Nicolas Perez janvier - 23 - 2009
avatar

Bonjour,

Je réponds aux commentaires qui ont été faits sur mon article précédent. Ma réponse étant quelque peu longue, j’ai préféré y consacrer un billet.

Avant de débuter, je remercie ceux qui ont participé à cette échange et j’admire la modération des propos de chacun sur un sujet aussi sensible.

Tout d’abord, je re-précise que je ne suis pas un acteur de terrain du médico-social. Ma réponse est donc celle d’un juriste, d’un employeur d’une association et non d’un psy ou autre … Je ne peux donc que difficilement porter un jugement sur le contenu concret des formations.

1 – Si on veut une reconnaissance du « titre »

Petit préalable : n’oublions pas  que la France, contrairement aux pays anglo-saxons, porte une grande valeur aux diplômes, à fortiori ceux qui sont reconnus…

Donc, :

1 – a // Si on veut en faire une profession reconnue à la fois par les employeurs et à la fois par les institutions publiques. Le pré-requis, à mon avis, ne doit pas être une licence mais une master I de psycho qui découlerai sur un MASTER 2 de psychothérapeute . Seul le master  permettrait, au delà de la question de la sélection minimale des intervenants,  d’obtenir un titre professionnel et une grille indiciaire similaire à un cadre catégorie « A prime », seul statut permettant une indépendance «  »hiérarchique » » indispensable au bon accomplissement des thérapies. En deçà, le thérapeute serait le subalterne d’un psychologue, d’un médecin psychiatre …

1 – b // Si on veut en faire une spécialisation, deux solutions :
– soit on passe par un DU donc l’université.
– soit l’état habilite des écoles afin de s’assurer de la pertinence et de la qualité des formations.

Ensuite, vient donc la question des pré-requis pour pouvoir intégrer ces formations.Et là effectivement intervient la question des « ni, ni, ni » ou des « de droit », etc. Sujet sur lequel il m’est difficile de me prononcer, ne pouvant être juge de la pertinence des choix du législateur. Toutefois, j’ai tout de même l’impression que la psychothérapie reste un domaine dans lequel psychologue ou médecin doivent se spécialiser et qu’une reconnaissance automatique ne me paraît pas être des plus pertinente.

Conclusion : De toute façon, profession ou spécialisation le législateur n’aime pas le chaos, ni l’échec, une législation verra donc le jour. Quelle sera t’elle ?? Quand arrivera t’elle ?? Bonnes questions

2 – Ce qui changera dans ma vision d’employeur.

Quel que soit la réponse aux deux questions précédentes, en tant qu’employeur, je dois prendre en compte ces paramètres. Ne pas le faire serait d’une légèreté impardonnable.

Pourquoi ? Lorsque j’ai procédé aux recrutements des futurs salariés de Résilienfance j’ai, bien entendu, demandé que chaque candidat m’envoie un CV + lettre de motivation. Je pense qu’à ce stade j’ai alors réagi comme tout employeur à savoir : trouver le meilleur, celui qui à la plus de qualifications pour le poste.

Donc, dans le futur, si une personne se présente avec à la fois le titre de psychologue et celui de psychothérapeute … je serai forcément plus enclin à lui accorder un entretien que celui qui n’aura qu’un des deux ou pire aucun des deux.

Je ne pense pas qu’un directeur d’institution aura une démarche différente, surtout que ces derniers sont en général au fait de ces avancées réglementaires. Leur choix risque d’ailleurs d’être orienté implicitement par deux phénomènes :
– Tout d’abord, la responsabilité du corps médical est de plus en plus facilement engagée. Or, suite à une faute, celle ci sera plus facile à mettre en jeu si un recrutement de personne aux compétences peu «  »reconnues » » a eu lieu.
– Ensuite, en raison de la culture du résultat qui touche dorénavant tous les secteurs. Par exemple, au sein de Résilienfance, les collectivités territoriales nous demandent d’évaluer la plupart de nos projets ( pertinence, résultats obtenus … ). Or, il est plus facile de justifier un résultat «  » insuffisant » » lorsque l’on a mis de notre côté toutes les compétences possibles…

C’est que j’appellerai la dure loi du marché…

3  – Est ce que cette reconnaissance améliorera quelque chose ? oui et non

3 – a // Oui parce qu’elle éliminera le pire :
– les formations qui ne répondront pas au décret ne pourront plus avoir pignon sur rue.

– les psychothérapeutes en médiation animale qui ne souhaitent pas s’appeler psychothérapeute mais thérapeute par ; avec ; etc ; se verront contraint de s’aligner sur cette nouvelle réglementation.
Pourquoi ?Je me replace en tant qu’employeur avec un exemple : se présente à moi deux personnes un zoothérapeute, ou thérapeute par …  et un psychothérapeute en médiation animale. Le premier n’a pas de formation reconnue le 2nd si, les deux ont une expérience équivalente … Qui vais je choisir ?? Il est plus facile de justifier un budget «  »couteux » » lorsque je le l’appuie sur la nécessité de rémunérer des personnes à hauteur de leur compétence.

– Cela permettra également de faire pression sur les moniteurs d’équitation qui disent proposer de la thérapie par le cheval alors qu’il s’agit en réalité d’équitation adaptée…

Par ailleurs, je citerai l’exemple récent des ostéopathes. Ceux qui n’ont pas reçu leur reconnaissance ont été contraints de retirer leur plaque. La plupart n’est pas rentrée dans le refus de la réglementation mais a demandé à intégrer des formations qui pouvait leur permettre de récupérer leur ancien titre. C’est un phénomène courant quand une activité  vient à être réglementée. Les kinésithérapeutes à leur époque ont connu le même mouvement. Les psychothérapeutes seront touchés de la même manière.

