Rédacteur invité janvier - 14 - 2011
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Aujourd’hui, j’ai souhaité mettre en avant un projet remarquable qui se déroule au sein d’une école !

Ce projet est porté avec enthousiasme par Corine Berty. Psychomotricienne de formation, Corine occupe au sein de cet établissement un poste d’enseignante spécialisée en rémédiation cognitive et propose des séances de pédagogie assistée par l’animal. Elle est également présidente de l’association « Marlaguette, des enfants, un chien… une interaction» (que je vous invite à découvrir!) et équithérapeute… Un panel de compétences donc et une volonté de faire avancer la médiation animale en nous présentant notamment son projet ! Elle souhaite partager et susciter des échanges, des réflexions…

Je n’ai pas connaissance d’un projet similaire en France ; nous sommes nombreux à intervenir ponctuellement dans les établissements scolaires mais les projets incluant un animal à demeure à l’école sont plus rares ou tout simplement moins médiatisés… d’autant plus que celui-ci intègre un volet solidaire puisque le chien concerné est un futur chien guide! Mais si vous aussi, vous mettez en place un tel projet, faites-vous connaître, venez échanger et nous le présenter !

Après lecture du projet de Corine, je lui ai demandé de nous rédiger un petit texte et de nous faire part d’éventuelles difficultés rencontrées, de l’intérêt suscité chez les familles et parents des enfants mais aussi de l’emploi du temps du chiot impliqué dans ce programme (phase de repos, de travail, gestion des sollicitations…) et des premiers effets sur les enfants!

Le voilà achevé… je vous souhaite donc une bonne lecture!

Sandie

PRESENTATION

J’ai mis en place un projet d’aide assisté par l’animal dans l’école primaire classée Zone d’Education Prioritaire et Réseau Ambition Réussite où je suis enseignante spécialisée en psychopédagogie.

Ainsi, face aux enfants issus de milieux socioculturels très défavorisés et rencontrant des difficultés de comportement, de relation à l’autre, des enfants parfois accoutumés très tôt à établir des contacts sur un mode brutal, il m’est apparue intéressant d’utiliser la médiation animale au travers d’un projet plus global sur la sensibilisation à la différence et au handicap.

Ce projet s’articule autour de trois principaux axes didactiques qui sont :

– la découverte de la sensorialité,

– la Sensibilisation au handicap,

– la Médiation relationnelle enfant/animal.

Frosties, un chiot labrador de l’école chien guide d’aveugle de Coubert a intégré cette école plusieurs demi-journées par semaine. Je suis également sa famille d’accueil et suis donc le lien « familier ».

La présence du chiot et la nécessité de résoudre un défi d’ordre relationnel et social me semble être un bon moyen pour permettre aux élèves de rentrer dans les apprentissages… de les amener vers des activités plus abstraites où les procédures transversales qui seront développées, resteront un moyen pour résoudre la tâche à accomplir sans être un but à atteindre.

© Photo Association Marlaguette

CONTEXTE DU PROJET

Ce projet s’inscrit dans une continuité de fonctionnement. Depuis maintenant 3 ans, j’interviens régulièrement dans différentes classes de mon département pour organiser des ateliers d’enseignement sur les sciences comportementales et de sensibilisation à la prévention des accidents liés aux morsures canines dans le cadre de l’association que j’ai créé. Je suis accompagnée d’un de mes deux greyhounds. J’ai également réalisé des prises en charge en aide pédagogique et en remédiation cognitive assistée par l’animal pour des enfants en difficulté scolaire au sein du RASED où j’étais en poste. Cela m’a permis de proposer des ateliers dans leur classe afin de travailler le transfert des nouvelles compétences acquises.

Le projet, qui a au préalable été travaillé avec une partie de l’équipe enseignante, a été bien accepté par l’Inspection. Le projet proposé est orienté sur la sensibilisation à la situation de handicap et à la différence. L’arrivée du chiot chien-guide sert de lien et permet une continuité dans la réalisation du projet. Deux classes travaillent plus particulièrement avec lui (un CM1 et un CE2). Pour les autres, Frosties est invité pour des projets pédagogiques ponctuels liés au programme. Les enfants, qui en font la demande, sont intégrés dans les activités pendant les temps de récréation. Ce chien reste un « élève » particulier qui permet de construire des interactions entre les élèves des différentes classes (relationnels, culturels, pédagogiques au travers du journal de l’école, le partage des connaissances et expériences apportées par les intervenants extérieurs : vétérinaires, police, ostéopathe canin…).

Avant d’être en poste à l’éducation Nationale, j’ai travaillé de nombreuses années comme psychomotricienne et équithérapeute dans un hôpital de jour et un CMP. En tant que professeur des écoles, j’utilise parfois la médiation animale.

L’intégration d’un chiot de trois mois, futur chien-guide d’aveugle nous a semblé plus facile à intégrer au sein de la population d’enfants fréquentant l’école. La plupart ont une « crainte culturelle » très développée et aucune familiarisation avec les chiens. Le fait qu’il soit « un jeune chiot » a beaucoup aidé à diminuer les appréhensions… et puis, c’était pour la « bonne cause ». Les parents ont été séduits par le principe d’aider une personne handicapée. L’équipe enseignante ainsi que les adultes relais ont expliqué la démarche aux parents demandeurs.

Frosties va à l’école 3 demi-journées par semaine. Dans les deux classes, il a un coin à lui avec sa couverture et ses jouets (offerts par les élèves). Les jeunes et Frosties ont appris à vivre ensemble, à respecter les rythmes et besoins de chacun. Ils ont reçu un enseignement sur le fonctionnement comportemental et communicationnel des chiens. Pendant les activités scolaires, les enfants travaillent sereinement, Frosties se repose, joue avec ses jouets ou dort. Au moment de la récréation, trois enfants le sortent dans une cours derrière l’école. Les déplacements se font dans le calme, en dehors des mouvements de classes. Des activités sont organisées, jeux Ottoson, éducation, rapport de balle…… Ils respectent les trois phases de la séquence comportementale du chiot (afin de poser le cadre, prendre le temps de bien se faire comprendre du chiot, proposer des actions adaptées, éviter toute excitation…). Ils sont formés à la lecture des signaux d’apaisement. Les enfants sont très respectueux des besoins physiologiques et psychologiques du chiot. Les plus craintifs ont appris comment agir pour éviter les réactions de panique. Ils apprennent à se contrôler… et prennent des initiatives pour se rapprocher de frosties.

Lorsqu’un élève a terminé son travail, Frosties se met sur le dos… quelques petits rétropédalages irrésistibles… et c’est la pause « câlin » qui commence. La présence de Frosties permet de stimuler leur imagination, leurs initiatives, enrichie leur projet personnel et scolaire. Il est un facteur de motivation pour apprendre et se perfectionner. Il leur apporte un sens dans leur place d’élève.

Récemment, une participation au projet de mise en accessibilité du musée de la grande guerre de Meaux est proposée aux élèves.

Frosties

© Photo Association Marlaguette

LE PROJET

La finalité du projet est, par conséquent, l’amélioration du fonctionnement cognitif des enfants, ainsi que l’acquisition d’habilités visant à une autorégulation de meilleure qualité.

Développer les compétences transversales en même temps que les connaissances disciplinaires pourraient aider les élèves à construire des concepts fondamentaux.

Ce projet accompagne les élèves dans une dynamique de réappropriation, de restauration ou de reconstruction de leur histoire cognitive et de leur propre image comme être apprenant et comprenant.

Ils s’inscriront de façon plus positive dans leur activité cognitive tout en restant en phase avec les attentes scolaires.

Cette relation avec le chiot les amèneront à développer et à affiner leurs capacités psychomotrices ainsi que la coopération pour être cohérent et pouvoir être ainsi compris par le chiot… et des autres enfants.

Ils apprendront à ajuster leurs mouvements, à reformuler les consignes non comprises par le chiot (mieux accepté qu’une réflexion énoncée par l’adulte), à augmenter leur capacité d’attention et de patience…

Les élèves pourront prendre alors conscience de leurs réelles capacités puisqu’ils pourront observer le résultat direct de leurs actions sans être juger par l’adulte et donc développer une confiance en eux qu’ils ont parfois jamais eu ou perdu.

Des liens affectifs et relationnels se créeront, la nécessité de trouver des solutions à leur problèmes induira la motivation à lire, à écrire, à communiquer…

Les objectifs pédagogiques :

– Donner du sens aux situations d’apprentissage pour améliorer les écrits, les lectures, les techniques opératoires, la méthodologie et rendre nécessaire l’acte de lire et d’écrire

– Créer des situations permettant aux élèves d’exercer leurs habilités sociales, le travail en groupe, la coopération ainsi que le respect et la tolérance des autres.

– Créer des situations valorisantes où les enfants expérimenteront le contrôle et la responsabilisation (estime de soi)

– Encourager l’expression des élèves sur le plan de leurs expériences personnelles, sur le plan affectif et des apprentissages scolaires et favoriser les apprentissages fondamentaux, transversaux et sociaux

© Photo Association Marlaguette

Réalisation du projet

Les élèves mettent en fonctionnement leurs nouvelles acquisitions pour élaborer les productions d’écrits et les stratégies qui vont servir à franchir les obstacles rencontrés. Ils s’appuieront dans un premier temps sur les interactions entre pairs pour réorganiser leurs connaissances selon la méthodologie exposée ci-après dans les sept matières suivantes.

Méthodologie => nécessité d’être rigoureux, attentif et objectif :

– développer les habilités cognitives notamment la capacité à raisonner, à structurer ce raisonnement pour expliquer aux autres leur projet et les finalités (écrire une lettre pour demander du matériel, prendre un RDV pour la séance de toilettage, avec le vétérinaire, un éducateur canin… organiser une sortie sociale)

– amener les enfants à argumenter, à communiquer leurs résultats, leurs ressentis, les interpréter, les confronter, les ajuster (réaliser un compte rendu ou une interview pour le journal de l’école… transmettre les informations pour qu’une autre classe poursuive les travaux…)

– pouvoir douter, comprendre et construire ses connaissances, avoir un esprit critique, apprendre à se contrôler, utiliser d’autres modes de communication que la violence et l’impulsivité, accepter qu’un échec n’est pas forcément négatif mais peut aider à avancer.

– mener un travail à son terme, s’exprimer correctement et organiser logiquement son propos aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, comprendre et traiter les informations pour transmettre les informations acquises (interview avec des professionnels, productions écrites pour les articles, réalisation des comptes-rendus pour l’école chien-guide…).

Les productions d’écrits vont enrichir leurs compétences sur le langage écrit. Chaque élève écrit sur son cahier d’observation ce qu’il a découvert et appris : c’est un outil de travail et de mémoire de ses observations, ainsi que la création d’un site internet et création d’un journal vertical : panneaux d’affichages adaptés pour partager les informations à tous les enfants de l’école. En lecture… En mathématiques : pour mesurer, peser et comparer les résultats pour constater l’évolution physique de frosties, calculer les rations, pour structurer l’espace, se repérer dans le temps, dans les durées et dans le calendrier.

En Biologie : découverte du monde du vivant et sciences expérimentales avec la démarche hypothético-déductive.

– observation du chiot pour découvrir le fonctionnement de son propre corps, connaissances sur les grandes fonctions avec des outils moins abstraits, un apport scientifique plus riche et rigoureux

– sensibilisation à la sensorialité, comprendre les interactions entre les êtres vivants avec un travail sur les ressemblances et les différences, les classifications…

– construction de son propre rapport au vivant pour construire ses représentations personnelles et avoir un jugement critique par rapport aux représentations environnementales….

A la fin du 1er trimestre, trois classes s’investissent dans le projet et ont Frosties dans leur classe pour des activités d’écriture, de lecture, de maths et sciences du vivant. Le chien apporte un climat d’apaisement, de coopération facilitant la réflexion et l’intellectualisation.

QUELS EFFETS ?

