Dr Didier Vernay mai - 16 - 2009
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Didier VERNAY répond aujourd’hui à vos interrogations inhérentes au DU en Relation d’Aide par la Médiation Animale. Je vous remercie d’ailleurs pour vos commentaires qui permettent de faire vivre ce blog. N’hésitez pas donc à nous faire part de vos réflexions. Elles alimentent les débats et intéressent problablement beaucoup de personnes qui pratiquent les AAA et qui n’osent pas déposer de commentaires. Bonne lecture! Sandie

Je pense que devant ce texte, j’aurai eu grosso modo les mêmes interrogations que vous. Merci de les avoir formulées, ce qui aide à préciser le projet. Je vous propose un commentaire global. Si vous le désirez, nous poursuivrons l’échange via le blog, ou de façon plus personnelle par mail.

Quelques éléments de mon itinéraire personnel et ma perception du contexte de la pratique actuelle des AAA me semblent pouvoir éclairer votre compréhension du positionnement du DU.

Itinéraire : Je reçois en 1993 Gadjet, un chien d’assistance de l’ANECAH (actuellement Handi-Chien). D’emblée j’ai le privilège de pouvoir travailler au CHU en fauteuil roulant et avec elle dans mes diverses activités de neurologue hospitalier, avec des personnes, des groupes, des familles, des associations, dans divers services . . . Cela me conduit, en 1995, à organiser un colloque à Clermont intitulé, « aide au handicap et thérapie facilitée par l’animal ». Nous avons parlé chiens (aveugles, sourds, handicap moteur), singe capucin et équidés. Renée de Lubersac, Marie-Claude Lebret, Jean-Claude Filiatre . . . sont intervenus. Il y avait un désir d’échange, et ce fut effectivement un moment très fécond. Mais j’ai pris conscience de ma relative « naïveté », car passé l’enthousiasme du colloque, cela est resté sans suite pour les échanges inter-disciplinaires. Néanmoins, j’avais touché du doigt (du cœur et de la tête) ce que pourrait être un fonctionnement pluriel quant à la discipline des intervenants et la diversité des animaux. J’avais également compris que si des connaissances éthologiques étaient nécessaires, elles devaient être servies par le bon sens et l’expérience clinique. Car à l’évidence le programme simiens (j’ai observé de près une personne de la région et son singe) était condamné d’avance (aspect territorial, vivacité « stressante », code d’agression visuelle, sexualité . . . des capucins). Mes autres prises de conscience clées furent un peu plus tardives lorsque le GRETFA (Groupe de Recherche et d’Etude sur les Thérapies Facilitées par l’Animal) avec l’aide de l’AFIRAC, réunissait à Dourdan des personnes venant de toute la France, engagées dans diverses action d’AAA avec le chien ; 1) le mot thérapie peut déclencher des conflits territoriaux assassins, même pour les plus pacifiques ! Et rétrospectivement, j’ai réalisé que j’avais (nous avions) traîné notre « T » de thérapie comme un boulet. Je percevais que ce concept de thérapie clivait un groupe où des personnes étaient par ailleurs en phase sur leurs valeurs et leurs pratiques. Constat cruel et contre productif. 2) l’amalgame des dimensions techniques et affectives est redoutable. Et ce n’est pas forcément les personnes les plus protégées théoriquement – professionnellement parlant – qui sont le plus à l’abri. Enfin plus récemment, ce sont mes patients et leur famille qui m’ont ouvert sur le monde du cheval. Cela a été prolongé par mes contacts via la FITRAM avec des membres de la FEETAC et FENTAC, et nous avons aussi un groupe régional informel chien, cheval . . .

