Rédacteur invité mars - 18 - 2010
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Les activités de Résilienfance, la gestion du blog et les différentes rencontres professionnelles me laissent peu de temps pour écrire des billets sur ma pratique de psychologue en médiation animale. Mais Résilienfance prépare un projet qui permettra à ceux qui le souhaitent de découvrir plus précisément notre pratique et nos réflexions… Dans cette attente, j’ai donc demandé à Pamela DIDIER, psychologue et neuropsychologue, de nous parler de son travail au sein de l’association ADPsy. A travers ce billet, elle vous présente son centre et son travail, vous y découvrirez également de brèves études de cas… Bonne lecture. Sandie.

Notre centre accueille des enfants et adultes présentant de multiples pathologies : neurologique, physique, mentale, autisme, « dys », maltraitance, inceste, angoisses, problème de confiance en soi, etc. J’interviens dans ce centre en tant que psychologue clinicienne et neuropsychologue. Pour m’aider j’utilise très souvent l’animal aussi bien sur le plan psychoaffectif que cognitif.

Nous disposons de plusieurs animaux différents : un chien spécifiquement éduqué pour des TAA et AAA (golden retriever), des chats, des rats, un lapin, un gecko (lézard), une perruche callopsitte élevée a la main.

Il était important pour nous de proposer une diversité d’animaux tout comme nous proposons un large choix d’autres outils. En effet, la politique de ce centre est de faire du « sur mesure ». Les prises en charge sont vraiment personnalisées puisque nous allons de la neuropsychologie à la psychologie clinique en passant par la sophrologie et les TCC. Les médiations proposées sont aussi variées : conte, peinture, etc et donc l’animal. Pour nous il est indispensable que le patient soit acteur de sa thérapie et la façonne vraiment à son image afin de donner le maximum de lui. Il nous semble que pour que le patient se saisisse du dispositif thérapeutique qu’on lui propose il faut que ce dernier lui parle, fasse résonance en lui.

A chaque patient son animal…

Les rats attirent, par exemple, les ados en recherche de différenciation par rapport à leurs parents et aux normes. Lors de la première rencontre à laquelle assiste les parents, un ado sorti le rat et l’agita sous le nez de sa mère terrifiée. Par cet acte il mit au travail des problématiques sexuelles, oedipiennes, se différencia brutalement en affirmant un désir et un plaisir contraire aux normes (ne pas avoir peur et même aimer un rat !) et surtout il marqua habilement son territoire : le centre est son territoire et maman est priée de l’attendre dans la voiture dorénavant ! ce qui fonctionna très bien, cette mère un peu trop possessive retourna à sa juste place.

D’autres vont se saisir de l’oiseau pour parler de la notion de liberté, de leur choix, de l’émergence (ou non) de leur désir propre, de leur vie de couple, de leur étouffement, leurs regrets…

Le chien pourra être choisi pour évoquer (par comparaison aux chats du centre) la fidélité, la dépendance à l’autre et donc les angoisses liées à l’attachement et à la séparation, l’abandon…

C’est donc très souvent le patient qui se saisit (ou non) spontanément de tel ou tel animal. Ainsi un choix « varié », laissant toute possibilité au transfert, nous semblait très interessant pour l’emergence de la problématique, des pulsions du patient…

Parfois c’est le thérapeute qui tente de proposer spécifiquement tel animal (tout en laissant toujours le choix) car il pressent que cet animal pourrait être utile, être un bon support à telle ou telle problématique. (cf exemple de cas ci-après)

Plusieurs « méthodologies » possibles…

J’utilise l’animal dans des objectifs thérapeutiques différents : psychoaffectifs, psychosociaux, cognitifs (remediation cognitive) mais aussi en stimulation de base de type orthophonie (prononciation, volonté à parler), psychomotricité (praxie, praxie idéatoire…)

En psychothérapie :

– L’animal est là pour dédramatiser la situation duelle de la psychothérapie : mettre à l’aise, permettre l’entrer en contact, créer une atmosphère jugée par les patients (qui aiment les animaux) comme « plus chaleureuse et humaine ».