Le travail en petit groupe est privilégié. Sa présence permet aux enfants de s’exprimer d’avantage verbalement. La collaboration et la motivation pour la réalisation de productions à des fins communicationnelles de qualité entraînent des acquisitions scolaires de meilleure qualité et de façon plus durable. La relation avec le chiot permet aux enfants de s’inscrire dans une histoire commune, elle favorise l’écoute, la mémorisation, la responsabilisation et surtout l’autonomisation et la socialisation avec une nette diminution de la violence verbale et physique : augmentation du respect de l’autre, de soi, des lieux….ainsi que des compétences langagières : enrichissement du vocabulaire, lexique, syntaxe…

Au niveau des enfants de l’école… La présence de Frosties crée un lien psychosocial qui les inscrit dans une histoire à la fois commune et personnelle. Chaque élément de cette histoire (qu’a fait Frosties ?, que fait –il ?, que fera-t-il ? a-t-il été promené, qu’a-t-il appris, il a encore grandit…) entraine une écoute, un état de disponibilité, de présence à soi, aux autres et à l’environnement, préparant favorablement à l’action cognitive.

La médiation animale facilite le développement des compétences transversales sous-jacentes à tous les apprentissages et s’inscrit dans une pédagogie de mise en situation de problèmes à résoudre et une construction du sens des apprentissages…

La prochaine étape est l’organisation de regroupements en remédiation cognitive pour les élèves les plus en difficulté avec la présence apaisante de Frosties pour diminuer le stress et l’anxiété face aux activités scolaires.

Corine BERTY

Pour en savoir plus:

L’association Marlaguette – Des enfants, un chien… une interaction »

5 Responses to “« Quand je serai grand, je serai Chien Guide… Apprends-moi la vie en collectivité dans ton école… »”

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    Anne-Marie
    janvier 16th, 2011 at 7:57

    bonjour et bravo

    je n’ai jamais vu un projet aussi complet. L’idée d’associer non seulement un chiot, mais en plus un chiot destiné a etre guide d’aveugle, à un projet de médiation animale à l’intérieur d’un projet pédagogique est formidable.

    La remédiation cognitive et les habiletés sociales sont pour une fois cité dans un projet.

    Merci pour cet article hyper intéressant

    avatar
    philippe
    décembre 29th, 2013 at 23:42

    Je suis très heureux de voir que des gens ont enfin compris que les relations avec l’animal étaient absolument les même que celles entretenues entre les hommes .Et par répercussion dans le rapport entretenus avec les « choses du vécu » , avec le temps présent et en finalité avec soi-même .Donc je souhaite vraiment que votre expérience et vos capacités sans-cesse accrues , si je vous ai bien lue , soit mise à la disposition du maximum d’enfants car c’est en s’adressant à eux que l’on fera des adultes respectueux de l’ordre animal , humain et individuel .
    Mon histoire personnelle serait enrichie par une participation à l’élaboration de tel projet ,mais elle pourrait aussi contribuer à entrevoir des choses possiblement utiles .Ceux qui veulent créer savent pertinemment que le nombre , s’il est la résultante d’un même élan pour constituer un ensemble cohérent , est un atout .
    Bien à vous . Philippe .
    [Pour avoir un aperçu de ce qui me fait réagir (notamment) : philippe cruchodé sur F.B.]

    avatar
    BONDRY Béatrice
    mars 15th, 2017 at 17:21

    Bonjour, Je souhaiterais accompagner les enseignants de l’école fréquentée par mon fils, handicapé moteur dont la chienne d’assistance, Hévéa, n’est toujours pas acceptée…
    Au plaisir de vous rencontrer pour profiter de vos expériences !
    Bien cordialement,
    Béatrice Bondry

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    claire
    mai 24th, 2018 at 12:11

    Bonjour, serait-il possible de joindre cette dame du rased ?
    j’ai cliqué sur le lien mais pas de contact accessible… merci d’avance !

    avatar
    Sandie Bélair
    mai 25th, 2018 at 16:59

    L’article date et je ne possède plus les coordonnées de cette personne. Avez-vous tenté avec son nom de faire une recherche sur le net, sur facebook? Merci bonne continuation bien à vous

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