Natacha Darduin octobre - 4 - 2011
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Nous voilà repartis pour une petite interview et une jolie découverte! Très impressionnée par le travail de Sylvie Mckandie, il me paraissait essentiel de le mettre à l’honneur sur le blog. J’ai donc demandé à Natacha d’aller à sa rencontre et je suis ravie de publier ce billet aujourd’hui! Bonne lecture! Sandie

Nous savons comme il peut être parfois difficile d’introduire nos animaux médiateurs au sein de structures spécialisées. Il faut souvent faire preuve de ténacité, d’ingéniosité et de créativité afin d’élaborer des ateliers adaptés aux bénéficiaires. Sylvie Mckandie a réussi avec talent en développant un outil qui, selon moi, va s’avérer précieux pour les professionnels pratiquant la médiation animale. Je n’en dis pas plus et vous laisse découvrir son parcours et la richesse de son expérience.

Bonjour Sylvie, pourriez-vous vous présenter ?

Après avoir exercé différents métiers dans le médico-social ayant tous comme point commun le rapport à la langue et la relation d’aide, je suis aujourd’hui orthophoniste dans 2 associations de Grenoble. J’ai le grand bonheur depuis plusieurs années de pouvoir intégrer la médiation animale à ma pratique. J’ai commencé avec les chevaux puis je travaille maintenant également avec mes chiens. Par ailleurs, je propose également des séances comme intervenante en médiation animale pour différents publics.

Côté loisirs, j’aime arpenter la nature avec mes 4 chiens. Avec eux, je marche et cours beaucoup en montagne. Et dès les premières neiges, c’est en traîneau que nous partons en randonnée.

J’aime également « apprendre » sur tout ce qui concerne mes compagnons à 4 pattes et c’est ainsi que j’ai intégré une formation d’éducateur canin puis de comportementaliste.

 

© Photo Sylvie Mckandie

Vous avez participé à la première promo du DU RAMA à l’université de Clermont-Ferrant. Pourquoi avoir intégré la médiation animale à votre pratique ?

Tout a commencé à la fin des années 70 pendant mes études d’orthophonie à la Pitié Salpêtrière. Hors de la fac, je passais la majeure partie de mon temps à cheval ou avec les chevaux. Une amie, inscrite à la même université mais en psychomotricité m’a alors parlé de Mme de Lubersac, d’Hubert Lallery et de la « Rééducation Par l’Equitation » ce qui a immédiatement fait écho en moi. Quelques années plus tard j’ai pu participer à l’une des premières formations sur ce sujet. Mme de Lubersac en était l’une des intervenantes, quel bonheur ! Puis mes expériences professionnelles se sont diversifiées mais cette idée d’intégrer les chevaux à ma pratique est toujours restée dans un coin de ma tête.

C’est à l’IME où je travaille actuellement que le projet a vu le jour, mon objectif étant de pouvoir travailler avec un petit nombre de jeunes en grande difficulté de communication et langage mais pour lesquels une prise en charge orthophonique classique semblait inenvisageable car trop intrusive.

Avec les chevaux, par l’intérêt, les émotions, la sensorialité, les questions qu’ils suscitent, il a été possible d’entrer en relation puis de travailler avec ces jeunes sans toutefois les aborder frontalement dans leurs difficultés spécifiques de langage.

Parallèlement à mon activité professionnelle j’ai souhaité ensuite découvrir et utiliser plus largement la médiation animale et je me suis engagée dans une association pour m’y former et y travailler avec mes chiens.

Quelques années plus tard et consécutivement à ma pratique d’intervenante en médiation canine dans un cadre associatif, d’autres projets à médiation animale ont pu naître, cette fois dans les murs de l’IME avec le concours de mes chiens Pouchka, Fara et Eskimo.

 

Dans le cadre du DU vous avez effectué un mémoire qui a été remarqué par l’équipe pédagogique, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Mon mémoire décrit et analyse un outil que j’ai créé pour intervenir en AAA (Activités Associant l’Animal) avec les chiens.