Contexte : Parallèlement à ce parcours, à travers la présidence de l’AFIRAC et un certain nombre de formations « hors AAA » sur le handicap (en particulier pour handisport et des moniteurs de tous poils), je découvre régulièrement des personnes de bonne foi – souvent avec un gros cœur et probablement pas mal de compétences – qui me déclarent faire de l’équithérapie, de « soigner les gens avec les chiens », . . . . sans formation en matière de thérapeutique ou d’AAA. Personne ne dispose de statistique sur ce qui se fait, avec qui et où. Je formule l’hypothèse – hasardeuse – que cette pratique « autonome » représente la grande majorité des interventions avec les animaux et que la moitié de ces personnes pensent sincèrement faire de la thérapeutique.

Pour résumer les points suivants :
– Les champs de la thérapie et des autres modes d’interventions doivent être soigneusement définis.
– Face à un animal, une formation à la relation humaine (même psychothérapeutique), ne met pas à l’abri de dysfonctionnement. A cet égard ma réflexion à été nourrie par ce que font les « animaux de hasards ». (cf Anny Duperey – « les chats de hasards », « Prozac » et un certains nombre d’animaux anonymes de ma connaissance).
– La majorité des interventions d’AAA sont de nature « sauvage », ce qui ne présume en rien de leurs qualités ou de leurs défauts, mais pose le problème de celui des personnes « autonomes » (électrons libres), surtout lorsque la pratique ou le discours sont inadaptés.

Sur cette base je vais essayer de détailler un peu ce qui sous tend la philosophie du DU puis reprendre vos remarques et interrogations :

Ce DU sur la « relation d’aide » ne forme pas des « thérapeutes ». Si les AAA nous ont appris quelque chose, c’est bien le fait que l’impact décisif des relation triangulaires animal-bénéficiaire-intervenant étaient déterminées par le mystère un peu alchimique du « savoir / non-savoir » du trio. L’animal en nous montrant le chemin du non savoir explicite (et pour cause !), fait précisément de façon implicite de qu’il faut faire. Et que nous ne savons pas faire. C’est très déstabilisant pour les thérapeutes et même hors champs des AAA, le « non-savoir » et la recherche de la qualité de présence dans la relation ou dans l’histoire des idées interroge (cf Milton Erickson, François Roustang, Thierry Tournebise, Didier Noron ….). Si il y a une place pour les thérapeutes, il y en a incontestablement une pour les personnes désireuses de pratiquer dans le cadre de l‘animation ou de la relation d’aide, seules ou en association avec des thérapeutes. C’est dans ces options que la formation est orientée.

Les AAA « ne sont pas un métier, mais une façon de travailler ». Reprenant les propos de Renée de Lubersac, pour moi, les formations en AAA ne sont pas professionalisantes en elles même. Mais elles offrent la possibilité de se doter d’une valence complémentaire à sa formation initiale, d’être reconnu dans cette compétence, et d’intervenir ou d’élargir son champ d’action professionnel, associatif. .

La remarque selon laquelle un thérapeute non formé à la médiation animale ne serait pas « capable de percevoir toutes les implications qui peuvent naître de l’interaction ! » me fait bondir (merci car quel exploit, je suis en FR). Mais bien sur qu’il ne va pas tout percevoir ! Qui le ferait ? Quel en serait l’intérêt ? Ce n’est pas la clé de l’efficacité de son job. Son travail est d’être au service d’un projet de soins. Donc de mettre en place sur la base d’un diagnostic des mesures thérapeutiques adaptées, de les harmoniser et d’en assurer le suivi. Naturellement suivant l’intérêt qu’il porte aux actions d’AAA, il sera plus ou moins proche de ce qui se fait et se perçoit, mais ce n’est pas lui qui tient la patte ou le sabot. Ce qui est important en revanche c’est qu’il soit conscient des enjeux, qu’il saisisse les indications, précautions, contre-indications, et surtout qu’il « exploite » au mieux (de façon systémique) le matériel qui peut émerger. Mais ça c’est son boulot quelque soit l’approche. Ce qui sera déterminant, c’est la qualité et l’intentionnalité de la communication thérapeute-intervenant et bien sur la qualité de l’intervenant ! C’est bien notre propos. Le thérapeute travaille avec les outils, méthodes et règles de sa discipline. Si il est motivé, il me semble assez condescendant de ne pas l’imaginer intégrer l’apport des AAA. A nouveau, que se passe t-il aujourd’hui ? Pensez-vous que les gériatres qui accueillent des chiens dans leurs établissements et prescrivent l’AAA déméritent et ne savent pas valoriser cette action ? Lorsqu’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou qu’un enfant mutique depuis plusieurs semaines parle en présence d’un chien, et se resocialise, vous pensez que cela échappe au prescripteur ? Que lorsqu’un jeune avec une IMC associée à des mouvements choréo-athétosiques majeurs harmonise sa gestuelle au contact du cheval, le rééducateur reste de marbre ? Je pense que vous posez un autre problème que celui que vous évoquez : celui de la compétence et de l’ouverture d’esprit du thérapeute. A vous (à nous) de travailler avec les bons.

