Rédacteur invité octobre - 13 - 2017
avatar

Une histoire courte de Élodie Ergot, psychologue… Merci Élodie pour ce partage! Bonne lecture à tous!

Je rencontre Léo, un enfant de 7 ans dans le cadre d’une consultation au cabinet où j’exerce en tant que psychologue clinicienne et psychothérapeute. À cette occasion, Léo est accompagné de sa mère qui décrit différentes manifestations d’anxiété qui envahissent et paralysent son fils. Lorsque je demande à Léo s’il veut ajouter quelque-chose, il est très intimidé et répond « non » par un signe de la tête. Sa mère reprend alors la parole, m’indiquant qu’elle a lu sur mon site internet que je proposais des thérapies médiatisées avec l’animal. Elle pense que cette approche conviendrait davantage à Léo (celui-ci reste impassible sur sa chaise). Elle poursuit en me rapportant que toute la famille a accueilli un petit chien nommé Kid il y a quelques temps et que c’est une source de bonheur pour tout le monde ; plus particulièrement pour Léo qui s’investit beaucoup auprès du chien. À ce moment précis, j’observe Léo dont le visage s’illumine par un large sourire. Je le relance alors sur ses activités avec son compagnon canin et c’est cet intérêt commun pour les chiens qui permet alors nos premiers échanges.

Au cours de l’entretien, j’en apprends plus sur le lien affectif entre Léo et Kid. Léo s’apaise beaucoup à son contact mais ce lien est également source d’angoisses. Je découvre que Léo refuse que Kid soit promené et ce même si le petit chien est sécurisé à l’aide d’une laisse. L’idée qu’il pourrait arriver quelque chose à Kid lui est insupportable. La simple évocation d’une balade le plonge dans une profonde crise d’angoisse. Cela crée des conflits au sein de la famille, notamment avec son grand frère qui désire se promener et faire des activités avec Kid ; sans parler de l’impact sur le bien-être du chien qui a besoin de sortir quotidiennement pour son épanouissement tant sur le plan physique que psychique.  À la fin de l’entretien, nous convenons de nous rencontrer de façon hebdomadaire au cabinet.

 

© Photo Sandie Bélair

 

Dans le cadre de ma pratique de psychologue il s’agit d’offrir un espace contenant et sécurisant au sein duquel on va pouvoir soutenir le travail d’élaboration, de symbolisation à propos de ce qui est en souffrance chez Léo. En psychothérapie d’enfant, différentes médiations peuvent être utilisées tel que le jeu ou le dessin qui auront cette fonction symbolique pour l’enfant. Mon but est d’aller à la rencontre de Léo, de créer du lien et de mettre au travail ces problématiques au sein de cet espace, de cette aire transitionnelle, entre le monde intérieur de l’enfant et le monde extérieur, mis en lumière par D.Winnicott. C’est dans ce cadre thérapeutique que j’intègre l’animal à ma pratique. L’animal peut jouer différents rôles au sein de cet espace. Souvent, il est l’objet d’attention conjointe et facilite le lien entre moi et l’enfant, ce dernier étant apaisé par sa simple présence. Il peut également devenir un support précieux dans ce travail d’élaboration et de symbolisation. En effet, il enrichit sans cesse cette aire transitionnelle par sa subjectivité, ses initiatives, ses jeux, etc. Grâce à cette spontanéité, l’animal est dans ma pratique (et dans ma vie aussi !) source de nombreuses inspirations et grâce à lui je ne cesse de me renouveler, de me réajuster et de me découvrir cette « inventivité du psychologue » dont on entend si souvent parler dans la littérature.

Lors de ma première rencontre avec Léo et sa mère, j’ai été touchée par l’histoire du petit garçon et de son petit chien Kid. J’ai alors envisagé de travailler avec Léo et Kid dans le cadre de nos séances. En effet, il m’a semblé que Kid pourrait être une ressource pour Léo et qu’il pourrait nous permettre de mettre au travail certaines problématiques au sein de l’espace symbolique. C’est dans ce cadre singulier, pensé et élaboré au préalable, que se poursuivent nos séances. La présence de Kid facilite l’expression de Léo et enrichit nos échanges. Les attitudes, initiatives de Kid favorisent d’emblée l’expression, la libre association des pensées et cela m’apporte beaucoup d’éléments sur le plan clinique. Léo est très fier de me présenter son petit chien. Il me montre la façon dont il s’en occupe, les jeux auxquels ils aiment jouer ensemble. Il me fait remarquer combien Kid est à son écoute et à la recherche de sa présence : « il me suit toujours partout ». Le fait de s’occuper de cet animal lui procure une grande satisfaction et nourrit sa confiance en lui ainsi que son estime de soi.

