Rédacteur invité juin - 16 - 2010
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Voici le chapitre 4 (le dernier) des actes de la conférence-débat intitulée :« L’animal et l’enfant: Naître et grandir ensemble- La communication posturale entre l’enfant et le chien – Le risque zéro existe t-il? ». Nous avions déjà publié le premier chapitre: « Naître et Grandir ensemble«, le second: « Mûrir ensemble: passage à l’âge adulte«  et le troisième « Communication posturale chiens et enfants »

Pour rappel,  cette conférence était organisée par la Mairie de Tarbes et le Club Canin Tarbais, et animée par quatre vétérinaires comportementalistes: le Dr Béatrice LAFFITE – Le Dr Dominique LACHAPELE – le Dr Nicolas MASSAL – le Dr Laurent ORDUNA, le Dr Christian FIALAIRE membres de l’association Zoopsy. Merci à eux pour avoir autorisé cette publication.

Sandie.

Chapitre 4: Prévention des risques dans la relation entre l’enfant et le chien

La cohabitation d’enfants et de chiens n’est pas sans danger et nous allons évoquer les risques encourus par l’enfant en contact avec des chiens, puis envisager les moyens de prévention.

De quels risques s’agit-il ? Nous rencontrons deux catégories de risques :

• Des risques sanitaires : les enfants vont contracter des maladies

• Des risques d’accidents : le chien peut blesser les enfants.

Les risques sanitaires

Définition

Ils sont représentés par les zoonoses qui sont des maladies ou des infections naturellement transmissibles à l’homme par des animaux et ici par le chien. Cela peut-être des infections, à la faveur de morsure ou de griffures. La salive des chiens est naturellement poly microbienne et le contact avec une plaie peut facilement infecter celle-ci. Les plaies par morsure sont souvent anfractueuses et en absence de soins dans les 6 heures, la morsure est considérée comme infectée. D’autres infections, comme la maladie des griffes ou la salmonellose peuvent atteindre les enfants.

Les animaux peuvent aussi transmettre des mycoses (qui sont alors des champignons) et la plus fréquente est la teigne.

Enfin, des parasites peuvent passer de nos compagnons à 4 pattes à l’homme et infecter le tube digestif comme les oxyures ou plus rarement se localiser dans des zones plus erratiques : les yeux lors de toxocarose. Dans le sud est, la leishmaniose peut provoquer des syndromes fébriles chez des enfants de 2-3 ans. Plus banales, les puces des chiens peuvent venir piquer les enfants.

Mode de contamination

• par la salive lors de morsure, griffure, pour les infections ou par léchage pour les vers digestifs

• Par contact direct pour les mycoses, les parasitoses : puce, teigne

• Par les déjections notamment par les litières, les bacs à sable mal protégés de la fréquentation des chiens ou plus simplement par le jardin familial dans lequel le chien fait ses besoins et qui peut être aussi le terrain de jeu des enfants.

Prévention

La prévention passe par:

• Une hygiène générale de base et notamment par le lavage des mains fréquents avant le repas, l goûter, après avoir touché le chien…). Cela doit devenir un reflexe pour les enfants car les mains portées à la bouche sont la première source de contamination chez les enfants.

• Un contrôle des lieux d’élimination et par exemple l’apprentissage d’un coin précis du jardin au chien pour faire ses besoins, l’interdiction des animaux dans les aires de jeux pour enfants et vice versa

• Enfin, une vermifugation et un traitement des parasites externes réguliers des chiens qui vivent au contact d’enfants permettent de limiter ces zoonoses. Il est même prudent de penser à vermifuger de temps en temps les enfants notamment en cas de troubles digestifs chroniques

Les risques d’accidents

Les accidents dans les relations entre les enfants et les chiens seront essentiellement les morsures ou les griffures infligées par les derniers sur les premiers.

Les faits divers sont régulièrement là pour nous les rappeler mais nous allons voir ici que ça n’arrive pas forcément qu’aux autres et que nous sommes dans le cadre de la prévention des accidents domestiques dont les premières victimes sont les enfants et qui se déroulent le plus souvent au domicile des parents ou dans des lieux connus de l’enfant.

Sur les morsures, les données chiffrées sont peu nombreuses et les seules données accessibles actuellement sont les registres des hôpitaux ou des urgences pédiatriques. Ici, des chiffres issus d’une enquête canadienne, confirmés par des enquêtes françaises et suisses nous disent que la population la plus mordue est constituée par des enfants entre 1 et 9 ans, avec une prévalence pour la classe d’âge de 5 à 9 ans. Le plus souvent, le mordeur est le chien de la famille ou un chien de proches, connu de l’enfant. La morsure a lieu à domicile et a été provoquée par un mouvement de l’enfant vers le chien, en l’absence d’adulte dans la plupart des cas.

Les enfants sont mordus principalement au visage et aux mains.

Qu’est-ce qui peut motiver un chien à agresser un enfant?