Je pense que les 3 points précédents répondent aux questionnements sur les aspects thérapeutiques et pro.

Une nouvelle formation. C’est indiscutable. Vous soulignez la diversité des propositions de formation. Cela témoigne de plusieurs aspects 1) c’est dans l’air du temps et comme souvent les choses « cristallisent » simultanément en plusieurs endroits (pour ceux qui ne sont pas « scientifiquement correct », cf la théorie des champs morphiques) 2) les différentes équipes formatrices ont probablement monté leurs projets, sur la base de convictions, et à partir de l’idée qu’elles avaient un message spécifique à délivrer. C’est notre cas 3) le manque de concertation est certain. Mais cela est du à l’absence de structure fédératrice reconnue aujourd’hui pour les AAA. C’est donc une crise de croissance inévitable. Nous verrons dans le temps quels courants ou formations tiennent, se dégagent, collaborent, . . . c’est humain. Notre caractéristique est de regrouper un réseau de compétences (a mon avis unique en France) et de s’inscrire dans une histoire de pratiques et de formations (cf travaux du GERMA en cours). Mes expériences antérieures, m’invitent à essayer pour ce DU, de trouver le ton de la « mise en musique ludique » telle que nous la faisons dans différents enseignements ou stages (AAA et hors AAA). Pour résumer ce point, égoïstement, cette formation est celle dont j’aurais aimé bénéficier. Si cela se fait, je pense que le plaisir sera partagé.

La pratique et le nivellement par le bas ? : Si l’on est réaliste, ce DU sur un an, ne peut donner à lui seul, à une personne totalement « naïve » en matière d’AAA une compétence de terrain. En revanche, pour cette personne, il peut être déterminant pour bien orienter et construire le cursus à venir. Pour une personne expérimentée en matière de relation d’aide ou en éducation animalière, cela peut être la réponse à la partie complémentaire nécessaire à la pratique. Il ne peut donc que s’articuler dans un cursus personnel et professionnel. Donc sur l’expérience acquise et les formations déjà faites ou à venir. Dans une première mouture du projet, un montage de modules complémentaires articulés autour d’un tronc commun avait été envisagé. Cela s’est révélé trop complexe à mettre en place, de même qu’un DIU. Cela est dans les cartons et dépendra de ce que deviendra cette expérience. Par ailleurs, le profil des candidats aux formations est souvent surprenant, beaucoup ont déjà de réelles compétences dans différents domaines. Nous nous sommes donc orienté vers une solution plus souple, plus en phase et plus respectueuse de ce que sont les étudiants potentiels ; le bilan théorique et pratique (via le stage) de façon à valider les acquis et compétences et orienter, si besoin, la personne vers ce qu’elle doit faire pour être opérationnelle au décours du DU. A nouveau la richesse du groupe permet de multiples contacts et opportunités de formations complémentaires.
Les formations spécifiques canines ou équines . . . sont à mon avis de nature procédurales ; il faut pratiquer +++. C’est donc l’expérience acquise (y compris avec ses propres animaux +++), en stage et dans les formations complémentaires éventuelles que cela se passe le plus. Au cours du DU, on partage avec les personnes expérimentés en matière d’AAA.

