement à les réduire. Son attitude est faite d’empathie, de congruence (Carl Rogers).

Les notions de secret professionnel et d’étanchéité ont ici leur importance puisque nous incitons les patients à vivre des expériences corporelles qui engendrent des émotions et nous visons aussi en parallèle l’expression de leurs éprouvés corporels. Notions d’impression et d’expression.
Confidentialité ne veut pas dire ne pas rendre compte de ce qui se passe , mais choix de ce que l’on peut en raconter suivant le ou les interlocuteurs. Il est extrêmement important, au contraire, de faire des liens, entre l’intérieur (la séance) et l’extérieur (famille, institutions).

Nous voyons ici l’importance du rôle du thérapeute qui est à l’écoute des messages verbaux et infra-verbaux tel que le tonus du corps qui traduit l’état émotionnel du patient et auquel le premier doit être sensibilisé par sa formation de base. Le thérapeute doit avoir cette empathie tonique qui rejoint le concept de dialogue tonico-émotionnel dont parle Wallon et Ajurriaguerra .L’expression du vécu du patient, qu’elle soit sous forme verbale ou corporelle renvoie chez le thérapeute à son propre vécu.
Il est donc important que le thérapeute ait conscience de ces phénomènes, ce qui m’amène à insister sur l’importance d’avoir pour soi-même un lieu d’écoute et d’analyse de sa pratique, soit au sein de l’institution où la TAC s’inscrit, soit à l’extérieur.

AVEC : et non pas par ou sur, car ce n’est pas le cheval qui est thérapeute et l’objectif n’est pas forcément la monte. C’est pourquoi il est accordé beaucoup d’importance et de temps aux rencontres à pied, qu’elles se déroulent avec un cheval en liberté qu’on observe ou avec lequel on interagit dans un manège, ou durant le pansage à l’écoute des signaux corporels qu’il renvoie, à la petite longe pour des temps de promenade dans le lieu de travail en accordant toute son attention à l’animal qui vous suit. Ces temps sont toujours encouragés, jamais négligés. Nous ajustons notre temps à celui de la personne qui est en demande, nous adaptant à ses rythmes, ses demandes, ses refus parfois. Le cheval introduit immédiatement de l’altérité et le patient lui-même doit s’adapter à la sensibilité , à l’écoute , aux réactions motrices du cheval. Celui-ci ne triche pas ; il reste toujours cheval, réagissant en fonction de ses codes éthologiques propres.

– CHEVAL : à la place d’équitation, car l’équitation avant tout, c’est la monte. Le cheval est un animal grégaire qui, ayant besoin d’une vie sociale, autorise les contacts corporels qu’il apprécie. Mais si vous ne vous intéressez pas à lui, il n’est pas comme le chien qui sollicite de vous une attention, une caresse ou un partage d’activités ; il ne vous en voudra pas.
Il réunit les qualités nécessaires à la pulsion d’attachement décrite par M. Harlow (éthologue) et M. Bowlby (psychanalyste), qualités qui sont chaleur, odeur, douceur, bercements, fondamentales pour le développement harmonieux de l’enfant .
C’est pourquoi, nous attribuons un cheval à un patient et que nous tenons à ce que, chaque séance, il puisse retrouver ce cheval afin de mettre au travail ce lien.
En thérapie, le cheval est le médiateur vivant de la relation entre le patient et le thérapeute.
Les techniques de prise en charge sont variées.
Elles sont à différencier des activités ou techniques équestres. En thérapie, pas de notion de compétition, pas d’apprentissages équestres spécifiques.

En TAC, pas d’exercices figés, pas d’apprentissages en conformité avec des modèles académiques. Nous laissons l’initiative de la découverte du cheval au patient dans sa propre dynamique ; nous ne précédons pas mais accompagnons, nous sollicitons sans obligation. Nous laissons le temps à l’autre de vivre sa relation unique à l’animal, sans être intrusif : nous pouvons être amenés à nous taire, comme nous pouvons être amenés à verbaliser pour l’autre qui n’y a pas encore accès.
Nous avons aussi à repérer à quel niveau psychomoteur, psychoaffectif et cognitif il se situe afin de nous y ajuster et ne pas faire d’impair dans nos propositions, propositions qu’il est en droit d’accepter ou de refuser.