Tout d’abord, le chien peut se sentir menacer et vouloir se défendre. C’est le cas lorsqu’il a peur ou qu’il a mal. Il peut aussi blesser involontairement s’il contrôle mal son corps ou le chien peut agresser pour garder et défendre un privilège acquis. Le chien peut considérer que l’enfant va trop loin et dépasse son seuil de tolérance. Enfin, le chien peut voir l’enfant ou le nourrisson comme une proie et déclencher une séquence de prédation.

Vaudoo

© Lisa Marcel ISIRDI – dessin extrait du blog de Vaudoo!

Nous allons reprendre ces 5 items, les définir et chercher les moyens de les éviter.

La peur

La peur fait son apparition généralement si le chien est surpris ou lors d’une situation inhabituelle en milieu fermé (la fuite est alors impossible). La peur provoque alors un envahissement émotionnel chez le chien qui n’a pas d’autre choix, pour s’en défendre, que d’agresser l’objet de sa peur. La violente décharge émotionnelle qui accompagne toujours une morsure par peur fait que la morsure est toujours grave et délabrante et ne cesse que lorsque le chien peut fuir.

L’apparition de peur en présence d’un enfant sera plus probable chez un chien pas ou peu socialisé aux enfants. La peur apparaît préférentiellement lors de situations stressantes pour les chiens comme l’envahissement brutal de son lieu de couchage ou un réveil par surprise.

Pour éviter cela, il faut penser à toujours prévenir le chien et à lui demander d’approcher. Forcer le contact avec un chien alors que celui-ci est dans l’impossibilité de fuir peut déclencher une réaction de panique. Si vous apprenez aux enfants à demander au chien de venir, les risques d’agressions diminueront significativement.

Socialiser un chiot aux enfants de tous âges est primordial avant l’âge de 2 mois et cette socialisation doit être entretenue au minimum jusqu’à 9 mois. Par la suite, des contacts positifs fréquents entre le chien et les enfants permettront aux 2 protagonistes de mieux se connaître et de mieux accepter et appréhender les réactions de l’autre. Nous avons vu dans la première conférence l’importance du « grandir ensemble ».

Enfin, bien connaître les réactions de crainte de son chien permet d’identifier et prévenir les situations à risque.

La douleur ou l’inconfort

La douleur est une autre raison légitime à agresser pour un chien. La morsure sera alors destinée à faire cesser la douleur (soins vétérinaires par exemple) ou à éloigner la cause présumée de la douleur. C’est le cas chez les chiens souffrant d’arthrose qui peuvent agresser les enfants pour les tenir à distance pour empêcher le contact. La cause de la douleur peut venir de l’état du chien mais aussi du comportement des enfants. Le fait de tirer les poils, les oreilles, la queue n’est pas agréable pour l’animal et son seuil de tolérance pourra être franchi.

Enfin, le non-respect de l’espace vital du chien peut être source d’inconfort et de stress. L’intrusion d’un enfant jusque dans le panier du chien ou un enfant qui s’approche de la gamelle d’un chien qui mange sont des situations intolérables, même pour un chien normal.

La prévention passe ici par une vigilance des propriétaires quant à l’état de santé physique de l’animal et par la détection et une prise en charge efficace des douleurs chroniques. Un bilan de santé régulier est préconisé pour les chiens vieillissants.

L’autre versant est l’éducation et la surveillance des enfants. Leur apprendre à ne pas blesser le chien, à respecter son intégrité physique est aussi important que d’apprendre à un enfant scolarisé à ne pas mordre ses camarades.

Enfin, le couchage du chien, placé dans un lieu en retrait dans la maison, doit être interdit d’accès aux enfants et à toute autre personne. De même, le chien mangera seul, dans une pièce où personne ne viendra le déranger.

Déficit des autocontrôles

L’hyperactivité et le manque d’autocontrôles chez un chien est une source de danger supplémentaire en cas de cohabitation avec des enfants. Un chien qui ne se contrôle pas bien, ne maîtrise pas son corps et peut bousculer, griffer et mordre dans l’excitation mais sans intention d’agresser. Ce sont les chiens gentils mais brutaux, qui cognent et font mal avec les dents en jouant. L’excitation étant généralement à l’origine du manque de contrôle, le risque augmente si le chien est en contact avec des enfants turbulents et mal contrôlés eux-mêmes.

La prévention passe ici par une bonne acquisition des autocontrôles avant l’âge de 2 mois (en laissant les chiots au contact de la mère ou d’autres chiens adultes) puis ensuite par un entretien dans la famille d’adoption, avec une régulation par des adultes, chiens ou humains. Il faudra demander aux enfants de ne pas trop exciter le chiot et lui apprendre à s’arrêter sur ordre.

Pour le contrôle de la morsure, les jeux de tiraillement appréciés des enfants et des chiens sont à bannir car ils ne font qu’appendre le chien à serrer plus fort, ce qui pourrait aggraver une éventuelle morsure.

Une fois encore la présence d’adultes est indispensable pour éviter et prévenir les débordements.

Contrôle par le chien

Ce chapitre a déjà été largement traité dans la conférence précédente et je vais donc éclairer seulement certains points. Nous venons de voir que les chiens adultes avaient un rôle d’éducation et de contrôle sur les juvéniles. Un chien adulte peut donc se sentir en droit de réguler aussi les comportements des enfants et s’autoriser à les poursuivre ou à les mordre pour leur demander de s’arrêter. C’est le cas lors de coalition d’un chien adulte avec les parents face aux enfants. Le chien est alors en position hiérarchique supérieure aux enfants et se croit autorisé à les sanctionner.

Cette situation peut aussi être généré par des contresens éthologiques qui placeraient le chien au centre de l’organisation familiale (couchage central, alimentation à la demande du chien, ….) ou par exemple en laissant un jeune enfant réprimander ou corriger seul un chien adulte

Le meilleur moyen de prévention est ici d’installer dès le début le chien dans un cadre familial cohérent et stable en respectant les codes de l’espèce. Penser à faire sortir le chien avant de gronder les enfants pour ne pas l’obliger à prendre position et enfin, apprendre aux enfants dès le plus jeune âge à respecter le chien et à décoder les signaux, notamment les signaux de menace. Dès que le chien gronde, il faut apprendre aux enfants à rompre le contact et à venir chercher de l’aide auprès d’un adulte.

Agression de prédation

Cette agression est fort heureusement la plus rare car elle est de loin la plus grave et la plus dangereuse. Elle ne peut apparaître que chez un chien qui n’a jamais été socialisé au stade d’enfant qu’il rencontre. Le chien peut alors considérer l’enfant comme une proie et déclencher une agression de prédation dont le but est la mise à mort de la proie en vue de sa consommation, ce qui en fait son extrême gravité. La séquence est typique et le chien sera à l’affut lors des mouvements de l’enfant ou du bébé et pourra bondir sur les antérieurs comme un chat sur une souris.

Pour éviter cela, on revient encore sur la socialisation obligatoire du chien à tous les stades de l’enfance, du nourrisson à l’enfant préado en passant par le stade trotteur et apprentissage de la marche.

Dans tous les cas si vous reconnaissez ces comportements sur un chien en présence d’enfants, la séparation physique immédiate est impérative et si c’est le chien de la famille, un replacement en connaissance de cause ou une euthanasie devra être envisagée.

Conclusion

Pour résumer, la prévention des morsures de chiens sur enfants passe par :

Une socialisation précoce, avant 3 mois, et entretenue au minimum jusqu’aux 9 mois du chien, à tous les stades de l’enfance

Des contacts positifs réguliers avec des enfants tout au long de la vie du chien (attention à l’exclusion du chien de la maison pour des raisons d’hygiène quand les enfants sont petits qui pourraient, par manque de contacts entrainer une désocialisation du chien)

Une bonne acquisition des autocontrôles chez le chien

Une éducation des enfants aux bonnes manières avec les chiens et un apprentissage des signaux de communication canine

 Un contrôle permanent de la relation par les adultes régulateurs des comportements du chien mais aussi des enfants et des interactions entre les 2

 Ce qui sous-entend une vigilance permanente : on ne doit jamais laisser une enfant en bas-âge (moins de 5 ans) et un chien seuls une surveillance active (être prêt à intervenir si besoin). C’est pareil qu’avec les piscines ou les produits ménagers toxiques. Et comme un enfant de 5 ans ne sait pas forcément nager, avant 5 ans, il ne saura pas non plus décoder efficacement les signaux de menace émis par le chien

 Enfin le dernier mot que vous avez entendu plusieurs fois ce soir et sans lequel aucune relation n’est durable et harmonieuse. Il s’agit du respect mutuel : demander au chien de respecter l’enfant mais aussi aux enfants de respecter le chien. C’est simplement de l’éducation commune.

Quelques outils pour aider les chiens à vivre sereinement au contact des enfants :

• Les clubs canins sont de précieux alliés pour les propriétaires dans l’éducation des chiens

• une bonne connaissance du comportement du chien permet d’avoir un mode d’emploi (« Guide pratique du comportement du chien » aux éditions Eyrolles)

Guide pratique du comportement du chien

• Pour les enfants, des outils pédagogiques Truf’ viens …©, petite BD suisse adaptée aux enfants dès la grande section de maternelle, le Blue Dog © Cdrom interactif belge et étudié pour des enfants plus petits, dès 2 ans. Il est disponible en version française (traduction par Catherine Mège et Dominique Lachapèle).

• Enfin, pour les parents et maîtres, chez votre vétérinaire ou sur le site de Zoopsy (http://www.zoopsy.com), vous pouvez trouver des documents spécifiques à la relation enfants et chiens.

Et si vous réussissez à appliquer tout ce que nous venons de dire ce soir, le plus grand risque que vous ferez prendre à vos enfants et à vos chiens sera de vivre une belle histoire d’amour.

Pour en savoir plus sur :

L’association Zoopsy

Lisa Marcel ISIRDI et ses dessins: découvrez son site Le blog de Vaudoo!

Dr Béatrice LAFFITE, Dr Dominique LACHAPELE, Dr Nicolas MASSAL , Dr Laurent ORDUNA, Dr Christian FIALAIRE

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