Nicolas Perez novembre - 18 - 2008
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Cet article fait suite à celui intitulé « Point sur la réglementation des professions impliquées dans les Activités Associant l’Animal ou Médiation Animale ». Il sera également en deux parties. J’aborderai prochainement (dès que j’aurai un peu de temps): les amendements 28 sexius et 28 septius, le décret de juin 2008 et les positions du ministère de la Santé à ce sujet.

Avant d’entrer dans le vif, je souhaite apporter quelques précisions. Depuis février 2000, la mission interministérielle de lutte contre les sectes signale que certaines techniques psychothérapiques sont un outil au service de l’infiltration sectaire et elle recommande régulièrement aux autorités sanitaires de cadrer ces pratiques. Cette situation constitue un danger réel pour la santé mentale des patients et relève de la santé publique…

Cette introduction peut paraître choquante pour une thématique relative à la médiation animale mais elle était nécessaire afin que chacun comprenne l’importance de ce sujet. Les pouvoirs publics sont particulièrement sensibilisés sur la question de l’encadrement du titre de psychothérapeute.

Quelles conséquences pour la médiation animale ? L’encadrement du titre de psychothérapeute va « « transpirer » » sur les autres titres : zoothérapeute, musicothérapeute, équithérapeute, etc. Puisque tous sont une forme de psychothérapie particulière et devront s’aligner sur les conditions de formation. A défaut pourra s’appliquer l’Art. 433-17 du Code pénal [1] déjà cité.

Je vais tenter de vous donner un aperçu du point de vue que peuvent avoir nos gouvernants sur ce sujet et des solutions qu’ils ont tenté d’apporter.

I. Les risques de l’absence de réglementation

A.      Les risques sectaires

L’épanouissement d’une spiritualité individuelle, en dehors des institutions religieuses, favorise la prolifération des sectes qui tentent de récupérer ces aspirations à des fins mercantiles et de pouvoir. L’amalgame est fréquent entre des offres de spiritualité un peu anarchiques – méditation orientale, développement personnel, nouvelles thérapies, groupes de prière, mouvance New Age – et les dérives sectaires.

B.       Les risques en terme de santé publique

Nous l’avons compris le Problème reste le manque de formation des non professionnels de la santé naturellement mais également des professionnels de la santé. Pourquoi ? Un diplôme de docteur en médecine ou en psychologie n’inclut pas de façon obligatoire dans le cursus la formation en psychothérapie (évaluée et validée). En clair on peut être psychiatre ou psychologue sans jamais avoir été formé à la discipline…

II.        Les propositions et projets de loi déposés…

A. Les amendements du 11 janvier 2007

– N° 104 ADOPTE présenté par Mme Gallez, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, MM. Accoyer, Dubernard et Fagniez

Avant le dernier alinéa de l’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Pour pouvoir s’inscrire sur la liste départementale, les professionnels justifiant d’au moins trois années d’exercice sous la dénomination de « psychothérapeute », à la date de promulgation de la présente loi, doivent préalablement obtenir l’autorisation d’une commission régionale composée à parité de titulaires d’un diplôme en médecine et de personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social. »

– N° 105 présenté par Mme Gallez, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, MM. Accoyer, Dubernard et Fagniez

Dans le dernier alinéa de l’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, après les mots : « les conditions de formation », il est inséré le mot : « universitaire ».

N ° 1 0 9 présenté par le Gouvernement –

Avant le dernier alinéa de l’article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, après le 3ème alinéa, il est inséré trois alinéas ainsi rédigés : « Pour s’inscrire sur la liste départementale, les professionnels ne bénéficiant pas d’une inscription de droit au titre du troisième alinéa, justifiant d’au moins trois ans d’expérience professionnelle en qualité de psychothérapeute à temps plein ou en équivalent temps plein à la date de publication de la présente loi doivent obtenir l’autorisation d’une commission régionale. La commission régionale détermine, compte tenu de l’expérience du professionnel, le niveau de formation adapté. Dans l’attente de la réalisation de celle-ci, le professionnel est inscrit à titre temporaire, dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat. En cas de litige, le candidat à l’inscription sur la liste départementale peut formuler un recours devant la commission nationale. Les conditions de mise en œuvre du présent article et notamment la composition de la commission régionale et de la commission nationale sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargé de l’enseignement supérieur et de la santé. »

Qu’apporte L’article 52 ?

