Marine Grandgeorge septembre - 27 - 2012
avatar

Les personnes avec autisme ont des troubles des interactions sociales, notamment dans la capacité à éprouver de l’empathie, un aspect important du développement socio-émotionnel. De nombreux programmes, aides ou thérapies visent à l’amélioration des compétences de communication ou tout au moins, à réduire les difficultés sociales. Par exemple, dans ce cadre, les interventions assistées par l’animal sont largement utilisées mais leurs réels bénéfices n’ont presque jamais été évalués scientifiquement. Il est en de même pour la présence d’un animal à domicile.

Ainsi, pour répondre à ce vide scientifique et étayer – ou non – les observations fréquemment rapportés, nous avons évalué le lien entre la présence ou l’arrivée d’un animal dans des familles d’enfants avec autisme et de potentiels changements dans leurs compétences sociales.

Qu’avons nous fait?

Cette étude a été menée auprès de 260 familles de personnes avec autisme.

Les difficultés sociales ont été évaluées à deux périodes du développement (t0 : période de 4-5 ans et t1 : au moment de l’évaluation) à l’aide des 36 items de l’algorithme de l’ADI-R. L’ADI-R est un entretien semi-structuré mené avec les parents, ou une personne qui s’occupe de l’enfant, permettant de compléter un premier diagnostic de l’autisme. L’orientation de l’entretien repose sur des items définis au préalable qui sont cotés en fonction de la description précise du comportement recherché, de son intensité et de sa fréquence. Deux moments sont investigués de façon plus poussés : la période de 4 à 5 ans et la période actuelle au moment de la passation.

Un questionnaire parental a permis d’obtenir des informations sur les échanges entre les enfants et leurs animaux de compagnie (présence ou non d’animaux, espèce, qualité des échanges : tactile, jeu, nourrissage, etc.).

Les parents n’étaient pas informés, au moment des passations, du but de notre étude qui a été conçue a posteriori.

Combinant ces deux éléments, nous avons pu créer différents groupes d’étude:

– avec un animal depuis la naissance

– avec un animal adopté après le 5ème anniversaire de l’enfant

– sans animaux depuis la naissance

Les animaux représentés sont majoritairement des chiens et des chats (à proportion égale), ainsi qu’un lapin et un hamster.

 

Qu’avons nous trouvé?

Les résultats montrent que 2 des 36 items étudiés se sont améliorés entre t0 et t1 dans le groupe d’enfants où un animal a été adopté après l’âge de 5 ans (étude 1): « offre de partage » et «offre de réconfort » (voir la figure). Fait intéressant, ces items reflètent deux composants de l’empathie. Aucun changement significatif n’a été mis en évidence dans les autres groupes.

 

De plus, les échanges entre les enfants et leurs animaux sont plus rapportés – qualitativement et quantitativement – dans la situation d’adoption d’un animal après 5 ans que dans la situation où un animal était présent depuis la naissance. Par exemple, sur les 12 enfants vivant avec un animal adopté après leur 5ème anniversaire, 9 d’entre eux (soit 75%) ont une relation privilégiée avec lui ; ce qui n’est le cas que de 2 enfants (sur 8 ; soit 25%) vivant avec leur animal depuis la naissance.

 

Quelles explications?

Pour la première fois, à notre connaissance, une étude standardisée montre que les animaux de compagnie, à domicile et sans éducation spécialisée, peuvent aider les personnes avec autisme à développer leurs compétences sociales lors qu’ils sont adoptés au cours du développement de l’enfant.

Mais pourquoi l’arrivée d’un animal plutôt que sa présence depuis la naissance ?

Nous proposons différentes pistes, non exclusives mais qui demandent d’être vérifiées. Les personnes avec autisme n’ont généralement pas une forte attirance pour les nouveaux partenaires sociaux et semblent communément avoir un faible intérêt pour la nouveauté. Mais dans certaines circonstances, les enfants avec autisme préfèrent de nouveaux stimuli plutôt que des stimuli familiers. Dans le cas de « l’animal de compagnie depuis sa naissance », l’animal pourrait être un simple élément de plus de l’environnement, donc pas ne pas attirer une attention particulière.

L’autre explication possible et non-exclusive serait que l’arrivée d’un animal de compagnie renforce la cohésion de la famille. La plupart des familles qui acquièrent un animal de compagnie augmentent la quantité et la qualité du temps passé ensemble. De nombreuses études montrent qu’ils se sentent plus heureux après l’arrivée de l’animal. Ce nouvel état d’esprit peut avoir des effets positifs sur les individus atteints d’autisme.

Il existe différentes théories et hypothèses pour expliquer l’influence des animaux de compagnie dans la vie de l’homme. Expliquées en détail dans le papier, je vous propose d’en citer deux ici.

D’une part, les animaux peuvent être considérés comme des distracteurs (selon Brickel et l’attention shift theory). Quand un homme est dans une situation stressante, l’animal semble le distraire et « l’éloigner » de ce stimulus anxiogène (e.g. situation inconnue dans le cas des personnes avec autisme). Les animaux deviennent alors une source d’attention mais aussi un centre d’attention qui peut être utile dans la socialisation et l’apprentissage. Une des autres explications – non exclusives – serait que lorsqu’un homme et un animal communiquent, chaque partenaire utilise les signaux émis par l’autre pour ajuster leurs propres comportements. Ainsi, le comportement de l’animal pourrait contribuer à l’acquisition chez l’enfant d’un répertoire comportemental plus structuré et plus efficace socialement.

Néanmoins, des études supplémentaires sont aussi nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans le développement de la relation entre ces enfants et leurs animaux.

Pour finir et en reliant la recherche à des anecdotes, la lecture de l’ouvrage de J. Romp, « Mon Ami Ben », rappellera au lecteur que l’arrivée d’un chaton dans la vie de George, jeune garçon autiste, va permettre de s’ouvrir aux autres et rendre à sa mère tout l’amour qu’elle lui a donné. Ce qu’on peut appeler aussi l’offre de partage et l’offre de réconfort…

 

Quelle diffusion?

Plusieurs médias se sont intéressés à cette étude, confirmant son importance pour de nombreuses personnes. Vous pouvez notamment retrouver, en anglais:

Pets May Help Kids With AutismStudy Shows Bonding With New Pet May Improve Socialization

Pets May Help Kids With Autism Develop Social Skills Study found if animal came into home after child was born, communication improved

Ces résultats seront aussi présentés lors des journées de l’ANCRA (association nationale des centres de ressources autisme) à Caen.

Comment trouver le papier ?

Grandgeorge M, Tordjman S, Lazartigues A, Lemonnier E, Deleau M, et al. (2012) Does Pet Arrival Trigger Prosocial Behaviors in Individuals with Autism? PLoS ONE 7(8): e41739.

Le papier est téléchargeable gratuitement ici.

Marine GRANGEORGE

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale