Rédacteur invité mars - 15 - 2016
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Le Phare

 
Il s’agit de la seconde intervention de la table ronde: « Parents Acteurs »
 


 

Anabelle Deluc (A. D): Bonjour, je suis psychologue en libéral depuis presque 5 ans sur la commune de Mios faisant partie du val de l’Eyre accolée au bassin d’Arcachon, praticienne en Médiation Animale et présidente de l’association le PHARE de l’Eyre.
Dans mon cursus universitaire cette relation, ce lien homme-animal m’a interrogé et c’est naturellement et non sans bataille, que j’ai fait mes deux mémoires sur les interactions homme-animal. En quatrième année je me suis intéressée à l’estime de soi et la socialisation des enfants possesseurs d’animaux de compagnie et en cinquième année, mon mémoire portait sur la relation enfant-animal-psychologue ou comment cette interaction triangulaire peut elle s’inscrire dans l’approche d’une problématique liée à une relation mère-enfant pathologique ? En résumé, j’ai traité de la Médiation Animale dans une problématique mère-enfant.
C’est à ce même moment que j’ai découvert Résilienfance, autrefois stagiaire, aujourd’hui et depuis le premier jour, membre du groupe de réflexion.
Voilà maintenant que je me suis présentée, je vais laisser la parole à la trésorière de notre association le phare de l’Eyre pour qu’elle puisse vous livrer son témoignage de maman.
 
Cathy Paolin (C. P): Bonjour à tous, je suis la maman d’un enfant handicapé mental depuis sa naissance. Si je suis devant vous c’est pour vous apporter mon témoignage afin d’aider mon fils et peut-être d’autres familles en détresse. Bastien est maintenant un jeune homme adulte de 23 ans. Avec son papa nous avons tout fait pour le faire progresser dans tous les domaines, scolaire avec des classes adaptées bien sûr, sportif, social et culturel. Nous avons réussi à l’intégrer dans la société jusqu’à l’âge adulte sans trop de difficulté. Mais aujourd’hui, nous sommes face à un mur ou un vide plutôt. Notre jeune adulte, qui subit en même temps les problèmes bien connus de l’adolescence, ne trouve plus sa place parmi nous et vit très mal de rester à la maison. Nous subissons l’aggravation de ses troubles du comportement qui sont de plus en plus violents. Vous savez quand vous vivez dans la peur au quotidien dans votre maison, peur de votre propre fils, qui vous adorez plus que tout au monde, peur pour votre entourage, c’est horrible ! Je ne le souhaite à personne. Le handicap, vous finissez par l’accepter mais la violence jamais. Le pire, c’est de n’avoir aucune solution concrète pour arrêter ces angoisses. Nous n’arrivons plus à gérer seuls son handicap.
Nous nous sommes alors tournés vers l’hôpital psychiatrique pour trouver des réponses. La seule solution qui nous a été proposée est un séjour médicalisé de rupture d’une dizaine de jour pour que nous, parents, nous puissions reprendre des forces afin de mieux accepter nos difficultés. Mais les médicaments vont-ils vraiment aider notre fils ou plutôt l’endormir ?…
Et puis nous avons pensé au foyer occupationnel, d’hébergement. Et là encore, une nouvelle problématique : il n’y a pas de places disponibles et les listes d’attente sont de plusieurs années parfois. De plus, ces établissements peuvent souvent accueillir en moyenne entre 30 et 60 résidents avec des handicaps très différents qui ne correspondent pas forcément à la pathologie de notre enfant.
Nous avons aussi pensé à l’ESAT, car Bastien a toutes les capacités nécessaires pour travaillés en milieu protégé. Mais là encore, ce n’est pas possible, notre fils n’est pas assez rentable…
Aujourd’hui, nous sommes envahis par un vrai sentiment d’injustice. L’injustice ne vient pas du fait que notre enfant est né avec un handicap, ça nous l’avons accepté. Elle vient du fait que la société n’accepte pas le handicap. Elle ne permet pas aux personnes handicapées de vivre dans la cité, d’accéder à une vie digne d’être vécue.
 
A. D: Merci Cathy pour ton témoignage. Pour ma part, je connais Bastien et ses parents depuis plus de quatre ans. La prise en charge à visée thérapeutique suivait son cours même si je pouvais constater que ses parents étaient de plus en plus contraints de supporter les troubles du comportement de Bastien qui devenaient de plus en plus violents. Et puis un jour tout s’enchaîne, je côtois ces parents qui sont de plus en plus démunis face à leur fils, et j’assiste à « la crise » où Cathy entre dans mon bureau apeurée, alors que j’étais en consultation avec une autre patiente, je tente de gérer Bastien, en pleine crise et je me reçois un coup de poing en pleine figure. A ce moment là, je commence à me sentir impuissante face à la situation. Sur les conseils de l’hôpital psychiatrique de Charles Perreins, je demande aux parents d’aller consulter là-bas afin de pouvoir aider au mieux Bastien. Et le retour de cet entretien fût très dur à entendre par ces parents, c’est ce que vous a raconté Cathy, nous n’avons comme solution à vous proposer qu’un séjour de répit pour vous…
Alors quoi faire en tant que professionnelle face à cette famille ? Rester là et accepter le sort qui leur est réservé où tenter…Mais tenter quoi et puis un jour lors d’une énième réunion concernant Bastien, ils commencent, on commence à imaginer…
« Et si on imaginait un monde où les personnes en situation de handicap vivent leur propre vie comme tout un chacun. Ou devenir adulte serait synonyme pour eux aussi d’être acteur de leur propre vie, d’être citoyen, d’acquérir de la stabilité pour apprécier l’indépendance. Où partir de la maison pour trouver sa maison serait possible… »