– Il positionne clairement l’Etat comme garant de la compétence des psychothérapeutes.

– Il vise à protéger et à informer clairement les bénéficiaires fragilisés au plan psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies.

– Il tente de combler ce vide juridique qui permet à n’importe qui de se déclarer psychothérapeute et de proposer ses services à des personnes fragiles sans garantie de compétences, au risque d’aggraver leur situation et leur problématique

– Pour les professionnels qui ne remplissent pas les conditions suivantes :

– être titulaires d’un diplôme en médecine ou être autorisées à faire usage du titre de psychologue
– bénéficier d’une inscription de droit au titre du troisième alinéa de la loi du 9 août 2004.
– avoir validé une formation universitaire théorique et pratique en psychopathologie clinique
mais, qui justifient de plusieurs années d’exercice sous la dénomination de « psychothérapeute », ils pourront néanmoins être admis par des commissions régionales à s’inscrire sur une liste départementale (le présent amendement prévoit que ces commissions régionales devront être composées à parité de titulaires d’un diplôme universitaire en médecine ou en psychologie, à l’exclusion de toute autre personne).

L’article 52 a été salué par de nombreuses organisations professionnelles du champ sanitaire, psychiatrique et psychologique ainsi que par les associations de victimes. Tous se retrouvent que le besoin urgent de réglementer tant au plan de la de la sécurité des soins conférés que de l’information de l’usager

Malgré la promulgation de la loi du 9 août 2004, le décret d’application de l’article 52 n’a toujours pas été publié mais devrait passer au mois de décembre de cette année devant le Conseil d’Etat (voir ci après), dernière étape avant un examen en Conseil de Ministres et l’édiction d’un décret définitif.

Nicolas

A suivre dans un prochain article :
– B. La Commission Mixte Paritaire a adopté le 31 janvier 2007 les amendements 28 sexius et 28 septius, en remplacement des amendements 104 et 105.
– C. Projet de décret d’application de l’article 52 de juin 2008


[1] L’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende

[2] cf conditions de l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985

4 Responses to “Quel avenir statutaire pour le titre de psychothérapeute et les titres apparentés (zoothérapeute, thérapeute avec le cheval …) ? 1ère Partie”

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    Nicolas Emond
    novembre 18th, 2008 at 21:24

    Le texte est toutefois loin (et même très loin !) de faire l’unanimité, aussi bien dans les syndicats de psychologues, au sein de l’ordre des médecins, dans les écoles de psychothérapie, et même dans les associations d’usagers.

    Il est tout à fait vrai que ni les psychologues, ni les médecins ne reçoivent systématiquement une formation à la fois théorique et pratique à la psychothérapie. En revanche, je pense qu’il n’y a pas un psychologue formé depuis les années 80 qui n’ait pas une formation poussée en psychopathologie, et de même pour les médecins. Pourtant l’article 52 reste particulèrement ambigu quand au fait que médecins et psychologues pourront bénéficier « de droit » du titre de psychothérapeute alors que les psychothérapeutes devront montrer patte blanche… c’est plutôt curieux !
    Et ne parlons même pas du problème des psychanalystes, qui sont plus formés sur la base du tutorat que de la formation… il suffirait qu’ils soient régulièrement inscrits dans une association pour devenir psychothérapeutes… mais quelles associations, choisies à quel titre plutôt que d’autres ?