Il est extrêmement difficile, je dirai même impossible, de sortir de la norme quand tout le milieu professionnel auquel nous appartenons s’aligne. En effet, comment résister à un milieu qui ne cesse de déclamer qu’il existe désormais un encadrement réglementaire des titres et formations ? Comment résister aux effets de la presse qui reprendra ces propos lorsqu’elle présentera telle ou telle structure ?

3 – b // Non parce qu’elle risque d’éliminer le meilleur :

– la possibilité pour les personnes « installées » de prétendre au titre risque d’amener la reconnaissance de personnes aux compétences douteuses mais issues de formation conforme au décret ou à contrario,  éliminer des compétences intéressantes mais non issues de formation conformes au décret.

– Les formations «  »longues » » de psychothérapeutes n’auront plus de pertinences par rapport à des plus courtes «  »conformes » ».

Petite parenthèse : quiconque a monté un dossier de subvention auprès d’une fondation ou une collectivité a été confronté à cette problématique des diplômes.

3 – c // Non parce qu’elle ne résout pas tous les problèmes :

– Quid des psychanalystes ??

– Quid des personnes qui ne souhaitent pas faire de thérapie mais de la médiation animale à vocation sociale ou éducative … Aucune formation n’est actuellement prévue pour elle et donc le flou reste entier …

En espérant avoir répondu aux questions posées.

Nicolas

One Response to “Reconnaissance – Quels effets ? ?”

    avatar
    Nicolas E.
    janvier 23rd, 2009 at 14:43

    Bonjour et merci pour cette explicitation de votre point de vue.

    En effet, c’est intéressant de faire la distinction entre le statut (qui intéresse l’employeur et le juriste) et la fonction (qui intéresse le praticien et les patients).

    Effectivement, au niveau statutaire, la réglementation changera les choses pour les psychothérapeutes, en allant dans le bon sens qui est celui d’une reconnaissance et d’une valorisation.
    Toutefois en ce qui concerne les thérapeutes non psychothérapeutes (zoothérapeutes, équithérapeutes, art-thérapeutes, etc.), la loi ne change quelque chose au niveau statutaire qu’à la seule et unique condition que ces thérapeutes souhaitent s’appeler psychothérapeutes. En termes d’employabilité, il s’agit d’un avantage, en revanche pour tous les indépendants (qui sont quand même ceux qui ont pignon sur rue et au contact du grand public), le fait de posséder un statut apporte principalement des inconvénients en termes administratif (flicage de la DDASS, obligations déclaratives diverses, etc.). De même pour les associations ne demandant pas de subvention, les statuts n’apportent principalement que des obligations administratives et des contraintes au niveau des conventions collectives.

    Maintenant en ce qui concerne la fonction, l’histoire se corse et c’est vraiment là que le bât de l’amendement Accoyer blesse.
    Si vous souhaitez embaucher un salarié pour qu’il réalise de la thérapie en médiation animale, quels sont vos options possibles ?
    – soit vous considérez que c’est la formation statutaire qui doit prévaloir, et dans ce cas vous embaucher un psychologue, un psychomotricien, un infirmier, ou demain un psychothérapeute. Mais aucun de ces statuts ne vous garantit un minimum de compétence par rapport à la fonction que vous attendez, car aucun statut spécifique à vos besoins n’existe.
    – soit vous faites prévaloir la fonction, et dans ce cas au mieux vous embauchez un professionnel médico-social formé (en FPC) à la médiation animale, et au pire vous embauchez quelqu’un qui a de l’expérience en médiation même s’il n’a aucune formation particulière. Dans les 2 cas, et alors que la personne a exactement les compétences recherchées et est employée comme thérapeute, vous pouvez tout a fait décider de la rémunérer au smic, la faire cotiser aux seuls régimes de retraite et de santé obligatoires, l’asservir à toutes les basses besognes de votre structure ne relevant pas de sa compétence et lui refuser toute indépendance dans son exercice professionnel. Pas de cadre réglementaire concernant le travail de ces gens n’entrant pas dans les conventions collectives, le cadre est « librement » négocié entre l’employeur et l’employé au moment de la signature du contrat de travail.

    Ceci reste un exemple parmi bien d’autres du problème que représente l’écart entre le statut et la fonction. Et c’est cet écart qui nous fait dresser les chevaux sur la tête quand on entend le législateur définir aussi maladroitement la fonction qu’il entend valider à travers le statut de psychothérapeute, fonction qui correspond d’après moi à une activité assez éloignée de la réalité du terrain.
    A mon avis, l’amendement et ses suites nous amènent vers une sorte de lissage qui efface d’un coup de gomme toutes la diversité et les spécialisations indispensables à l’exercice de la thérapie, qui plus est en prenant des références post-humanistes basées sur le développement de connaissances plutôt que sur l’acquisition de qualités humaines. Les psychothérapeutes ne sont-ils pas les derniers professionnels à travailler sur la base de ce qu’ils sont et éprouvent eux-même plutôt que sur la base de ce qu’ils savent ou croient savoir ?
    Et ça, à moi qui suis psycholoque diplômé d’université, psychothérapeute formé essentiellement par l’expérience clinique et équithérapeute formé par formation continue, ça me questionne relativement à notre projet de réglementer les thérapies à médiation : devrons-nous changer notre pratique pour la réglementer ou bien n’est-ce pas plutôt le rôle du législateur que de rédiger des lois adaptées aux pratiques ?

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale