Rédacteur invité juillet - 28 - 2014
avatar

Il y a quelques mois, nous avions lancé, via les réseaux sociaux, un appel à témoignage, à l’attention des acteurs de la médiation équine. Il concernait les relations et les partenariats avec les centres équestres: « Il semblerait que la médiatisation, l’engouement et l’essor des pratiques en médiation équine rendent de plus en plus difficiles l’établissement de partenariats avec les centres équestres. Vous pratiquez la médiation équine en tant que professionnel en établissement ou en indépendant ? Nous recherchons des avis et des témoignages pour un prochain billet. Rencontrez-vous des difficultés? Ou pas? Quelle est votre démarche? Merci de nous contacter si cela vous intéresse ».

Nous avons fait le choix de publier la contribution de Nicolas Emond, psychologue, équithérapeute et responsable de l’IFEq.

Tout d’abord, en effet, l’engouement pour la médiation équine est tout à fait certain. Dans l’étude que j’avais menée en 2011 pour la SFE, j’avais interpolé un besoin de 1500 nouveaux équithérapeutes-équiciens pour pouvoir prendre en charge la totalité de la demande d’intervention en médiation équine en France (hors sport/loisirs). Ça signifie qu’aujourd’hui, un professionnel moyen ne peut traiter que le quart des demandes qui pourraient le concerner (40 patients potentiels pour 10 places en prise en charge).
C’est un premier point important à souligner, car il est celui qui justifie le développement de la filière : l’accroissement de la capacité de formation pour augmenter le nombre de praticiens (la création de l‘IFEq est l’une des conséquences de cette étude), l’information croissante du public bénéficiaire (puisqu’il faut transformer les besoins en demandes), le développement des réseaux de professionnels (pour les rendre visibles et pouvoir orienter les demandes).

Ensuite, comme vous, j’entends beaucoup de jeunes confrères se plaindre de l’accès aux centres équestres.

Pour ma part, j’ai été accueilli à bras ouverts dans le plus important Centre Equestre de France quand j’ai commencé à exercer en 2004. Il avait reçu « des groupes d’handicapés » les 2 années précédentes, toutefois les moniteurs ne se sentaient pas à l’aise avec ce public qu’ils connaissaient mal, et la direction se trouvait mal à l’aise avec le fait de ne pas reconduire cette activité et avec le fait de recevoir régulièrement des parents d’enfants différents qu’ils ne pouvaient pas intégrer en reprises. Lorsque je suis arrivé pour mon premier patient, le message que j’ai porté a été très bien accueilli, avec un regard bienveillant sur l’équithérapie (même si je ne suis pas certain que certaines nuances entre sport et thérapie ne leur échappent pas). Dans la mesure où je ne demandais que peu de place et à des horaires aménageables, l’accord a été rapide et facile. Et ils me réorientent toujours les familles d’enfants handicapés lorsqu’elles les contactent pour essayer de s’inscrire pour des cours.
Encore récemment, dans le cadre de la recherche de lieux de formation pour l’IFEq, où je cherchais notamment une structure en Ile-de-France pouvant nous mettre à disposition des chevaux et un manège du lundi au vendredi pendant 6 semaines, j’ai été très surpris de ne recevoir aucun refus de principe : les 4 structures que j’ai contacté ont presque immédiatement accepté (évidemment avec leurs conditions, notamment pour le mercredi).

 

© Photo Résilienfance

 

Aussi, d’après moi, l’accès aux centres équestres reste tout à fait possible et négociable, y compris dans les grandes villes. Toutefois évidemment, il a toujours été difficile de trouver la structure équestre répondant à toutes nos exigences : qualité et diversité des chevaux, conditions de vie des chevaux, qualité des infrastructures, sympathie de l’équipe, qualité de l’environnement, proximité d’une grande ville et d’axes de transports, disponibilité de la structure, faibles tarifs, compréhension et respect envers l’équithérapie… Il y a toujours des compromis à faire, car le lieu parfait n’existe pas.
Ce que je remarque depuis quelques années, c’est que beaucoup de jeunes professionnels ont du mal à faire ces compromis. Ils sortent de formation pleins d’idéaux, et la confrontation avec la réalité du marché peut être rude. En caricaturant à peine, certains cherchent un centre équestre dans Paris même, avec des créneaux le soir et le samedi, dont les chevaux vivent en troupeau et en extérieur, et qu’ils soient loués à maximum de 5€ de l’heure. Et nécessairement, ils ne trouvent aucune structure correspondant.

D’autre part, on pourrait penser que nous arrivons à un moment où les centres équestres les plus adaptés ont déjà été remarqués et sont déjà « occupés » par des confrères (et sous entendu qu’il ne reste plus de libres que les centres équestres moins accueillants).
C’est sans doute le cas dans les zones très urbaines, bien pourvues en thérapeutes, et peu pourvues en centre équestres (à Paris et proche banlieue notamment), mais je suis plus circonspect pour le reste de la France.
D’autre part, ce sont souvent vers les grands centres équestres ayant pignon sur rue que les équithérapeutes se tournent en premier, alors que ce sont les centres équestres qui ont le plus d’activité (et donc le moins de place !). Il est souvent bien plus facile de s’intégrer dans d’autres types de structures équestres (petit centre équestre familial, pension, ferme équestre, élevage, écurie d’attelage…) car les plus petits sont aussi souvent les plus souples, et les structures ne proposant pas d’enseignement sont aussi les plus disponibles !