    Quant à la composition des commissions chargées d’enregistrer les titres de psychothérapeute, et des critères définitifs permettant d’inclure ou d’exclure des professionnels, ça reste la grande inconnue et je crains que nous ne soyons pas au bout de nos surprises.

    Et enfin le noeud du problème reste le même : le titre ne définit pas la fonction et ne protège pas l’usager : il protège au mieux le professionnel. Que les actuels gourous qui s’appellent psychothérapeutes ne soient pas ennuyés s’ils ont DESS de psychologie. De toutes façon, au pire, ils pourront toujours continuer à prodiguer leurs bienfaits en changeant leur plaque et en s’appelant tout simplement « thérapeute ».

    Autant dire que les conséquences pour les équithérapeutes et consorts qui ne sont ni psychothérapeutes, ni médecins, et ni psychologues est tout à fait nul. Ce qui est bien dommage.

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    Nicolas
    novembre 19th, 2008 at 0:26

    Je ne suis pas totalement d’accord sur le fait que le texte n’aura pas d’effet sur les équithérapeutes et consorts. En effet, il sera relativement aisé, au sens juridique, de démontrer que ces «  »professions » » ou «  »spécialisation » ne sont que des psychothérapies par l’animal médiateur. Le décret devra donc s’appliquer.
    Mais ceci ne reste que mon avis. Nous aurons l’occasion de reparler de tout ceci lors de mon article concernant le projet de juin 2008.

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    Nicolas Emond
    novembre 19th, 2008 at 13:21

    Je suis quant à moi certain du contraire : le législateur n’a qu’une idée, c’est de protéger un titre. Aucune allusion n’est faite aux fonctions, ni dans la partie législative, ni dans le projet de décret de juin dernier.

    Nous allons retomber exactement dans le même cadre que celui des années 80 lorsque le titre de psychologue a été protégé : les prétendus psychologues qui ne rentraient pas dans la case décrite par la loi ont changé de titre et se sont appelé psychothérapeutes et n’ont jamais été inquiété. De même, les prétendus psychothérapeutes qui ne satisferont pas aux critères du décret changeront de nom et le tour sera joué. Le recours contre les charlatans qui pratiqueront la psychothérapie sous une autre appelation restera l’escroquerie si elle peut être démontrée, mais pas l’usurpation de titre. C’est d’ailleurs déjà ce qui se passe dans le cas de l’EMDR sans qu’il y ait eu besoin de loi pour celà.

    Autrement dit, d’après moi, les « hippothérapeutes », « thérapeutes avec le cheval, « équithérapeutes », et « zoothérapeutes » n’ont aucun souci à se faire ni aucun viva à scander du point de vue de leur titre. Sans définition de la psychothérapie (et bonjour le travail pour définir clairement cette pratique et la délimiter… où s’arrête le conseil, l’aide, le coaching, le développement personnel, l’analyse ou l’introspection par rapport à la psychothérapie ?).
    De même, s’il est alors possible d’appliquer l’amendement aux équithérapeutes, pourquoi pas aussi aux ergothérapeutes, aux conseillers familiaux, aux prêtres, et même aux meilleurs amis qui prêtent parfois leur oreille attentive ?

    Je pense que cette loi est un « mieux », mais en tout cas pas un bien. Les motivations du législateur sont floues et beaucoup craignent une approche normative d’une profession qui est actuellement riche de méthodes diversifiées. Quant à la question de la formation, il faut bien reconnaître que le texte de loi et celui du décret sont complètement à côté de la réalité du terrain et seront, dans les faits, inadaptés aussi bien dans le but de protéger le public de psychothérapeutes mal formés que dans celui d’accorder un titre aux seuls professionnels compétents.

    Un joyeux bazar s’annonce !

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    Textbausteine und Vorlagen für Psychiatrie und Psychotherapie
    décembre 2nd, 2011 at 13:00

    Je mexcuse mon francais. Merci beaucoup pour ce article. J’aime bien!

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