Kid rassure et sécurise Léo, notamment lors du coucher où il devient, à l’instar du doudou, l’objet transitionnel permettant à l’enfant de s’apaiser lors de l’endormissement. Nous connaissons bien cet effet apaisant qu’ont les animaux mais nous évoquons plus rarement les manifestations d’émotions ou de sentiments négatifs tels que l’angoisse ; liées à différents mouvements psychiques ; dont ils peuvent faire l’objet. C’est le cas de Léo qui, comme évoqué au début de mon propos, est submergé par l’angoisse à l’idée qu’il arrive quelque chose à Kid, en particulier s’il sort du cocon sécurisant de la maison familiale. Lors de nos séances, Léo en jouant avec Kid, notamment à des jeux de rapport d’objet (au sens symbolique), tente de résoudre au niveau inconscient une expérience qui dans la réalité est source d’émotions et d’angoisses qui saturent son système psychique (fonction de pare excitation). Ainsi, bien plus qu’un jeu de balle, il s’agit d’expérimenter, entre autre, la séparation, les retrouvailles, la distance, la proximité et de faire du lien avec les émotions qui y sont rattachées.

La présence de Kid permet à Léo d’exprimer ses angoisses de séparation et de mort, à travers le jeu symbolique. Au cours du travail thérapeutique, il parviendra à faire du lien. Tout ce qui s’est joué pendant ces séances avec Kid a ainsi pu être mis en mots, en sens, au regard de la problématique singulière de Léo. La présence de Kid, a constitué un véritable levier thérapeutique dans cette prise en charge : dans un premier temps en favorisant l’expression des angoisses et de ce qui était en souffrance chez Léo et dans un second temps, Kid, par son comportement, son interactivité, a été d’une précieuse aide dans le travail de symbolisation. Quelques temps plus tard, nous improvisons une séance en extérieur.  Au cours de cette dernière, Léo, accompagné de sa mère et de son grand frère, est heureux de me montrer la façon dont lui et Kid se promènent à l’aide d’une laisse et d’une longe. Il est également fier de me montrer tous les jeux d’éducation, conseillés par un professionnel, afin d’apprendre à Kid à revenir près de ses maîtres en cas de besoin. Là encore, ce lien de protection, symbolisé par la longe qui relie Kid et son maitre, a permis à la mère d’associer sur ses propres difficultés et angoisses de séparation avec ses enfants et à les laisser faire des choses par eux-mêmes. Tout cela a pu être repris et mis en sens au regard de l’histoire familiale.

 

La clinique de l’enfant a ceci de particulier que nous sommes d’emblée dans une clinique de situation. En effet, la demande est le plus souvent portée, non pas par l’enfant lui même mais par son entourage. Il arrive que les symptômes de l’enfant découlent des difficultés du groupe familial, c’est pourquoi il est nécessaire de prendre en compte ce dernier dans la compréhension de l’enfant. Cette expérience nous montre à quel point le chien fait également partie intégrante de ce groupe. Dans certains cas, tout comme l’enfant, il peut même exprimer par ses symptômes, ses comportements, les difficultés du groupe familial. C’était le cas de Kid qui était suivi par un professionnel du monde canin pour des comportements de destructions liés à une anxiété de séparation et à un manque d’activité. De nos jours, les animaux de compagnie sont de plus en plus humanisés et ils font régulièrement l’objet de nos représentations, projections etc. Il est intéressant de questionner le rôle et la place de l’animal de la famille. Cela peut nous donner des pistes dans le travail thérapeutique et même enrichir celui-ci.

 

Pour conclure cette « histoire courte », la présence de Kid, qui était lui aussi porteur de la problématique du groupe familial, a constitué un véritable levier thérapeutique pour Léo. Cela a également permis à la famille une prise de conscience et un cheminement. Sur un autre plan, cela m’a donné l’occasion de soutenir et d’accompagner la relation homme-animal au sein d’un cadre thérapeutique ; ouvrant ainsi à de nouvelles réflexions et de nouveaux possibles au sein de ma pratique.  

Elodie Ergot

+++ Sur le même thème:

Histoires courtes en Thérapies avec le Chien # 1: Arthur!

Histoires courtes en Thérapies avec le Chien # 2: Tom!

Histoires courtes en Thérapies avec le Chien # 3

Les histoires courtes en thérapies avec le cheval

Les histoires courtes en thérapies avec l’âne

 

Leave a Reply

Recevez les articles par mail

A propos

La Médiation Animale ? Telle est la question pour un grand nombre de personnes … Le but de cette pratique, en quelques mots, est la recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle homme-animal. Elle est donc associée à une intentionnalité ... Lire la suite

Sandie

Recherchez sur le blog

A découvrir

Bibliographie

Définition Médiation Animale