La pédagogie, les enseignants et la participation des éducateurs. Enfant, je me suis fermement ennuyé à l’école. J’ai eu la chance de faire des études médicale sans trop fréquenter la fac (je finançais mes études et j’étais donc à l’hôpital pas mal de nuits et de WE comme brancardier, aide-soignant, infirmier en plus des stages, des gardes et j’avais aussi d’autres centres d’intérêts). Je me comportait comme une éponge, m’imprégnant de tout pour en faire mon miel et n’apprenais que ce qui me semblait le plus utile (et le plus stratégique pour réussir les examens sans trop me polluer avec des connaissances inutiles). Et surtout, je théorisais sur la (ma) pratique et non l’inverse. Cela influence considérablement ma conception de l’enseignement. Le programme n’est pas le déterminant principal. Deux points doivent être pris en compte prioritairement : « Qui » est l’étudiant ? Quel est le matériel personnel qu’il apporte ? C’est cela qui peut conduire à proposer un chemin vers le contenu de la formation. L’étudiant travaillera donc en amont des sessions théoriques et sera impliqué dans les présentations. Cela change beaucoup la densité des heures passées ensemble et aide à décoder les positionnements et niveaux de lectures face à une réalité partagée. Les intervenants extérieurs participeront à des séminaires thématiques. Ils seront « administrativement » dotés de 2 ou 3h d’intervention, mais il leur sera proposé la co-animation de la journée. Ne vous méprenez pas, il y a des éducateurs et des personnalités très au fait du monde animal, derrière les titres de soignants ! L’aspect de participation des éducateurs est bien sur toujours souhaitable, et il y en à (pas assez), mais il y a déjà plus de 20 intervenants et il y aura des intervenants régionaux du monde animal invités en fonction des opportunités, des complicités et des séminaires thématiques. Quand à la polyvalence, je vous rassure, la formule est exigeante mais souple, si une personne est compétente dans plusieurs domaines, cela sera pris en compte.

Ethique. Quelles garanties ? Contrairement au fonctionnement universitaire habituel le DU est largement ouvert via la validation des acquis, mais il se dote de filtres humains. Il a une sélection à l’entrée, toutes les candidatures ne seront pas obligatoirement retenues, et l’obtention du diplôme est liée majoritairement aux notes de stage et de mémoire. La commission pédagogique est donc responsable du crédit donné aux titulaires des diplômes « mis en circulation » et son intérêt n’est pas d’en galvauder la valeur.

Pour conclure, j’illustre mon propos par un aphorisme que l’on prête à Albert Einstein sur la monodisciplinarité ; « Quand on a la tête en forme de marteau, on voit les problèmes sous forme de clous ». Je m’investi pour que ce DU soit une boite à outils. Pour pouvoir faire avec des jeux utiles, pour de vrai !

J’espère avoir répondu, au moins en partie à vos questions. Je suis naturellement à votre disposition pour échanger plus avant si vous le souhaitez.

 Dr Didier VERNAY

One Response to “Quelques éclaircissements suite aux interrogations sur le DU RAMA”

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    JACQUES SYLVIE
    décembre 22nd, 2010 at 12:09

    Bonjour Monsieur,

    Je suis actuellement en totale reconversion professionnelle et j’ai pour unique expérience l’industrie, le négoce, etc.., des domaines et diplomes qui n’ont strictement rien à voir avec les métiers du soin, du social, de l’aide où je souhaite m’accomplir dans l’avenir par convictions personnelles et vocation. J’ai toujours eu la fibre de l’aide et de l’accompagnement ainsi que l’amour et la passion des animaux. Je suis au regret de constater qu’en fait je ne peux me reconvertir car tous les diplomes existants dont le DU RAMA s’adresse à un public venant déjà du social, soin, etc…J’ai bien compris que ce diplome n’était pas professionnalisant mais alors comment puis je faire pour accéder à un nouvel univers professionnel où je n’ai aucune compétence ni expérience passées ?
    Bien Cordialement.

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