La thérapie avec le cheval se base sur des notions fondamentales développées en particulier par Donald Woods Winnicott. Ce sont 3 processus qui permettent le développement harmonieux du petit enfant :

le holding, qui lui permet de se sentir exister dans la continuité et qui est étroitement lié à la façon dont il a été porté et entouré par les bras de sa mère. Nous retrouvons ce processus en TAC, à l’allure du pas, avec la fonction de portage qu’a le cheval et l’étayage que procure le thérapeute dans sa façon d’être présent auprès de son patient, à l’aide de son regard, du toucher et de ses paroles.
• Le second processus est le handling qui permet à l’enfant de développer une bonne cohésion entre son corps et sa psyché. Le handling est lié au fait de soigner et de se mettre à l’écoute de l’enfant. Le soin touche tous les sens ; il permet l’élaboration de la peau comme frontière limitant le dedans et le dehors, l’instauration du tonus. En TAC, nous le retrouvons dans la manière dont le thérapeute se met lui-même à l’écoute des besoins du patient. Ce dernier peut vivre sa relation au cheval de manière fusionnelle. Il doit l’accepter autant de temps que le patient lui montrera combien cela est important pour lui, mais toujours avoir en tête que le précepte de l’équitation « ne faire qu’un avec sa monture » ne peut perdurer, car les processus psychiques liées au développement et à la maturation doivent amener toute personne vers la différenciation et l’individuation.
Lorsque le patient prend soin de sa monture, pour une fois, lui qui est d’ordinaire objet de soins peut utiliser ses compétences pour prendre soin d’un autre. Cette situation nous apprend beaucoup sur la nature des soins qui ont été apportés à cet enfant car c’est une des situations analogiques que nous offre la relation au corps du cheval. Il devient support de projections et nous renseigne sur la façon dont le patient vit son propre corps.
• Le 3ème processus est la présentation de l’objet qui permet à l’enfant d’investir le monde extérieur. Il est étroitement lié au principe de plaisir car l’objet satisfait le besoin de l’enfant. La TAC doit être associée à l’idée de plaisir, plaisir partagé, point de rencontre entre le patient et le thérapeute.

Il faut toujours avoir à l’esprit que nous ne sommes pas dans un cadre pédagogique, mais thérapeutique. Il ne faut donc pas envahir notre patient de propositions d’actions afin de lui laisser le temps d’être lui-même à l’écoute de ses propres réactions, sensations, émotions. On ne peut faire 2 choses à la fois ! nous ne serons donc pas directifs.
Nous ne sommes pas dans une méthodologie du « faire » mais dans celle de « l’être avec ».

CONCLUSION:

Nous sommes à l’ère des rapprochements entre les fédérations nationales : la fédération nationale Handi Cheval et la FENTAC ; finies, les querelles, place aux concertations, chacun ayant bien défini ses champs de compétences, et ayant reconnu ceux des autres. Nos actions sont complémentaires : le sport adapté, le loisir adapté et la thérapie avec le cheval ont toutes à contribuer à répondre et à satisfaire les demandes diverses des personnes en difficulté. Celles-ci doivent pouvoir trouver des professionnels formés et donc compétents qui leur feront vivre une histoire relationnelle avec le cheval en rapport avec leurs motivations personnelles.
Mais attention aux dérives… beaucoup d’associations voient maintenant le jour, à l’heure où les médias braquent leurs projecteurs sur les médecines douces ou alternatives, car elles sont à la mode. Ce créneau des personnes en difficulté génèrent des idées à un certain nombre pour leur venir en aide. Renseignez vous sur ces sociétés ou associations, sur leur crédibilité, leur origine, leur projet et la formation des responsables. Soyez vigilants et critiques !

Brigitte

2 Responses to “La Thérapie Avec le Cheval (T.A.C) # 1”

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    Natacha
    janvier 10th, 2009 at 14:12

    Merci beaucoup pour ce billet trés enrichissant, cela permet de mettre des mots sur une pratique particulière où il n’en pas forcément évident d’expliquer le travail réalisé. Pour ma part je m’y retrouve entiérement.

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    B.Rindemnn
    août 13th, 2012 at 21:40

    Chers/eres Collegues, je serai tres interessée d´avoir l´ocasion de me laisser faire connaisance avec votre instition. J´etais institutricepour des enfants hanicappes, J´ai travaille comme orthophoniste et avec des enfants de mutisme.
    Mon amie, qui instruit encore dans une ecole pour des enfants multiple handicappe aimerait aussi d´apprendre vore therapie. Nous venons de Wittlich prs de Treves.
    Des saluts colleguiales Burgel Rindermann

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