Rédacteur invité août - 3 - 2011
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Souvenez-vous, il y a quelques mois, l’association Médi’âne organisait sa 14ième rencontre: L’animal dans un travail de lien social.

Cette rencontre en médiation asine a connu un vif sucés:  19 personnes étaient présentes dont 11 professionnels de divers horizons et 8 professionnels du réseau Médi’âne. Une semaine de formation et d’échanges sur la pratique avec notamment une ouverture culturelle puisque des professionnels du Québec, de la Suisse, du Portugal et la Belgique  y participaient.

Liesbeth Bronswik, notamment, de l’association portugaise Orelhas Sem Fronteiras a apporté un témoignage très intéressant sur son travail; il mêle revalorisation de l’âne, de la culture portugaise autour de l’âne et développement d’activités en médiation asine auprès d’un public « à nécessité spéciale », terme utilisé au Portugal pour les personnes en situation de handicap.

Curieuse et très sensible aux échanges culturels, j’ai donc demandé à Liesbeth, via Médi’âne (merci à eux), de venir nous parler de son travail!

Allez c’est l’été, vous avez bien un peu de temps pour lire ce témoignage qui permet également de nous évader dans les contrées portugaises! Victor Hugo disait: « Lire, c’est voyager; voyager, c’est lire »… Alors je vous invite à voyager un peu! Pour ma part, je suis séduite et je serais bien tentée par un petit séjour au Portugal pour aller à la rencontre de nos collègues portugaises… Merci Liesbeth pour ce témoignage (et merci aux traducteurs!)

Sandie!

Orelhas sem Fronteiras?

L’association Orelhas sem Fronteiras a été fondée par 3 femmes autour de leur passion commune pour l’âne: Sofia Von Mentzingen, Inge De Haan et Liesbeth Bronswijk. A cette passion, s’est liée notre sensibilité à la nature, au monde animal mais également à celle de l’homme, nous avons toutes trois une formation dans le sanitaire. Notre association est développée sur trois sites, au sud-ouest du Portugal, Sofia à Aljezur « Quinta das Amoreiras », Inge à Barao de S. Joa « Quinto O Galo » et moi je suis à Sargaçal « Quinto do Barco Cheio ».

 

 

Orelhas signifie oreilles en Portugais.

L’âne a une grande capacité auditive, il entend de très très loin, ses oreilles sont comme des antennes, leurs mouvements sont un langage et nous renseignent sur leur état et situation. Orelhas, c’est donc pouvoir entendre même de très loin, au sens figuré comme au sens propre, et de manière symbolique, c’est se mettre en écoute à la fois sur le plan sensoriel et émotionnel.

Sem Fronteiras, sans frontière terme phonétiquement très proche de la langue française, symbolise le mélange culturel, la diversité, les différences.

Nous ne sommes pas d’origine portugaise mais vivons au Portugal, nous parlons plusieurs langues. Nos ânes viennent de différentes régions portugaises mais aussi d’autres pays.

Avec les animaux, la barrière des langues s’atténue, comme la difficulté de mises en mots, du sens des mots. Le langage verbal est moins prédominant, notre rapport de communication s’élabore d’avantage dans une sphère infra-verbale avec l’animal qui nous renvoie d’avantage sur nos gestes, nos mouvements, nos postures, nos attitudes, notre tonicité …

 

 

 

Nous souhaitons une ouverture à la diversité des publics à qui nous proposons les activités asines développées sur nos structures. Nous avons, également, la volonté de partager nos connaissances et pratiques en médiation animale, ici chez nous, mais aussi ailleurs vers d’autres pays.

Déjà ce partage et cette ouverture sont une réalité pour nous, puisque nous avons voulu rassembler nos énergies autour de la singularité de nos projets avec les ânes. Un point d’ancrage nous rassemble, cette attirance pour l’âne et notre volonté à lui redonner une place au côté de l’homme auprès de qui, il a une très longue histoire.

En Algavre, région portugaise où nous sommes, l’âne travaillait aux tâches agricoles mais la mécanisation des outils a mis en péril son existence, l’âne était en voie d’extinction comme dans le Miranda. Aussi, outre le fait de redonner à l’âne une fonction au côté de l’homme, il s’agit aussi pour nous de pouvoir le recenser dans la zone géographique où nous sommes, de pouvoir lui apporter des conditions de vie sanitaire et environnementale nécessaire à son existence, en tant qu’animal domestique.

Notre expérience et notre vie au côté de l’âne, nous ont fait pressentir qu’au-delà des promenades pédestres, en attelage ou en monte, il se construisait avec cet animal une relation spécifique de réciprocité entre lui et la personne qui s’en occupe.

© Photo Orelhas Sem Fronteiras

L’âne attire par son physique et laisse rarement indifférent. Est-ce du à son aspect physique ? La forme de sa tête où tout est agrandi oreilles, yeux, nez, bouche … ? Certains le pensent … Est-ce du à son comportement, son attitude curieuse, ou encore son mode d’approche qui ouvre très rapidement au contact et offre la possibilité d’un espace relationnel singulier ? D’autres l’expriment …

Au fur et à mesure de notre pratique, nous avons observé que toute sorte de public pouvait être sensibilisé à ce que l’âne peut renvoyer et développer par son contact, ses attitudes comportementales et ses interactions avec l’humain. Nos propositions d’activités avec l’âne touchent aussi bien des personnes fortement inhibées, porteuses d’un handicap, de troubles de la personnalité, de la communication, quelles soient enfants, adultes ou personnes vieillissantes.

© Photo Orelhas Sem Fronteiras

Notre parcours, nous a amenées à nous intéresser au travail développé par l’AEPGA, association portugaise pour l’étude et la protection des troupeaux asiniens créée par Miguel Novoa en 2001. Située au Nord Est du Portugal, l’AEPGA œuvre à préserver l’âne mirandais et toutes les traditions populaires rurales où il était présent. Ses actions ont permis de créer un conservatoire de la racine asine, de faire reconnaître officiellement celle du Miranda et de développer la médecine vétérinaire spécifique à l’âne mirandais. Des festivals sont organisés pour redonner vie aux traditions rurales et villageoises. Les projets éthologique, culturel, social et touristique de l’AEPGA attirent de nombreux étudiants de compétences différentes qui viennent de tous pays alimenter ce travail. Souhaitant revaloriser la place de l’âne auprès de l’homme, les caractéristiques spécifiques de l’âne du Miranda ont ouvert des perspectives pour l’AEPGA d’activités asines auprès de personnes à nécessité spéciale (terme utilisé au Portugal pour signifier la situation de handicap).

C’est dans le cadre de journées en asinothérapie organisées par l’AEPGA, qu’en 2006 nous avons rencontré l’association française Médi’âne qui propose également des temps de travail et de réflexions sur les activités en médiation asine.

Toutes ces rencontres ont fait écho à ce que nous pouvions projeter avec nos ânes : contact, mise en lien, portage, mobilisation, randonnée …. Depuis nous développons un travail en asinothérapie.

 

Orelhas sem Fronteiras en pratique!

L’espace de travail de Sofia s’élabore spécifiquement autour de la randonnée, de durées variables selon les projets et thématiques développées comme celle de la marche en pleine lune, en silence …. Elle a une grande expérience auprès de personnes ayant le syndrome d’Asperger. Inge travaille également avec le support de la randonnée sur des projets en coaching depuis deux ans.


© Photo Orelhas Sem Fronteiras

 

Il n’est pas encore facile de faire reconnaître officiellement au Portugal, le travail en âsinothérapie comme moyen d’accompagnement ou de soin auprès de personnes à nécessité spéciale.

Mais cette prestation est tout de même mentionnée sur la liste des activités à l’institut NECI ( Nucleo Educativo de Criança Inadaptada ) avec laquelle je travaille depuis deux ans.

Les personnes accueillies aux cours des activités avec les ânes présentent des handicaps multiples qui nécessitent une co-animation. Aussi je m’entoure dans mon travail de personnes ayant une expérience auprès de publics ayant une restriction (handicap) et de stagiaires en asinothérapie.

Afin de faire connaître nos activités en asinothérapie, nous sommes allés présenter notre travail dans les institutions. Ces démarches ont permis la collaboration active de professionnels psychologues, paramédicaux ou encore de l’aide sociale, et sont d’un grand apport pour la situation et les besoins de la personne bénéficiant de l’activité en asinothérapie.

La base des propositions se construit autour d’habitudes, de rituels d’espace, de temps et de mobilisations. Les ânes adhèrent à cette rythmicité reconduite qui permet aux personnes la pose de repères et ouvre, au fur et à mesure des séances, à un espace possible d’initiative et d’autonomie de situation. Lorsque la personne investit les propositions de manière épanouissante et créative, incorporer de la différence à ces habitudes de fonctionnement, entrouvre d’autres espaces d’exploration élargissant l’expérimentation, la connaissance de soi dans un contexte nouveau.

Le contact avec les institutions sont précieux à installer car le vécu des séances avec les ânes peut avoir des répercutions au quotidien et ce lien permet de bonnes évolutions dans le travail proposé.

Nous faisons le projet d’un travail en milieu scolaire auprès d’enfants ayant des difficultés d’apprentissages, voir de restriction (handicap). L’objectif des propositions d’activités avec l’âne est de pouvoir créer un espace sensoriel et de contact, de structuration et de bien être ouvrant la voie à des apprentissages pouvant se décliner dans la situation scolaire.

Nous développons également de façon régulière un travail auprès de personnes âgées en maison de retraite. Nous avons présenté au personnel les possibilités de contact et de mobilisation avec l’âne sur lesquelles pouvait s’allier un travail de stimulation à la mémorisation. Au Portugal, les personnes âgées ont souvent eu un vécu conséquent au quotidien avec l’âne. Un atelier « Alforge de Memorias » (sac à souvenirs) s’est construit. Il est porteur de contact, de mise en lien, de communication, d’ouverture relationnelle et interinviduelle venant rompre l’isolement et libérant la parole au travers de souvenirs recontactés. C’est un moment de travail intense, apprécié par les personnes où l’âne fait preuve de ressources inépuisables.

 

© Photo Orelhas Sem Fronteiras


La désertification et la mécanisation de l’espace rural portugais a peu à peu, fait perdre la place de l’âne au côté de l’homme. En Algarve, c’est une vie entière d’homme, que l’âne côtoyait au quotidien, 35, 40 ans de vie, de travail et de liens sociaux.

© Photo Orelhas Sem Fronteiras

Aujourd’hui, il nous semble important de montrer et développer un travail alternatif possible avec l’âne et lui redonner une place utile auprès de l’homme, son compagnon de longue date, celui en asinothérapie est l’une des voies possibles pour l’âne.

Liesbeth Bronswijk

Texte traduit par J. Vets et mis en forme au niveau du sens par M. Séverin Association Médi’âne. Merci!

 

Pour en savoir plus:

Le site internet de l’association Orelhas sem Fronteiras

Les contacts des professionnels de l’association:

-Inge: baraoburros@gmail.com

– Sofia: burros.artes@gmail.com

– Liesbeth: barcocheio@gmail.com

AEPGA – association portugaise pour l’étude et la protection des troupeaux asiniens

Le site internet de l’association Médi’âne

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