– Mettre en lumière une problématique

– Mettre au travail cette problématique

Dans ma pratique j’utilise donc l’animal de différentes manières :

– L’utilisation prédéfinie et systématique de l’animal :

Utilisation de l’animal à chaque séance selon des objectifs prédéfinis et une méthodologie établie. Par exemple, donner de ordres au chien pour travailler la mémoire à court et à long terme. Ou encore, utiliser l’animal comme objet de motivation pour faire sortir un patient de sa chambre et grâce à la fonction valorisante et à l’effet catalyseur social de l’animal renouer le lien social avec autrui et gagner en estime de soi

– L’utilisation libre et spontanée de l’animal :

Le ou les animaux sont présents, libres d’aller et venir. Ils initient ou non l’interaction avec le patient. Ce dernier est laissé libre de se saisir ou non de cet « outil-animal ». C’est alors l’analyse, par un professionnel diplômé et compétent, de la manière dont le patient s’en saisit, à quel moment, etc., qui va donner au psychologue des informations sur la problématique psychique du patient. Comme pour toute médiation, ce qui sera thérapeutique c’est ce qu’en feront le patient et le thérapeute. Comment ce dernier va utiliser son « appareil à penser » (Bion) pour désintoxiquer et aider le patient à trouver du sens et intégrer dans son histoire les différents traumatismes rejouer avec l’animal dans un cadre thérapeutique sécurisant et contenant.

Exemple de cas…

Utilisation libre et spontanée :

Lors d’une première séance où mon chien était présent, une dame, peu communicative sur ses problématiques, m’explique que son propre chien est très angoissé, qu’il ne supporte pas la séparation notamment le soir et a des « troubles de l’attachement » selon l’éducateur canin. Elle me parle également de « l’anorexie » de son chien, suivi par un comportementaliste.

Je trouve la dame angoissée et manquant de confiance en elle. Je fais alors l’hypothèse que les pathologies du chien pourraient être en miroir avec celles de sa maîtresse et être donc des pistes pour notre séance psychothérapeutique. Je suis alors cette piste et pose des questions en ce sens à la patiente. Je découvre alors son histoire et sa problématique qui se sont effectivement avérées être en lien avec un syndrome abandonnique, des troubles de l’attachement et une anorexie mentale.

Une fillette de 6 ans que je suivais et qui jouait souvent avec les chats de notre Centre (en ayant elle-même à la maison) eut soudainement un blocage le jour où un des chats lui prit sa place à la table de dessin. Elle resta figée ne sachant pas quoi faire ni comment la récupérer. Elle me donna ce jour là à voir sa problématique liée à la naissance de son petit frère, ses difficultés oedipiennes, sa problématique de place au sein de la famille…

De l’utilisation spontanée à l’utilisation pré-definie :

Loïc a 12 ans, il est dans une situation socio-économique et psychologique difficile. Ses parents sont divorcés. Sa mère lourdement handicapée assume seule ses deux enfants. Le père est décrit comme alcoolique et violent. Loïc est stressé, présente des plaques d’eczéma sur le visage… Il est muré dans le silence, ayant conscience que ses mots peuvent être des accusations à l’encontre de son père et que des conséquences pour ce dernier sont alors possibles. mais…Mais il est intarissable sur sa chatte !

En effet, la présence systématique du chaton du centre ne le laisse pas indifférent, il le caresse, lui parle, interpelle sa mère dans la salle d’attente pour qu’elle vienne le voir… Il passe son temps à faire des liens entre ce chaton et sa chatte qui semble avoir une grande importance dans sa vie. Quelque soit le sujet que je lance, il revient toujours à sa chatte.

Il m’explique tout d’abord combien elle est gentille et câline, il insiste souvent sur le fait qu’elle est très sage, elle ne fait aucune bêtise, elle ne salit jamais rien. Il se sent toujours compris et aimé par elle, elle l’attend toujours avec impatience et le suit partout. Il m’explique qu’Elle mange beaucoup, qu’on l’entend à peine quand elle miaule, ainsi elle est très sage et ne dérange pas. En même temps elle est fragile et il faut la protéger.

A ce propos il m’explique comment elle est entrée dans sa vie. Il entendait depuis plusieurs jours des petits cris dans les ronces devant son jardin, ils ont fini par la trouvé et son père l’a alors sauvé ! Sa mère l’avait abandonné, elle était tellement petite et fragile qu’il fallu lui donné le biberon.

Il s’identifie à la fois à cette chatte dans sa fragilité (sans défense, besoin de protection, arrive a peine à miauler, besoin qu’on s’occupe d’elle…) et l’identifie en même temps comme l’enfant Idéal qu’il n’a pas su être aux yeux de son père : toujours sage, qui mange, qui ne fait pas de saleté, pas de bruit… peut-être a-t-il aussi le fantasme que son père aurait préféré une fille ? En tout cas se père violent avec lui, a été protecteur et a même sauvé cette petite chatte. Elle prend alors beaucoup de valeur puisqu’elle symbolise à la fois l’enfant idéal qu’il pense devoir être pour son père mais elle est aussi la preuve, à la quelle il se raccroche de toutes ses forces, que son père peut être bon. (Ce qui renforce sa croyance que si ce père bon avec le chat est mauvais avec lui, c’est bien parce que lui est mauvais et qu’il devrait prendre exemple sur le chat)

Loic présente une estime de soi et une confiance en soi très faibles, il est incapable de gérer les conflits ni de se défendre. Je décide alors d’utiliser la seule porte d’entrer possible : l’animal. Son chat tout d’abord, puis le chat et le chien du centre et enfin la construction d’histoires basées sur ces animaux.

