Alain WEISS juillet - 18 - 2014
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*** Depuis la publication de ce billet, nous avons achevé les travaux de notre groupe sur « La définition de la médiation animale » auquel Alain Weiss participait. Vous pouvez retrouver cette définition avec tous les liens utiles et une vidéo: ici!

« La médiation animale (MA) est une relation d’aide à visée préventive ou thérapeutique dans laquelle un professionnel qualifié, concerné également par les humains et les animaux, introduit un animal d’accordage auprès d’un bénéficiaire. Cette relation, au moins triangulaire, vise la compréhension et la recherche des interactions accordées dans un cadre défini au sein d’un projet.

Nous entendons par « accordage » et « interactions accordées »: l’ajustement des comportements, des émotions, des affects et des rythmes d’actions (Attunement D. Stern 1982 – 1985).

La médiation animale appartient à un nouveau champ disciplinaire spécifique, celui des interactions Homme-animal, au bénéfice de chacun d’eux, l’un apportant ses ressources à l’autre (toute influence réciproque entre un humain et un animal au bénéfice des deux). » ***


Il est impossible de savoir à quel moment les bienfaits des animaux envers l’homme ont été constatés pour la première fois.

Dans son mémoire de licence en Sciences de l’éducation, S.Gomez (« La zoothérapie auprès des jeunes en rupture, ou l’animal comme acteur de médiation ou de remédiation dans l’intervention socio-éducative : propos de cinq intervenants en Suisse Romande« . Mémoire de licence, sciences de l’éducation, Université de Genève.2005) cite une croyance très ancienne qui préconisait le contact avec un chien pour se prémunir de la folie. La place des animaux aux côtés des hommes a changé très souvent de statut au cours de l’humanité, en passant par tous les stades comme celui d’une fonction purement alimentaire présente jusqu’au mésolithique (10 000-5 000 av.J.-C.) à un rôle essentiel comme celui que l’on découvre dans les mythologies grecques et romaines où les animaux accompagnent les héros et les dieux.

Dans cette longue histoire commune de la relation entre les hommes et les animaux ce n’est seulement qu’au XVIIIème siècle que pour la première fois on plaça, volontairement, les animaux auprès d’humains pour améliorer la qualité de leur vie. Il est vraisemblable que la première description du rôle majeur que l’animal a joué au contact de personnes fragilisées fut celle, en 1792 du docteur William TUKE. En effet, ayant constaté la nature inefficace et même souvent violente des traitements des malades mentaux il décida de créer l’institut York Retreat dans lequel il fit intervenir des poules et des lapins pour améliorer le sort de ses malades.

Mais le pionnier dans ce domaine de l’intervention des animaux sur la santé humaine, celui qui a laissé son nom en tant que père fondateur, est le docteur Boris LEVINSON. Dans les années 1950, ce pédopsychiatre américain ayant remarqué l’importance de la présence de son propre chien sur un jeune patient autiste fut le premier à émettre l’idée du rôle thérapeutique qu’un animal pouvait jouer auprès d’enfants malades. Il définit ainsi une thérapie qu’il nomma « Pet therapy ». Cette première appellation fut ensuite remplacée par « Pet Orientated Child Psychotherapy » et « Human/Companion animal Therapy » que l’on a traduit en français par
« thérapie assistée par l’animal » ou par « thérapie facilitée par l’animal ». En 1962, Levinson écrivit à son tour dans la revue « Mental Hygiene », un article sur les effets bénéfiques que les animaux pouvaient avoir sur l’homme. Enfin, en 1969, il publia un premier ouvrage intitulé « Pet Orientated Child Psychotherapy » puis un second en 1972, « Pets Human Development », dans lesquels il décrivit ses expériences.

 

 

 © Photo Résilienfance

Malgré un nombre important de constatations, de descriptions et d’anecdotes relatant l’effet positif de la présence d’animaux aux côtés d’humains à des fins thérapeutiques, celle-ci doit encore faire les preuves de son efficacité au plan scientifique. Cela doit se faire par des études cliniques en suivant les protocoles habituels des essais, comme ont pu le faire d’autres formes de thérapeutiques comme celles de l’acupuncture, l’ostéopathie ou même de la psychologie. En attendant une reconnaissance méritée, les interventions des animaux dans des buts thérapeutiques doivent faire l’objet d’une clarification de ses propres définitions. En effet les termes et les concepts mêmes qui décrivent cette activité sont fréquemment discutés et ne font pas souvent l’objet de consensus.

Quelle définition?

Le terme de thérapie est couramment employé dans de nombreuses situations salutaires qui rapprochent les animaux de l’homme, le docteur Levinson ayant été le premier à parler de « Pet therapy » ou d’« oriented therapy ». Mais le comportement d’un chien qui prévient son maître mal-voyant que le feu est au rouge et qu’il doit attendre au risque de se faire renverser par une voiture peut-il être considéré comme un élément thérapeutique, comme un traitement à part entière ?

D’après la définition donnée par le Centre National de ressources textuelles et lexicales, la thérapie est la manière de traiter une maladie (par des agents physiques, médicamenteux, etc.). Bien que le terme de thérapie ne prête pas à confusion il est assez constamment détourné de son sens en étant utilisé pour qualifier des activités qui ont pour but le soulagement ou l’assistance de personnes sans lien direct avec une maladie au sens médical du terme. Ceci n’est pas l’apanage de la médiation animale puisque l’on parle aisément d’aromathérapie pour l’usage bénéfique des plantes par exemple en absence de toute affection pathologique.