L’idée nous est donc venue de créer avec des professionnels et des parents, une petite structure plus humaine ouverte sur l’échange, le partage, la vie sociale et la proximité familiale. Car conserver les liens affectifs et un environnement stable est plus que nécessaire pour une personne fragile et sensible. Le soutien et les repères dans son quotidien sont importants. Pour être heureux, rien n’égale la famille, les amis et une vie de citoyen à part entière.
Et nous voilà partis dans l’aventure.
L’association le PHARE de l’Eyre a vu officiellement le jour en Aout 2014 dans le but de créer un Lieu de Vie et d’Accueil pour des adultes en situation de handicap mental ayant peu besoin de l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes de la vie quotidienne mais ayant besoin d’un soutien et d’une stimulation constante ainsi que d’un suivi thérapeutique.
 

Le Phare de l'Eyre

 

Les objectifs de notre projet sont simples :
Déjà répondre aux problématiques de notre territoire

Selon Autisme France, de nombreuses familles ne trouvent pas de prise en charge adaptée pour leur enfant tout au long de leur vie. Ce qui génère le plus souvent à l’âge adulte des problèmes d’exclusion et de régression.
Selon l’ARS et le PRIAC le département de la Gironde présente un taux d’équipement en hébergement pour adultes handicapés inférieur à la moyenne régionale.

Pour répondre à ces problématiques soulevées, nous nous appuyons sur les recommandations de l’axe 3 du Conseil Général de la Gironde : Diversifier et Adapter l’offre d’accueil aux besoins de la personne. Innover et Développer des solutions alternatives capables de répondre aux besoins spécifiques.

Pour cela, et c’est là l’objet de notre association : nous voulons proposer la création d’un Lieu de Vie et d’Accueil adapté et innovant

Il faut savoir que les LVA occupent une position particulière à la lisière des établissements médico-sociaux et des accueils familiaux.

La spécificité des LVA passe par :
– Un accompagnement dans la vie quotidienne où le « vivre avec », le partage est le premier support éducatif
– Un accueil centré sur les relations de proximité, fondées sur une acceptation de la personne dans sa singularité

Un accueil en petit effectif pour permettre un projet personnalisé visant :
– L’apaisement
– Le rétablissement des liens sociaux
– Un cheminement de la personne accueillie vers la construction d’un projet de vie.
Tout ceci dans le but de prendre le temps de devenir adulte sans toutefois infantiliser.

Lorsqu’on est parent, on l’est toute sa vie. Et la préoccupation de tout parent est le bien-être de son enfant. On a envie qu’il accède à une belle vie. Et les parents d’enfants en situation de handicap ne cherchent pas de la pitié mais comme tout parent il souhaite de l’ambition pour leurs enfants.
Mais il est parfois difficile pour ces parents de garder confiance et espoir en l’avenir lorsque les outils que l’on leur donne pour regarder leurs enfants finissent à les amener à penser que leur enfant ne changera plus et que c’est comme ça, il faut s’en faire une raison.
Le premier aspect innovant de notre future structure est de changer les outils pour se regarder différemment. De proposer une approche où la personne en situation de handicap pourra se révéler et être vu par ses parents, par sa famille, par la société en général comme une personne qui peut faire, qui peut réussir sa vie.
Et c’est là que nous rentrons dans le vif du sujet ; pour aider nos résidents à participer activement à la réalisation d’une vie harmonieuse et épanouie, nous souhaitons qu’ils vivent autour et avec l’animal.
Vous l’aurez compris, l’animal est au centre du projet. Il se révèle être un partenaire de vie qui à la fois:
– rassure sur le plan affectif,
– canalise et structure sur le plan comportemental et cognitif,
– médiatise les relations à l’Autre.

L’accompagnement des résidents en Médiation Animale va permettre de :
– STIMULER et LIBERER les ressources intellectuelles
– DEVELOPPER les compétences sociales comme le regard, le jeu ou encore les interactions
– DONNER ou REDONNER de l’intérêt aux apprentissages
– MOTIVER la personne à devenir adulte.

