Marine Grandgeorge mars - 6 - 2012
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Il y a quelques temps, nous allions à la rencontre d’une association portugaise qui propose de la médiation asine… Aujourd’hui, Marine nous invite à poursuivre notre tour d’horizon européen en découvrant ce qui se fait au Pays-Bas en matière de ferme thérapeutique! Bonne lecture! Sandie Bélair

Contexte

En France, des fermes se développent vers un accueil du grand public: camping, chambres d’hôte, accueil des écoles, pédagogie et même structure pour thérapies. Dans de nombreux pays européens, un tel phénomène est observable et il est intéressant de comprendre comment cela se passe hors de France. C’est ce que je vous propose de découvrir aux Pays-Bas, comme je l’ai fait en lisant ce récent papier: R.T. Ferwerda-van Zonnevelda, S.J. Oostingb, A. Kijlstraa (2012) Care farms as a short-break service for children with Autism Spectrum Disorders. NJAS – Wageningen Journal of Life Sciences.

Aux Pays-Bas, cette dernière fonction de structure pour thérapies a pris un essor fulgurant ces dernières années: 75 fermes en 1998 pour arriver en 2007 à 605 établissements. Cette année là, seule un tiers des fermes accueillait des enfants avec autisme; en 2010, il en est recensé plus de deux-tiers. Il existe une claire volonté de s’appuyer sur le lien à l’animal pour améliorer les compétences des enfants avec autisme. En effet, différentes études ont mis en évidence que les interactions entre Homme et Animal peuvent donner un sentiment de sécurité, de réconfort et d’amusement ainsi qu’une possibilité d’exprimer de l’affection.

On peut mettre cela en parallèle avec les besoins des enfants autistes: offrir de l’attention, de la structure, de la clarté, de la prédictibilité, de la sécurité, de l’espace et de la tranquillité (e.g. Schopler et al 1971; Vermeulen, 1998). L’expérience suggère clairement que le bien-être de ces enfants dépend de leur environnement social et physique (Wehman, 1998): celui-ci doit être prédictible et constant (Parsons et al, 2004)

Etude

Dans ce travail de recherche, les auteurs ont souhaité évaluer l’expérience de sept responsables de ferme avec animaux (dites « care farm ») afin d’identifier les caractéristiques qui répondent aux besoins des enfants avec autisme, aux rôles des animaux et aux préoccupations de ces responsables.

Description des fermes

Quatre d’entre-elles ont gardé leur vocation agricole première, la femme de l’agriculteur est alors la responsable de la partie « thérapeutique ». Les trois autres ont fait de leur activité thérapeutique leur « business » principal. De façon anecdotique, il est dit que les enfants plus âgés préfèrent les fermes qui gardent une vocation agricole alors que l’inverse est rapporté pour les plus jeunes.

Ce que les responsables mettent tous en avant comme points positifs dans ce type de structure pour les enfants avec autisme: l’espace, le rythme et le sentiment de paix/sérénité. La rythmicité des journées – traite des vaches, emmener les animaux au pré, nettoyage… – procure une prédictibilité er une sécurité aux enfants. En outre, les parents préfèrent des petites structures pour leurs enfants, pour un meilleur encadrement. Mais il est intéressant de noter que les responsables de structure n’ont pas la même perception de ce qu’est une « petite structure »: d’un éducateur pour 1 à 2 enfants jusqu’à un éducateur pour 6 enfants!

Caractéristiques des responsables

Outre le fait qu’il s’agisse fréquemment des femmes des agriculteurs, il est intéressant de noter que leurs profils professionnels sont très variés: employé de supermarché, infirmier, manager, secrétaire, instituteur, thérapeute… avec des niveaux de formation très différents dans l’autisme. Certains s’appuient sur leur expérience personnelle (i.e. parent d’enfant avec autisme), d’autres se sont formés sur le terrain alors que certains ont reçu une formation spécifique ou se sont documentés par eux-mêmes. De ces expériences sont nées des mises en pratiques dans la ferme. Par exemple, un responsable explique avoir mis en place un système de communication par pictogramme (de type PECS) dans sa structure.

Place des animaux

Toutes les fermes n’avaient pas des animaux avant de devenir « care farm ». Ainsi, des animaux ont été adoptés à cette fin (voir graphique). Le plus fréquemment, on retrouve les chiens et les équidés (cheval et poney), suivi des animaux typiques de ferme comme les moutons, les poules, les chèvres, les lapins.

Graphique représentant le nombre de ferme (n=7 au total)ayant adopté au moins un individu de chaque espèce

 

Selon les responsables, la préférence des enfants avec autisme pour un animal ou une espèce est très variable. Ils expriment l’idée que les animaux qui « répondent » positivement à l’enfant (e.g. contact physique) ou le « récompense » pour ses soins et son attention (e.g. par des œufs, du lait) sont plus souvent préférés. L’animal est choisi de façon intentionnelle, avec un but précis, dans une activité précise. Ci-dessous, voici une liste non exhaustive des activités recensées :

– observer, toucher, parler et apprendre des animaux (e.g. étapes de la vie),

– se balader à cheval/poney ou thérapie assistée par le cheval

– s’occuper des animaux (e.g. brosser les chevaux, promener le chien),

– amener des animaux au pâturage et aux écuries,

– nettoyer les étables,

– ramasser les œufs, etc

 

Préoccupations des responsables des structures

Tout n’est pas aussi simple qu’il n’y parait et cette partie de l’étude le met en évidence. En effet, les responsable de ces structures ont diverses préoccupations, dont, en priorité, celle du manque de connaissance de l’autisme, des problèmes comportementaux associés et des conséquences que cela peut avoir. Certains citent l’exemple d’enfants qui ont été transférés dans une autre structure parce que la personne qui l’encadrait ne savait pas comment réagir face à certains problèmes de comportement. Au lieu de vivre une expérience positive, un enfant dans une telle situation est exposé à une autre expérience négative.