En ce qui concerne la médiation animale la tendance générale est également orientée vers l’utilisation du suffixe « thérapie » dans tout ce qui touche de près ou de loin aux activités humaines dans lesquelles l’animal joue un rôle utilitaire. Pour résoudre ce problème la Société Delta, la plus importante association en charge de la certification d’animaux à usage thérapeutique aux Etats-Unis a distingué deux entités distinctes dont elle a donné des définitions précises :

La thérapie assistée par l’animal (AAT, on dira en français TAA) est une intervention dans laquelle un animal, qui possède certaines particularités fait partie intégrante d’un processus thérapeutique. La TAA est dirigée et/ou effectuée par un organisme professionnel appartenant au domaine médical ou social et possédant une expertise spécifique dans le champ des compétences de sa profession. Cette activité s’illustre par des buts et objectifs qui lui sont propres et par une quantification des progrès, c’est-à-dire une estimation mesurable de l’efficacité de la méthode.
L’activité assistée par l’animal (AAA) quant à elle, procure des occasions d’améliorer la qualité de vie de personnes autant dans les domaines, de l’éducation, de la stimulation corporelle ou psychique, de la distraction que dans celui de la thérapeutique. L’AAA est dispensée dans des environnements variés par des professionnels, para-professionnels et/ou des volontaires spécialement entraînés, en association avec des animaux qui possèdent certaines particularités. Cette activité est caractérisée par une absence de but thérapeutique spécifique, la présence de personnes bénévoles et de thérapeutes qui n’en font pas forcément l’évaluation. Le déroulement de la visite elle-même n’est pas programmé.

Il est à noter ici que l’on attribue aux animaux des particularités sans pour autant les définir. D’un point de vue purement pragmatique il est indispensable que les animaux qui interviennent d’une manière utile au contact des humains soient en adéquation avec le service qui leur est demandé, autant pour le bénéfice des humains dont ils améliorent l’état psychologique et/ou physiologique que pour le leur propre. Mais que signifie être en adéquation ?

Les critères qui autorisent des animaux à intervenir dans ces circonstances sont très variables et peu objectifs. Ils peuvent même dans certains cas être en opposition complète. Ainsi un professionnel voudra un chien calme et placide pour agir en présence d’enfants hyperactifs alors qu’un autre constatera une amélioration de l’état de ses patients déprimés grâce à un animal éveillé voire espiègle. Néanmoins, dans toutes ces interventions deux critères majeurs concernant les animaux eux-mêmes doivent être respectés. Celui de la sécurité de leur intervention et celui de leur bien-être. Les animaux ne doivent à aucun prix présenter le moindre risque pour les personnes impliquées dans leur intervention ou pour le milieu dans lequel ils évoluent. Les risques essentiels étant ceux en rapport avec un danger physique (morsures, violence, griffures, chocs…) ou avec un danger de contamination par les vecteurs de zoonoses (maladies transmissibles des animaux aux humains). Ces critères particuliers propres aux animaux ne sont pas nécessaires à établir une définition de la médiation animale qui peut fort bien posséder ses propres objectifs spécifiques sans pour autant attribuer aux animaux concernés des qualités singulières.

Aux Etats-Unis, la différence est faite entre les animaux qui ont un véritable rôle thérapeutique de ceux, qualifiés du terme de « service animals ». Ces derniers ont été reconnus en 1990 par la loi sur les handicaps, comme des animaux servant de guide, de signal et apportant de l’aide aux personnes handicapées (The American with Disabilities Act of 1990 : ada).

Toujours aux Etats-Unis, l’Association américaine des Vétérinaires (AVMA) reprend mot pour mot les deux définitions de la Société Delta. Ces deux définitions sont complétées par celle des « Animaux résidents » : Les Animaux résidents (RA) vivent dans un établissement socio-professionnel à temps plein, sont la propriété de l’établissement, et sont pris en charge par le personnel, les bénévoles et les résidents. Certains animaux résidents (RA) peuvent être formellement inclus dans l’activité de l’établissement et se voient imposer des horaires de thérapie après une sélection et une formation adéquates. D’autres peuvent participer à des interactions spontanées ou planifiées avec les résidents de l’établissement et le personnel.

En France, le terme « Médiation animale » qui n’a pas eu la chance de faire l’unanimité sur sa définition désigne indifféremment des activités à buts thérapeutique ou non. On en parle autant pour les enfants atteints de trouble du spectre autistique et qui voient leur condition améliorée par leur rapport aux chevaux, que pour les adultes mal-voyants guidés par leur chien dressé à les aider.

Mais que manque-t-il à notre Médiation pour qu’une reconnaissance tant méritée soit enfin reconnue ? Les constatations sont là, nombreuses, évidentes, flagrantes. Mais il manque un cadre théorique assurément. Une explication, une théorie crédible et scientifique davantage que des hypothèses. De très nombreuses supputations ont jalonné le champ de l’explication de l’utilité des animaux pour l’homme. Mais le rôle d’une théorie scientifique n’est pas que de constater, d’observer, il est aussi celui d’expliquer et de prédire. Voilà comment s’installent et prennent racine les théories scientifiques. Peut-on expliquer pour quelles raisons un cheval améliore autant un enfant autiste ? Pouvons nous prévoir très justement que, dans des circonstances précises, telle personne verra son état mental améliorer en présence de tel animal ? À ces questions de nombreuses réponses ont été données. Certaines méritent qu’on s’y attarde.

+++ A suivre: Spécificité des animaux comme aide à une thérapie

Alain WEISS

+++ Liens sur le même thème:

L’expression « médiation animale » vue par le linguiste Alain REY!

De l’importance d’adopter des définitions communes… en médiation animale!

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