Et les effets bénéfiques pourront alors être observés dans :
– L’ouverture à la communication,
– Une plus grande envie de découvrir,
– Une meilleure participation à la vie de groupe,
– Et un accès à l’autonomie.

Le deuxième aspect innovant, c’est que nous tenons à ce que ce lieu soit ouvert vers l’extérieur. Que ce soit un lieu d’échange et de partage dans le but d’accepter la pluralité des modes de vie d’une part et d’autre par de faciliter l’accès à la sensibilisation et à l’information sur le handicap. Car nous savons que la méconnaissance et le sentiment de peur peuvent conduire à de la discrimination.
Et là encore, l’animal ou plutôt la Médiation animale aura son rôle à tenir. Grâce à sa spécificité de « vecteur social », l’animal présent va permettre de facilité l’échange et la communication entre tous les publics et toutes les générations.
L’animal peut apporter un potentiel de changement important dans la relation. Il ouvre de nouvelles perspectives sur la base de communication différente. Il peut également introduire de l’humour et de la souplesse dans des interactions parfois rigides et sérieuses.
Mais pour cela, et c’est important de le souligner, je pense, la qualité des professionnels en terme de connaissances du monde humain et du monde animal est primordial. Car ceux sont eux les garants des bénéfices liés à la mise en relation Homme-Animal. Ils doivent pouvoir construire du sens à partir des comportements du résident à l’égard de l’animal et réciproquement.
Et tout ce travail en Médiation Animale sur les différentes sphères somatique, motrice, comportementale, sociale, affective, émotionnelle, et leur imbrication bien sûr va permettre à nos résidents d’acquérir un sentiment de respect, d’importance personnelle, de confiance et d’être reconnus comme des personnes qui savent se faire comprendre. Nous voulons les amener à se développer comme acteur de leur propre vie et pouvoir s’exposer et s’épanouir dans le monde social.
Dans un idéal, nous souhaitons tendre vers des générations plus tolérantes aussi. Et si on vit au quotidien avec des personnes en situation de handicap, on arrivera tout naturellement à vivre ensemble comme si cela avait toujours existé.
La volonté de l’association est de participer au développement d’une société où le « vivre ensemble » deviendra une réalité et où tout le monde, quelle que soit sa manière d’être trouvera sa place de citoyen. Et où le handicap ne sera plus un obstacle au développement de relations gratifiantes.
 
C. P: J’ai partagé avec vous mon expérience en tant que maman en espérant que cela serve à d’autres parents démunis face à leur jeune adulte à la maison. Si notre projet peut apporter une solution d’avenir pour quelques familles, ce serait formidable et peut-être un exemple d’expérience innovante pour produire d’autres projets similaires. Des structures identiques existent déjà en Europe comme en Suède. Et depuis peu, dans le département du Morbihan, par exemple, des domiciles groupés accompagnés, ouvriront leurs portes en 2016-2017. Ce n’est pas plus cher financièrement pour société, car nos jeunes en situation de handicap, en acquérant plus d’autonomie et au final un emploi, retrouveront une place dans notre cité. J’ai constaté avec mon fils, que si vous stimulez en permanence ces personnes, en mettant en évidence leurs points forts, au lieu de les endormir par des médicaments, vous pouvez arriver à les faire progresser. Je connais une jeune fille autiste qui a réussi à obtenir son permis de conduire et qui accède ainsi à l’autonomie. Un ami de mon fils, handicapé lui aussi, travaille maintenant aux espaces verts de notre commune. Et grâce à l’accompagnement psychologique de Bastien, entre autre la médiation animale avec un cheval, qui est un atout très efficace, mon enfant est en train de reprendre goût à la vie. Il est urgent de créer des structures intermédiaires d’accueil pour tous ces jeunes qui n’ont pas leur place en ESAT ou en foyer occupationnel. Ils peuvent intégrer notre société avec du soutien. Nous pouvons vivre et partager ensemble. L’handicap ne doit pas être caché et croyez-moi, nous apprendrons beaucoup en vivant avec. Nos enfants comme tous les autres doivent pouvoir quitter le nid de leurs parents et vivre heureux au milieu de nous tous. Merci de m’avoir écouté !
 
A.D: Merci Cathy d’avoir eu le courage et l’envie de partager ton histoire.
Je voulais également remercier les autres membres de l’association qui donnent tous beaucoup de leur temps pour faire avancer ce projet pharaonique mais merveilleux. Alors, merci, Caro, Ludivine, Georges et Yannick.
Nous sommes qu’au début de l’aventure. Nous sommes tous conscients que le chemin sera long mais petit à petit et pierre par pierre nous avançons. Et si vous, vous voulez nous suivre, nous soutenir moralement n’hésitez pas à venir suivre l’avancée de notre projet sur Facebook dès à présent et très prochainement sur notre site internet.
Merci infiniment pour votre écoute et nous vous souhaitons une bonne après-midi et une bonne fin de colloque.

Anabelle DELUC et Cathy PAOLIN

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