Aujourd’hui, je vous partage une expérience vécue pendant la période particulière du confinement dans le cadre de mon travail.

Je suis engagée dans une institution qui accueille des personnes en situation de handicap mental. En temps normal, j’accueille avec ma collègue une dizaine de personnes chaque semaine dans un atelier qui détient des animaux. Notre travail, avec les bénéficiaires, est de prendre soin des animaux et les animaux prennent soin des gens. Une jolie boucle de « care » se joue chaque jour.

Les bénéficiaires qui viennent dans cet atelier l’ont choisi et nous pouvons effectuer un suivi de qualité avec des objectifs individualisés pour chacun.

COVID-19 oblige, tout a changé… L’atelier a d’abord été fermé pour les bénéficiaires pendant 2 mois et demi. Je vous rassure pendant deux mois et demi les animaux ont été pris en charge et les professionnels des ateliers ont été dispatchés dans les lieux de vie pour prêter main forte aux éducateurs.

© Photo Sandra Massy

Puis, nous avons pu rouvrir mais sous une nouvelle forme dès le mois de juin. Nous avons accueilli, jusqu’aux vacances d’été, tous les lieux de vie de l’institution, par demi-journée, afin de permettre à l’institution une reprise en douceur tout en limitant les contacts entre les différents lieux et personnes au sein même de l’établissement.

Ce fut une période riche, car cela a permis à beaucoup de monde de découvrir notre atelier et de mon côté, j’ai aussi pu découvrir plein de nouvelles personnes.

Mais si je prends mon clavier pour vous raconter cette expérience, c’est que parfois tous ces changements ont aussi créé des difficultés chez certains…

En effet, pour certaines personnes le fait d’arriver dans un lieu inconnu avec des animaux peut générer des peurs ou des angoisses.

Ce fut le cas d’un monsieur, qui avait très envie de venir mais qui était dans le même temps très angoissé.

Il se réjouissait de venir voir les chevaux afin de pouvoir « monter ». Manque de chance, nous avons des minis-poneys. Je me suis de suite mise dans une posture de devoir « gérer » ce monsieur et ses envies tout en devant gérer aussi les animaux…

Il est arrivé en parlant non-stop, sans entendre ce que je souhaitais lui dire. J’ai accueilli mon sentiment d’impuissance face à son état et je me suis mise à l’écoute de ce qui se passait. Nous sommes descendus vers les ponettes et il s’est dirigé vers les deux mini juments en voulant monter dessus. Une des ponettes l’a alors gentiment bousculé… pour lui signifier son désaccord. J’ai alors proposé au monsieur de se poser sur une chaise, afin de prendre le temps de s’accorder émotionnellement aux animaux, de leur « dire bonjour ».

Je me suis installée avec lui et je me suis posée dans mon monde intérieur, en créant un espace de paix et là, miracle, la ponette est venue vers ce monsieur et s’est positionnée à ses côtés. Il a pu la caresser et se connecter à l’instant présent au travers de la présence des ponettes, qui lui ont fait un pont vers cet espace où l’on a juste à être.

Ce moment a duré plus d’une heure, ce qui a permis à cet homme de vivre une parenthèse de calme dans sa journée, car il est malheureusement depuis le début du COVID et des mesures prises, dans l’angoisse de savoir ce qui va se passer et personne ne peut lui répondre, car personne n’a de réponse.

J’ai vécu ce moment avec beaucoup de gratitude pour les juments qui ont su nous guider et nous accueillir dans leur éternel moment présent, avec beaucoup de générosité. Gratitude aussi face à cet homme qui a pu s’ouvrir au moment présent.

© Photo Sandra Massy

J’ai appris ce jour-là qu’en acceptant mon impuissance et en acceptant aussi l’incertitude, je peux néanmoins apaiser mon état intérieur.  Je dispose alors d’une ouverture à vivre des moments de grande paix, malgré le chaos extérieur en englobant même les personnes les plus proches !

Sandra MASSY

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