Je lui propose alors de venir faire des jeux avec Aurine (le chien) qui consisteront à lui donner des ordres, la faire passer dans des cerceaux, des tunnels, etc, dans le but de travailler l’affirmation de soi (ordres), la confiance en soi (valorisation), l’expression de ses désirs et de ses limites (ordres), doser les punitions/récompenses et donc son besoin d’amour et de reconnaissance de l’autre, pouvoir frustrer l’autre sans être pour autant un mauvais objet méritant le rejet.

Sachant qu’il aime le français, je lui propose aussi d’écrire des histoires avec ses animaux qui nous permettrons alors de mettre en scène des histoires difficiles où le héro-animal devrait gérer des conflits et apprendre à résoudre des problèmes de la vie de tous les jours, en lien avec les interactions sociales et familiales.

Loïc accepte de revenir et même d’augmenter le rythme des séances. Il semble ravi d’avoir trouvé un tel lieu d’expression et d’écoute, et ceci grâce à la médiation de l’animal.

A suivre au fil des séances à venir…

Utilisation prédéfinie et systématique de l’animal

Un dernier exemple de l’utilisation systématique et programmée de l’animal peut être les remédiations cognitives pour enfant ou adulte. Afin de motiver le patient et rendre plus vivantes les séances, les patients qui aiment les animaux vont pouvoir bénéficier de ce support pour les rééducations de la mémoire (court terme et long terme), la diction, les praxies et praxies idéatoires, la planification et résolution de problèmes…

Pour travailler la mémoire et la diction, on pourra faire apprendre des ordres (mots/gestes) spécifiques au patient qui devra les retenir durant la séance mais aussi d’une séance à l’autre, et les faire exécuter par le chien. Il y aura donc des rencontres pré-établies et codifiées entre le patient et le chien. Rythme, déroulement, activités, exercices, objectifs seront prédéfinis comme dans n’importe quelle remédiations cognitives. La composante de la motivation et de la charge affective permettant d’augmenter l’efficacité de la thérapie neuropsychologique.

Pamela DIDIER

Pour en savoir plus:

Association ADPsy

5 Responses to “Partage de pratiques de Thérapie Assistée par l’Animal”

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    Anne-Marie
    mars 18th, 2010 at 19:03

    Bonjour,

    je travaille dans une structure de post cure psychiatrique ou je suis infirmière. L’orientation des soins est principalement basé sur les thérapies cognitives et comportementales et j’aurais aimé en savoir plus sur cet aspect de la médiation animal. Après avoir mis en place un « atelier cheval », plusieurs professionnels sont partant pour faire entrer un animal dans l’établissement mais d’autres reste réticent et nous aimerions les convaincre de l’utilité que cela peut avoir. Auriez-vous des écrits à me conseiller sur le sujet?

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    Sandie
    mars 21st, 2010 at 0:33

    Bonjour Anne-Marie,

    Deux livres à vous conseiller:
    – le chien: partenaire de vies. Perspectives et applications en santé humaine de Didier VERNAY. Voir auprès de l’AFIRAC s’il reste des exemplaires
    – les AAA en milieu sanitaire, social et médico-social. Voir à ce lien: http://www.mediation-animale.org/les-aaa-en-milieu-sanitaire-et-medico-sociale-une-approche-demographique-juridique-et-manageriale/

    Bonnes lectures!
    Sandie

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    Anne-Marie
    mars 27th, 2010 at 10:25

    Merci Sandie,
    je comptais déjà acheter le deuxième, mais tu me fais découvrir le premier.

    Mais en fait c’est le coté cognitivo-comportemental que je voulais que l’auteur dévéloppe, car je n’est trouvé que très peu de chose sur le sujet.

    Merci encore pour tous ses articles que je lis toujours avec autant de plaisir!!!

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    Sandie
    avril 8th, 2010 at 14:40

    Bonjour Anne-Marie,

    Navrée alors, je n’ai pas de référence pour le côté cognitivo-corportemental mais cela doit exister… oyé, oyé, lecteurs du blog: en avez-vous???
    Merci pour vos gentils mots, cela fait très plaisir!
    A très vite.
    Sandie

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    rachel
    avril 26th, 2010 at 12:07

    Bonjour,

    Peut-être voir du côté de la fondation Sommer qui va bientôt ouvrir un service de documentation.
    Bien cordialement, et merci pour ce billet !!!
    Rachel.

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La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

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