Il s’agit du « jeu de Pouchka et cie» qui est un jeu de société sur la thématique canine. Son originalité consiste dans le fait qu’on fait appel aux chiens pour certaines épreuves. Ce jeu est très adaptable dans la mesure où l’on choisit les questions et épreuves de jeu en fonction de son public et des domaines que l’on veut travailler avec lui.

 

Le fait de donner un versant ludique aux ateliers de médiation animale grâce à la création de votre jeu : « Pouchka et Cie », avec tout ce que la symbolique du « jeu » comporte, vous a-t-il permis de soulever des éléments différents d’un atelier à médiation animale plus classique ? Si oui, sur quelle population et quels résultats avez-vous obtenu ?

Le « jeu de Pouchka et Cie » a été expérimenté dans 3 types de structures : en IME auprès d’enfants ou adolescents présentant une déficience intellectuelle moyenne ou/et des troubles envahissants du développement, dans des maisons de retraite avec des groupes parmi lesquels certaines personnes commençaient à développer la maladie d’Alzheimer et enfin dans un lieu de vie accueillant des enfants ou adolescents en difficulté sociale et/ou familiale.

Nous avons noté certains intérêts ou avantages à cette alliance du jeu de société et de la médiation animale par rapport à un atelier classique .

Le premier point me paraît concerner le bien être des chiens. Dans le « jeu de Pouchka », on ne sollicite le chien que pour certaines épreuves, le reste du temps, il est sur son tapis. Les chiens ne sont donc pas au travail en permanence et c’est ce qui fait que quand ils interviennent, ils le font avec d’autant plus de gaieté. De plus, s’il arrive qu’un jour le chien n’a pas envie de participer, la séance peut avoir lieu quand même avec la présence du chien mais en laissant de côté les épreuves faisant appel à lui ce qui peut permettre de travailler sur le respect du vivant.

A l’IME, le jeu nous a permis de relier l’affectif, les émotions (apportés par le chien) et les apprentissages (par les questions et épreuves du jeu) que nous avons pu ancrer ainsi plus profondément.

Toujours à l’IME, nous avons expérimenté l’intérêt d’une « double médiation » (le chien et le jeu) : le déroulement du jeu impose une alternance entre des moments où on est en relation avec le chien et des moments où on est autour de la table et des cartons de jeu. C’est évidemment la présence du chien qui donne tout son sel à la séance et qui donne envie de participer mais chez certains la proximité avec le chien peut occasionner des débordements émotionnels importants (liés au plaisir, à la peur ou aux deux !) Pour ceux là, les moments de jeu autour de la table et le chien mis à distance permettent de se recentrer, de canaliser les émotions.

A l’inverse, nous avons pu travailler avec des jeunes en difficulté d’apprentissage, évitement de la pensée, peur de l’échec. Ces jeunes, de par l’intérêt qu’ils portent au chien ont fait preuve de compétences qu’ils ne nous avaient jamais données à voir. Nous les avons vus participer, réfléchir, mémoriser et restituer des connaissances sans même s’en apercevoir !

Dans les maisons de retraite l’utilisation du jeu a permis d’instaurer une dynamique groupale positive. Ce jeu, grâce à la présence des chiens, a ouvert un espace dans lequel nous avons partagé l’envie, le plaisir de jouer et d’être ensemble . De plus, nous avons observé une reprise de confiance en eux, une réassurance de la part des bénéficiaires suite à leur réussite aux questions ou épreuves du jeu… la preuve qu’ils étaient encore capables de….

Enfin, au Lieu de vie, deux éléments nous ont semblé plus pertinents : tout d’abord la possibilité d’utiliser le jeu pour amener les jeunes à faire un travail sur eux à travers l’animal. Ceci est possible à partir de certaines questions des épreuves « expression » (conçues pour amener les jeunes vers une élaboration psychique) ou encore à travers les épreuves « faire avec le chien »( qui nécessitent d’entrer en relation avec lui, d’apprendre à dire non, à être plus doux, etc… ). La seconde utilisation que nous privilégierions au Lieu de vie serait « le jeu de Pouchka comme support de la relation » entre jeunes ou jeunes et adultes. En effet, jouer ensemble est moins menaçant qu’un contact direct et permet de se rencontrer. De plus, le chien est là…..encore l’idée de la double médiation…..

 

Votre jeu de société « Pouchka et Cie », permet également de travailler sur le groupe, qu’avez-vous pu observer à ce niveau ?

Comme je vous le disais précédemment, l’utilisation de ce jeu a impulsé une dynamique de groupe très positive :
– tout d’abord parce que c’est un jeu de société et qu’en tant que tel il a une valeur sociale ; il relie symboliquement tous les membres de la séance autour des chiens et d’une activité commune. Il donne à chacun une place dans le groupe (presque une identité) : chaque bénéficiaire n’est plus un individu isolé mais un joueur d’une partie en train de se dérouler
– la structuration de l’espace (assis autour d’une table) et du temps (chacun son tour) facilite les échanges, les interactions de toutes sortes
– certaines questions du jeu amènent à parler de soi (si on le veut bien) et c’est un partage, un « cadeau » que l’on fait alors au groupe
– les questions et épreuves permettent aux joueurs d’arriver à se respecter et à se reconnaître les uns les autres des compétences.
Au cours de ces séances ce qui est dit est dit à l’ensemble du groupe et ce qui est fait est fait devant et pour le groupe, souvent avec les commentaires amusés et bienveillants des uns et des autres. L’installation de cette dynamique de partage entre les humains, autour des chiens et grâce à eux nous a semblé être grandement facilitée de par l’utilisation du jeu.

 

Nous savons que l’évaluation d’un atelier à médiation animale peut être un exercice difficile, cela dépend de la méthode que nous appliquons, de l’animal avec lequel nous travaillons, du bénéficiaire et de son attrait pour l’animal mais également de notre formation professionnelle et ainsi la visée de notre pratique : thérapeutique, pédagogique, éducative, de loisirs … Avez-vous rencontré des difficultés dans l’évaluation de votre travail ?

J’ai voulu dans ce mémoire mettre en évidence en quoi cette alliance du jeu de société et de l’animal est intéressante. Pour ce faire, je me suis appuyée sur l’évaluation des séances ayant eu lieu dans les différentes structures évoquées. J’ai utilisé les notes de séances et interviewé mes co-animateurs à partir d’entretiens semi-directifs. A partir de ce corpus, j’ai établi un relevé des points récurrents pour les organiser par thèmes.

J’ai bien sûr rencontré des difficultés liées à ce que vous évoquez ci-dessus et en particulier dans l’élaboration de la grille de questions pour les entretiens qui devait convenir pour parler à la fois des séances à visée thérapeutique et des séances à visée de loisirs.

L’organisation des points récurrents par thème a souvent posé problème également : en effet de nombreux items auraient pu être classés dans différents thèmes. J’ai essayé de mettre en évidence la philosophie de notre travail à travers mes choix.

J’aurais également souhaité interviewer les bénéficiaires des 3 structures. J’y ai renoncé car leur niveau de symbolisation et d’expression était trop inégal et de ce fait les corpus auraient été trop difficiles à traiter.

 

© Photo Sylvie Mckandie


Le cadre de vos rencontres avec les différents bénéficiaires de vos interventions semble prendre une dimension importante. Pourriez-vous nous expliquer votre démarche à ce propos ?

Je suis effectivement toujours très attentive à l’instauration d’un cadre fiable, contenant et sécurisant. Or, le « jeu de Pouchka et cie » offre de lui-même une grande part de ce cadre contenant de par son organisation qui devient une sorte de rituel au fur et à mesure des séances (on dit bonjour au chien, on lui installe son coin, on joue, on sort les cartons de jeu, la règle du jeu est toujours la même, etc…) Les fins de séances se passent à l’inverse. Ces « rituels » sont des éléments rassurants pour les bénéficiaires qui peuvent ainsi symboliser le passage d’un temps à un autre, d’une activité à une autre. Les rituels permettent d’anticiper ce qui rend les changements moins angoissants. A l’intérieur du cadre, les animateurs peuvent varier, s’adapter, innover et les bénéficiaires évoluer.

 

Quels sont vos projets en médiation animale ?

Je travaille actuellement à l’adaptation du jeu de Pouchka et Cie en vue d’une possible édition. Il s’agirait d’une version grand public de ce jeu visant à une meilleure connaissance des chiens et à une facilitation des relations « humains/chiens ». De plus, les professionnels de la médiation animale pourraient avoir accès aux questions déjà élaborées pour un public en difficulté via un site web protégé. Les professionnels seraient également invités à proposer leurs propres idées de questions et épreuves pour le jeu de Pouchka et Cie de façon à ce que d’autres puissent s’en saisir et continuer à enrichir et faire évoluer le jeu, chacun dans le cadre de sa « vocation » professionnelle.

Ce site pourrait donc devenir un lieu vivant de réflexions et d’échanges autour du travail réalisé en médiation animale dans différents domaines.

Un second projet, est né de mes échanges avec Marine, la fille d’une amie et collègue : Marine est en fauteuil et c’est une passionnée de chiens qui s’intéresse à mes randonnées en traîneau et a déjà fait du traîneau elle même…..mes chiens sont de bons chiens de trait… … …alors, pourquoi ne pas les atteler aux fauteuils?… Une réflexion préalable sur les aménagements et précautions nécessaires pour la stabilité des fauteuils est en cours avec différents professionnels amis. Marine, toujours partante dès qu’il s’agit de chiens est d’accord pour tester…J’espère pouvoir un jour offrir des « balades tractées » dans le panel de mes propositions en médiation animale.

 

Avec quel animal de roman, de BD, de mythologie … auriez-vous aimé travailler ?

J’ai toujours aimé les loups. C’est donc évidemment à des loups que j’ai pensé à la lecture de cette question. Et je me verrais bien travailler avec deux d’entre eux : le premier est La louve /nourrice de Romulus et Remus pour son côté maternel.

Le second est Œil de Nuit, le loup du roman de Robin Hobb : l’assassin royal (Editions Pygmalion). Œil de nuit est sauvage, solidaire et d’une grande sagesse. De plus, il connaît bien les humains de par sa relation avec son compagnon Fitz Chevalerie .Je l’imagine faisant preuve d’une grande tolérance en séance d’AAA et je pense qu’il aurait un effet contenant sur nombre de mes jeunes patients !!

Si je parle de ce roman, c’est aussi que je suis très envieuse ( !) du pouvoir de son héros Fitz-chevalerie, compagnon du loup 0eil de nuit : Fitz possède le « Vif », un pouvoir qui lui permet d’établir des liens privilégiés avec les animaux, de discuter avec eux, de ressentir leurs émotions, voire d’utiliser leurs sens quand c’est nécessaire. Ce pouvoir permet aussi de se lier avec un animal précis si celui-ci recherche aussi un partenaire.

Imaginez un peu l’intérêt de posséder le « Vif » pour travailler en médiation animale avec son compagnon de lien….. !

 

© Photo Sandie Bélair

Souhaitez vous ajouter quelque chose ?

Témoigner à quel point cette première promo du DU RAMA a été une extraordinaire aventure, une aventure d’une richesse incroyable aussi bien humainement que professionnellement. Je me sens très privilégiée d’avoir eu l’occasion de vivre cela. Merci encore à l’équipe pédagogique .

Dire également que ces passionnantes expériences de travail n’ont pu prendre sens que dans une équipe qui a soutenu et questionné les projets et grâce à la collaboration complice de mes collègues et amis.

Enfin je souhaite remercier également le blog de la médiation animale de me donner l’occasion de parler de mon travail.

Natacha DARDUIN

Pour en savoir plus:

Contactez Sylvie: pouchkaetcie@wanadoo.fr

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