Véronique juillet - 9 - 2009
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Etude des émotions chez les animaux : quelles conséquences sur les activités de médiation animale avec le chien?

Comment appréhender ce que les chiens ressentent lors de séances d’aaa ? Sont- ils à l’aise ? Perçoivent-ils les souffrances des bénéficiaires ? Quels critères pourraient être utilisables pour apprécier le « ressenti » du chien lors de séances d’aaa, quels outils d’évaluations pourraient être développés ?… De nombreuses questions, mais peu de réponses pour l’instant car force est de constater que les connaissances et travaux de recherche sur le sujet sont, si ce n’est inexistants, en tout cas très peu documentés dans le cadre des activités associant l’animal. Il serait donc prématuré de répondre à ces questions.

Néanmoins, l’étude des émotions chez les animaux me semble être une piste intéressante pour entamer une réflexion sur ces questionnements.

Quelles émotions les animaux ressentent-ils?

Pendant des siècles, la vie intérieure des animaux a été ignorée parce que les hommes ont supposé que les animaux étaient des sortes de « machines biologiques » uniquement régies par des instincts.

Charles Darwin est souvent considéré comme le premier scientifique à s’être sérieusement intéressé à l’étude des émotions. Il a d’ailleurs publié un livre qui s’appelait « L’Expression des Émotions chez l’homme et les animaux ».

Les chercheurs reconnaissent habituellement deux types d’émotions différentes : les émotions primaires (considérées comme fondamentales et innées, comme par exemple la peur) et les émotions secondaires (qui sont plus complexes et concernent des émotions plus nuancées comme le regret, la jalousie…)

Aujourd’hui de nombreux scientifiques défendent le point de vue que les animaux non humains éprouvent des émotions (et de plus en plus d’études concernent aussi les émotions secondaires chez les animaux).

Les recherches sur les émotions animales

La difficulté pour les scientifiques de mener des recherches sur les émotions animales vient du fait que les émotions sont souvent subtiles, floues, subjectives et ne sont pas nécessairement répétables. Mais les chercheurs s’appuient aussi sur des recherches en neurosciences qui ont démontré que les mammifères, incluant les humains, peuvent avoir en commun des structures neuroanatomiques et des voies neurochimiques qui ont un rôle important pour l’expression des émotions.

L’anthropomorphisme a-t-il sa place dans la science ?

« Non à l’anthropomorphisme »! C’est ce que nous lisons, entendons et donc admettons lorsqu’on s’intéresse de près ou de loin aux émotions des animaux. A première vue, j’aurais donc été tentée de répondre par la négative à cette question pour le moins déroutante.

Le point de vue de Marc Bekoff, biologiste à l’Université du Colorado, qui étudie la continuité évolutive qui relie les animaux et les hommes, dans le domaine des émotions, mérite cependant que l’on reconsidère peut-être nos idées reçues sur cette question :

« L’anthropomorphisme est un phénomène beaucoup plus complexe que nous l’aurions imaginé. Il est fort possible que le besoin humain…d’attribuer des émotions aux animaux, loin d’obscurcir leur « véritable » nature, puisse être en réalité un outil de connaissance très précis. Le savoir ainsi acquis, étayé par de solides recherches scientifiques, se révèle essentiel pour prendre des décisions éthiques au nom des animaux. »

Des théories aujourd’hui admises peuvent demain être bousculées! Alors restons ouverts aux idées émergentes, et gardons en tête qu’en science le doute et les remises en questions demeurent des gardes fous contre l’obscurantisme scientifique.

Marc Bekoff

Les émotions du chien

Quelles seraient les conséquences pour la prise en charge d’un chien dans un programme d’aaa, si les recherches confirmaient la présence d’émotions comme la peine ou l’empathie chez les chiens?

A ce sujet, vous pouvez lire sur le net les résultats d’une étude publiée en août 2008 dans le journal Biology Letters qui prouveraient que les chiens possèdent la capacité de ressentir une forme rudimentaire d’empathie envers les humains.