Est également à considérer : le développement du Brevet Fédéral d’Encadrement Equi Handi (BFEEH), à travers lequel la Fédération Française d’Equitation, s’implante directement sur le « marché » du handicap. Autrement dit, les centres équestres, s’ils se sentaient « autrefois » peu concernés par l’accueil de publics différents, ont davantage investi ce secteur. Et il ne serait pas étonnant que certains considèrent maintenant comme concurrentiel l’arrivée d’un équithérapeute venant avec son propre public. Pour être clair, certains peuvent préférer réserver les chevaux et manèges pour accueillir directement les institutions de la région en équitation adaptée (d’autant plus s’ils ont embauché un moniteur BFEEH) plutôt que de louer ces mêmes créneaux à un indépendant pour qu’il accueille ses patients avec une moindre rentabilité pour le centre équestre.
Il y a sur ce point tout un travail de différenciation à poursuivre pour faire reconnaître la différence et la valeur ajoutée de l’équithérapie sur l’équihandi, et peut-être rassurer les centres équestres sur le fait qu’on ne leur prend pas leur clientèle !

Enfin, peut-être un point d’espoir : la semaine de 5 jours.
A partir de cette année, les cours poney du mercredi matin commencent à se déserter. Avec l’école, le mercredi matin va devenir une heure blanche pour les centres équestres : donc potentiellement, ce sont de nouveaux créneaux qui vont devenir accessibles pour les équithérapeutes !

Nicolas Emond

4 Responses to “Le partenariat avec les centres équestres en médiation équine!”

    avatar
    Nicole Béranger
    juillet 29th, 2014 at 14:08

    En ce qui concerne la médiation animale à but éducatif et pédagogique, le problème des horaires reste entier. Quand les enfants sont disponibles (mercredis, samedis et vacances), les centres équestres n’ont aucun créneau pour nous.
    Cette difficulté nous a progressivement amenés à transporter nos propres animaux (poneys et chiens) pour travailler directement dans les centres de loisirs qui accueillent les enfants en péri-scolaire.

    avatar
    A Laure NICOLAS
    juillet 30th, 2014 at 7:16

    Nous développons la médiation équine sur notre structure depuis 3 ans maintenant, nous souhaitons pouvoir accueillir plus de structures ou de particuliers.
    Nous sommes 2 encadrantes avec chacune des expériences et des formations dans l’encadrement de l’équitation adaptée
    malheureusement car nous contactons les structures autour de chez nous pour expliquer notre travail, elles sont déjà en lien avec des centres équestres plus proche de chez eux (sans formation particulière pour la plupart)
    certains personnels encadrants préfèrent la proximité géographique à la qualité de l’encadrement proposé… comment pouvons nous faire??
    et comment pouvons nous nous faire mieux connaitre??
    merci pour tout ce que vous faites je suis tout ça activement

    avatar
    diane
    août 9th, 2014 at 20:26

    En effet, c’est pas un exercice simple de créer du partenariat avec les CE et il faut souvent tenir compte des besoins de chacun et du « planning des poneys, chevaux », il faut veiller à leur équilibre et leur disponibilité, donc c’est plus souvent en semaine et en journée, et le CE est souvent plus calme , moins de passage…..
    mais oui !!! le mercredi matin est une nouvelle plage d’accueil ! il faut s’organiser souvent avant septembre pour avoir des créneaux ….

    avatar
    Nicolas E.
    août 22nd, 2014 at 18:37

    Nicole :
    En effet, il n’est pas étonnant de se voir opposer un refus de principe de la part des centres équestres lorsque notre demande est exclusivement tournée vers les « heures noires » (soirs, mercredis, WE, vacances) : ce sont les périodes de pleine activité de ces structures, qu’il est difficile de mettre à disposition sans compromettre leur équilibre.
    Nous devons comprendre qu’un centre équestre, même le plus ouvert, n’a aucun intérêt à renoncer à son activité pour favoriser celle d’un tiers. Pour ceux qui ne disposent pas de leurs propres animaux, ça signifie négocier et trouver des compromis (de durée, de coût, d’horaires, de nombre de chevaux, d’infrastructure, etc.) et donc assouplir notre cadre. Ou bien, encore une fois, se tourner vers des structures équestres n’ayant pas l’enseignement comme activité principale.

    A. Laure :
    Votre situation est très différente, puisqu’il ne s’agit pas tant d’un problème d’accès aux installations équestres qu’une recherche de « clientèle » et donc sans doute de placement offre/demande dépendant d’une connaissance du marché.
    A ce niveau, je crains que ce ne soit le positionnement de votre activité dans le tissu local qui soit en question, car vous proposez un service qui semble déjà plus ou moins rendu par les structures classiques ayant pignon sur rue.
    Vous avez déjà repéré des éléments importants pour la demande que vous cherchez à attirer : la proximité et la confiance en des structures classiques semblent donner satisfaction, et la question de la spécialisation des intervenants semble secondaire. Ce sont sans doute des axes à développer dans votre offre, tout en gardant en vue que si vous souhaitez vous développer, vous ne pourrez pas réussir en concurrençant des activités déjà existantes sans adapter votre offre à des besoins réels non pris en charge ailleurs, pour apporter une plus-value et une identité claire à vos actions.
    Car après tout, si en tant que cavalière, votre moniteur vous convient très bien : pourquoi l’abandonneriez-vous pour rejoindre un instructeur inconnu nouvellement installé plus loin ?

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale