Yasmine DEBARGE octobre - 11 - 2019
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Nous constatons quotidiennement l’impact des applications développées par les connaissances produites par la recherche scientifique à travers des gestes aussi anodins que surfer sur internet, utiliser notre téléphone portable, utiliser une crème solaire, consommer des compléments nutritionnels, regarder un film avec des effets spéciaux… Nous sommes également plus aptes à intégrer ces connaissances car globalement notre niveau d’études s’élève, et avec lui notre capacité à comprendre des pensées complexes. De même, le monde de l’entreprise est de plus en plus friand de collaborations avec le monde de la recherche : la course à l’innovation l’oblige à se rapprocher de celles et ceux qui produisent de nouvelles manières de penser et les outils qui les mettent en œuvre. Cette façon de travailler a d’ailleurs fait émerger « l’économie de la connaissance », qui correspond à un nouveau mode de développement caractérisé par une accumulation des savoirs et une production de plus en plus collective des connaissances, pour partie dû à l’essor des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).

Pourquoi faire le lien avec le monde scientifique ?

Mais en quoi cette nouvelle manière de faire affecte-t-elle la médiation par l’animal ? Tout d’abord, les intervenants en médiation par l’animal pratiquent bien souvent dans le secteur sanitaire et médico-social, qui est lui-même lié au monde de la recherche par l’intermédiaire du corps soignant. Ce dernier est sinon impliqué dans des programmes de recherche, du moins informé a minima des dernières découvertes. Le raisonnement scientifique imprègne donc fortement ses grilles de lecture. Dans ses travaux, Jérôme Michalon explique très bien comment les acteurs de la médiation par l’animal se trouvent dans un entre-deux qui les oblige à chercher la démonstration des bienfaits de cette pratique. De plus, alors que les budgets subissent des coupes budgétaires drastiques et que des choix doivent être opérés pour réduire les frais, il semble assez pertinent que la preuve scientifique viennent peser dans les décisions. Une fois écarté l’argument financier qui n’a comme validité que lui-même, pourquoi s’intéresser aux résultats de travaux de recherche ? Pour au moins deux raisons :

  • Pour cultiver son esprit-critique

La pensée critique implique une posture intellectuelle nécessitant curiosité et distanciation face au monde qui nous entoure. Se tenir informé des avancées scientifiques permet de remettre en cause certaines conceptions considérées comme acquises et/ou évidentes. Il ne s’agit pas de considérer toute parole de scientifique comme vérité mais bien de s’exercer à suivre les raisonnements derrière les conclusions. La médiation par l’animal emmène souvent à rencontrer des interlocuteurs variés dans des contextes différents avec des situations complexes. Etre informé des actualités scientifiques en lien avec son domaine d’intervention et réfléchir aux nouvelles approches qu’elles proposent incitent à se poser d’autres questions et à poser d’autres questions aux personnes avec lesquelles on travaille.

  • Pour inclure de nouvelles connaissances dans sa façon de faire

En effet, la démarche scientifique aspire à l’objectivité en prônant le détachement de l’objet de recherche et en ayant recours à la répétition (des expériences, des observations…). Selon la méthodologie employée, il est alors possible de « monter en généralité » et donc d’aboutir à des conclusions qui permettent de faire avancer une réflexion globale et de fait faire évoluer la prise en charge des personnes vulnérables. A titre d’exemple, l’accompagnement des personnes autistes vit actuellement une transformation en partie grâce aux recherches des deux dernières décennies qui ont permis de mieux comprendre la façon dont ces personnes perçoivent le monde.

 

 

Les difficultés

Néanmoins, il y a une réelle difficulté à intégrer les recherches scientifiques. La première est l’accès à ces travaux. Il est tout à fait regrettable que les portails de journaux scientifiques pratiquent des prix exorbitants pour les personnes non affiliées à un institut de recherche (qui sont d’ailleurs aussi exorbitants pour les universités françaises). De plus, l’accès à cette littérature exige une maîtrise d’un vocabulaire disciplinaire ou un exercice de la vulgarisation de la part des scientifiques. Ce frein est cependant partiellement levé lorsque des sites ou des associations décident de relayer les informations bien souvent en les reformulant de manière accessible pour les non-scientifiques. A titre d’exemple, l’IAHAIO est assidue dans la transmission des résultats des dernières avancées scientifiques sur la thématique des relations humains-animaux.

La deuxième difficulté relève plutôt de la participation aux travaux de recherche. Lorsqu’une collaboration entre praticiens et scientifiques se met en place, les temporalités divergent très rapidement. Le chercheur prendra le temps nécessaire pour tester ses hypothèses, les infirmer ou les valider, passera par un deuxième protocole pour garantir le premier, écrira des articles qui seront évalués par un comité scientifique qui émettra son avis un an voire deux ans plus tard…L’ensemble peut prendre quelques années. Entre temps, les praticiens auront quasiment oublié avoir participé à une recherche. Ceci étant, de nouvelles pratiques de recherche se mettent en place, plus inclusives des acteurs du terrain, qui alors comprennent mieux à quoi ils participent et ainsi peuvent se réapproprier la démarche de recherche et en faire bénéficier leur pratique.

Conclusion

Des collaborations fructueuses entre le monde de la recherche et le « terrain » existent. On pense en particulier aux associations de patients qui ont réussi à faire valoir de l’expertise des personnes soignées sur leur propre maladie. Ces expériences sont des illustrations vivantes des apprentissages réciproques. Ces associations de patients contribuent à  la diffusion des connaissances en direction du public et des médecins, la participation à la définition des actions de recherche et collaborent dans des actions de recherche. Les associations de patients ont pour objectifs d’accéder aux connaissances scientifiques et de faire reconnaître la spécificité du point de vue des patients comme la prise en compte de la souffrance ou encore des pratiques quotidiennes des patients atteints de maladies chroniques. D’autres exemples d’associations actives dans la coopération entre la recherche scientifique et le secteur associatif pourraient être cités, comme la Ligue de Protection des Oiseaux dans le champ de la biodiversité. Les recherches sur la médiation par l’animal sont nombreuses et diverses comme en atteste le fond de documentation de le Fondation Adrienne et Pierre Sommer. L’impact de ces travaux n’est pourtant pas tangible car il n’y a pas de canaux communs de transmission des informations. De plus l’absence de revendications communes et organisées des acteurs de la médiation animale a pour conséquence une difficulté à identifier ce sur quoi il serait pertinent de collaborer avec le monde de la recherche. Quelque part, il y a la une page blanche à remplir pour l’ensemble du secteur.

Yasmine DEBARGE

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