Dans ce billet, je choisis de parler de quelques chercheurs ayant travaillé sur l’univers et les émotions du chien : ceux qui m’ont le plus marqué et dont les recherches m’ont été utiles dans mes réflexions sur la pratique en médiation animale. Ma liste n’est bien entendue pas exhaustive…

Je commencerai par les travaux d’Alexandra Horowitz, Docteur en sciences cognitives, enseignante et chercheuse au département de psychologie animale à New York, qui récemment (2009), a publié un ouvrage « Dans la peau d’un chien » ; la pertinence de ce livre est qu’au fil des pages, on redécouvre l’univers du chien ; et on est enfin éclairé sur les différences cognitives et comportementales entre chiens et loups et sur les conséquences de ces constats sur notre relation au chien ; on est heureux de lire que les chiens ne sont finalement pas des loups « attardés », et que ce sont au contraire des animaux très pertinents pour résoudre leurs problèmes en utilisant l’homme !

Son ouvrage est très instructif et nous permet de mieux comprendre l’univers sensoriel, émotionnel et comportemental des chiens, et donc de mieux respecter ces compagnons que nous invitons à se joindre dans nos activités de médiation animale.

Alexandra HOROWITZ

Une autre spécialiste dont on entend beaucoup parler actuellement est Turid Rugaas, éducatrice canine de renommée internationale et fondatrice de l’école du chiot norvégienne. Elle a étudiée pendant plus de dix ans, le langage corporel des chiens. Son travail sur les signes d’apaisement du chien (calming signals) est reconnu dans le monde entier

Elle a observé les relations sociales d’une multitude de chiens avant d’écrire  » On talking terms with dogs : Calming signals « .

Je vous renvoie vers l’article de Catherine Collignon, qui a développé les signaux d’apaisement sur le blog.

Il me semble pertinent lorsqu’on guide un chien en médiation animale d’être vigilant à ces signaux d’apaisement, car ils expriment une intention pour le chien de sortir d’un début d’interaction émotionnellement insécurisante; cette vigilance est de mise pour prendre les décisions qui en découlent pour le confort du chien et la sécurité des bénéficiaires (par exemples, laisser le temps au chien de s’habituer à un contexte nouveau, décider d’un temps de repos pour le chien, arrêter une séance, changer d’exercice ou d’activité…)

Les autres spécialistes dont je parlerai plus succinctement, mais que je vous invite à consulter sont Roger Abrantes, diplômé de biologie évolutive et d’éthologie (pour le découvrir, je vous renvoie vers ses livres « Dog language » et « The Evolution of Canine Social Behavior »), Stanley Coren, professeur à l’Université de British Columbia (Canada), est spécialiste de psychologie canine et dresseur réputé. Il a écrit entre autre « Comment parler chien ».

Conclusion

Au-delà du potentiel que les animaux recèlent pour aider à améliorer le bien être des hommes, il me semble maintenant important de se demander où nous les amenons.

La recherche devrait pouvoir nous aider à répondre à cette question : des études devraient être développées afin d’informer sur ce que les humains peuvent attendre de leurs animaux et sur ce que l’on peut raisonnablement leur demander. Il est temps, en plus d’évaluer les bienfaits des aaa auprès des bénéficiaires, d’essayer d’évaluer le comportement mais aussi de s’intéresser aux émotions des animaux lors de telles séances.

En plus de la question de la bientraitance, il me semble aussi qu’il peut être utile de suivre les études sur les émotions des animaux, pour aller plus loin dans notre compréhension de ce qui « se joue » dans le cadre d’activités de médiation animale.

Pour en savoir plus:

Les émotions chez les animaux :

Site internet de Mark Bekoff

Site de l’Inra « Les agneaux ressentent des émotions »

Une vidéo sur les émotions animales

L’univers et les émotions du chien

Site internet d’Alexandra Horowitz

Site internet de Turid Rugaas

Site internet de Roger Abrantes

Véronique

2 Responses to “Bientraitance et bienveillance vis-à-vis du chien impliqué dans les activités associant l’animal (suite)”

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    Estelle
    août 5th, 2009 at 11:18

    Merci pour ses références sur ce sujet intéressant

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    Danièle
    septembre 6th, 2009 at 18:00

    très intéressant d’aller au delà de la bientrance, cela nous éclaire sur la réciprocité des échanges au cours des séances.Ainsi, lorsque l’on laisse l’initiative au(x) chien(s), nous sommes parfois surpris de ces moments  » créateurs » d’où emmergent ce que nous n’aurions pas oser entreprendre !!!
    Pour cela, nous devons lâcher prise sur nos connaissances, nos a priori…et certes….nous avons encore beaucoup à apprendre…
    Merci pour toutes ces références….
    Danièle

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