Ils expriment aussi une autre préoccupation majeure : la pression de développement. Ils sont tiraillés entre le besoin économique, le maintien de la taille de leur ferme, les besoins des enfants avec autisme et le souhait de leurs parents. En effet, les connaissances du personnel et une structure de petite échelle sont considérés comme ayant un effet positif sur la qualité des soins. Les responsables de ces structures veulent continuer à offrir des soins de qualité tout en gagnant leur vie.

La dernière préoccupation qui a pu être exprimée par plusieurs personnes dans ces interviews concerne les zoonoses qui peuvent avoir des conséquences pour les soins pour les enfants. Tous les responsables interviewés sont conscients de la nécessité de protocoles d’hygiène dans leurs fermes

Conclusion

Bien que cette étude n’ait été réalisée que dans sept établissements aux Pays-Bas, elle montre qu’ils sont progressivement intégrés à la chaîne des soins des enfants avec autisme et met en évidence des caractéristiques spécifiques. Premièrement, le responsable est d’une grande importance pour les enfants ainsi que pour leurs parents. Il propose la structure, la clarté et la prévisibilité dans les activités de la journée. Deuxièmement, la nature de la ferme est importante, car elle fournit un environnement sûr offrant un espace, un rythme et une tranquillité. Enfin, la diversité des animaux qui interagissent avec les enfants est un ingrédient essentiel du succès de l’établissement, le chien et le cheval étant fréquemment utilisés pour la médiation thérapeutique.

Il faut savoir que ce type d’activité dans les fermes est possible aux Pays-Bas grâce à un système qui offre une compensation financière à l’agriculteur sans imposer une sollicitation financière importante aux familles des enfants participants. Depuis que le gouvernement a mis en place ce budget spécifique, les parents ont la possibilité de choisir entre des formes régulières et parallèles de soin. Les fermes et autres installations avec des animaux ont rapidement gagné en popularité (cf croissance du nombre de fermes de soins recensées au cours de la dernière décennie).

Nous pouvons espérer que d’autres études compléteront ces premières données, notamment sur les aspects de difficultés rencontrées et les réponses apportées, appuyés par des observations directes ou des interviews des enfants avec autisme (si leur niveau le leur permet) ou de leurs accompagnateurs.

Pour en savoir plus:

Le résumé est disponible en ligne ici: http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1573521412000024

Au Portugal: « Orelhas Sem Fronteiras » ou la médiation asine au Portugal!

Marine Grandgeorge

5 Responses to “Les fermes thérapeutiques accueillant des enfants avec autisme aux Pays-Bas : quel fonctionnement?”

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    Johan de Vlugt
    septembre 2nd, 2014 at 15:17

    Bonjour Madame, je vous remercie de votre article. Depuis 2002 nous avons une organisation, comparable de que vous avez écrit. Deux cents jeunes, avec autisme,adhd etc. avec soixante accompagnateurs (inclusif employés, étudiants et des volontairs). Maintenant nous avons l’idée à commencer une petite ferme thérapeutique dans la région de Lot et Garonne. Vous pouvez m’aider trouver information sur les fermes thérapeutiques en France? cordialement, johan de vlugt.

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    Déborah
    juin 11th, 2015 at 14:40

    Bonjour monsieur de Vlugt. Je me permets de vous écrire ici afin de vous exprimer mon souhait de travailler dans cette ferme (votre projet du lot et Garonne). Pouvez vous me contacter s’il vous plait.
    ds31mai@gmail.com
    Par avance, merci de votre réponse.
    Bien à vous.

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    carole
    avril 4th, 2016 at 10:13

    Bonjour

    je suis actuellement en formation d’éducatrice spécialisée dans le Lot et Garonne et j’effectue mon stage à responsabilité dans une structure accueillant des jeunes et ado autistes. Mon compagnon a une exploitation agricole bio ( vergers, raisin, céréales, poules, moutons) et je souhaiterai aussi me rapprocher de personnes ayant ce projet afin d’avoir une peu plus d’information et pourquoi pas se rencontrer.
    voici mon mail: ckcarole2000@yahoo.fr
    A bientôt,
    Carole

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    Anne-Laure de Chalup
    janvier 15th, 2017 at 14:03

    Bonjour, je suis journaiste et je m’intéresse tout particulièrement aux fermes thérapeutiques. À ce titre, j’aurais aimé connaître le nom de la ferme om vous vous êtes rendus. En effet, j’aimerais à mon tour m’y rendre et y faire un reportage.
    Je vous remercie d’avance,
    Cordialement,

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    Sandie Bélair
    janvier 31st, 2017 at 18:17

    Contactez Marie Grandgeorge via l’association Licorne et Phénix. Merci!

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