Laetitia Gianelli décembre - 20 - 2012
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On entame la troisième partie des passionnantes réflexions de Laetitia suite à son week-end de médiation asine en Bretagne… Pour les retardataires, les billets précédents sont toujours consultables: Un week-end de médiation asine # 1 et Un week-end de médiation asine # 2 N’oubliez pas de revenir car cette troisième partie est en… 2… parties: et oui c’est bientôt Noël… on rallonge le plaisir et c’est gratuit !! Bonne lecture! Sandie Bélair!

La dernière partie de cet article se base sur l’intervention de Xavier Séverin. Celui-ci a une formation d’éducateur spécialisé et un parcours professionnel de plus de trente ans. Récemment, Xavier Séverin s’est intéressé au travail de médiation et de médiation animale, il intervient entre autre sur l’association Médi’âne en apportant un éclairage singulier sur le travail en médiation animale. Ce dimanche matin, son intervention a été très riche et j’en suis sortie avec des tas de concepts en poche… Je n’ai évidemment pas pu tous les creuser et je vous laisse le soin d’approfondir encore les réflexions que cet article aura amorcé…

Pour Xavier Séverin, la pratique et la théorie sont à mettre sur le même plan, l’une se nourrit de l’autre. La pratique donne des « savoirs en actes » et la théorie des « savoirs théoriques ». Dans nos métiers, nos pratiques font référence à un cadre théorique et les théories se nourrissent de notre pratique. De ces va-et-vient, naît la PRAXIS, « la voie du milieu » pour Joseph Rouzel, éducateur spécialisé et psychanalyste. De cette praxis découle l’expérience professionnelle. Voyons un peu quelques concepts théoriques sur lesquels peut se baser la médiation animale…

1-Le lien Humain-Animal

Ce lien se décline sous différents aspects.

La domestication. Trois éléments y ont contribué : la captivité (isolement, limitation du territoire des animaux), l’empreinte (voir plus loin), le mutualisme (interaction à bénéfices réciproques).

Les représentations du lien Homme-Animal dans notre culture. Influencées par la religion catholique, la théorie transformiste de J.B. Lamarck (1809), la théorie de l’évolution de Ch. Darwin (1859) et la théorie du phénomène humain de Theilhard de Chardin (1962).

Les types de rapport Humain-Animal. Notre lien à l’animal peut prendre des formes très variées, de l’anthropomorphisme à la zoophilie en passant par la zoopathie, la réification, la zoophobie…

Lien et services. Les animaux sont utilisés dans différents métiers et rendent différents services.

Le lien bienfaisant. L’idée que la présence animale peut améliorer l’état physique et mental d’un humain et aider les thérapeutes dans leur mission est loin d’être nouvelle. On retrouve les premières traces de l’utilisation des animaux au IXème siècle en Belgique à l’hôpital de Gheel. Puis en 1792 à l’asile d’York en Angleterre. Nous citerons également Boris Levinson aux Etats-Unis, Ange Condoret en France… Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez notamment lire le chapitre « les animaux guérisseurs » dans l’ouvrage de Gail Melson, « Les animaux dans la vie de l’enfant« .

Xavier Séverin a tenu à nous parler également d’un « personnage » que j’avais pu découvrir dans l’ouvrage de Karine Lou Matignon, « A l’écoute du monde sauvage » : Samuel Ross. Le Dr Samuel B. Ross est le fondateur de Green Chimneys, situé à Brewster dans l’état de New-York. En 1947, dans sa dernière année à l’université, Samuel Ross a une idée folle et visionnaire : ouvrir une école où la nature et les animaux seraient là pour procurer réconfort et bien-être aux enfants. 60 ans après, ce sont plusieurs centaines de jeunes, d’animaux et de thérapeutes spécialistes de l’enfance, d’enseignants et de travailleurs sociaux qui sont réunis dans ce même espace autour de programmes d’enseignement, de thérapie et d’apprentissage désormais connus et reconnus dans le monde entier. La plupart des enfants de cet établissement sortent d’instituts psychiatriques ou devraient y être. D’après Samuel Ross, « il n’y a pas un traitement psychiatrique dans le monde qui vaille un chiot qui vous lèche le visage ! »

 

 

L’empreinte chez l’animal. Comme nous l’explique Hubert Montagner dans son ouvrage « L’Attachement, Les débuts de la tendresse« , ce terme a été proposé par August Heinroth en 1910 « pour désigner le phénomène par lequel un oisillon nidifuge prend, dans les heures qui suivent l’éclosion, l’empreinte des caractéristiques de sa mère et en même temps de son espèce ». Par la suite, Konrad Lorenz, élève de Heinroth a développé la théorie de l’imprégnation et précisé les mécanismes à l’œuvre dans l’empreinte. Il a aussi montré que l’empreinte existait chez d’autres animaux, notamment les mammifères. Comme le précise Hubert Montagner, « un phénomène intéressant est celui de la double empreinte des animaux familiers, à leur mère et à l’homme. C’est le cas notamment des chats et des chiens ». Ainsi, il apparaît que l’attachement mutuel de l’homme et du chat ou du chien est étroitement tributaire du phénomène d’empreinte chez ces animaux. Xavier Sèverin a attiré notre attention sur le fait que l’imprégnation doit être entretenue, d’où la nécessité d’une présence quotidienne auprès des animaux avec lesquels nous travaillons.

L’attachement chez l’humain. Selon le psychanalyste anglais John Bowlby, il existe chez l’être humain une pulsion d’attachement issue d’une « tendance originelle et permanente à entrer en contact avec autrui ». Selon lui, l’attachement sélectif du bébé humain à sa mère reposerait sur un phénomène analogue à celui de l’empreinte, primaire et spécifique. L’attachement est un processus réciproque nécessitant des interactions entre l’enfant et la figure d’attachement et créant un lien affectif privilégié. Ce lien, cet accordage relationnel permettra à l’enfant de ressentir un sentiment de sécurité affective, de sécurité interne. Grâce à cette base de sécurité, l’enfant pourra explorer son environnement, réaliser ses propres expériences et aller vers autrui. Xavier Séverin a attiré notre attention sur le fait qu’il existe des personnes avec un attachement insécure qui auront donc des difficultés à se séparer et à explorer l’environnement. Selon lui, en médiation animale, il s’agirait donc de « retrouver un attachement sécure avec un animal pour refaire le chemin qui n’a pas été fait ». En effet, dans « L’enfant et l’animal« , Hubert Montagner nous explique que l’animal « accepte d’entrer dans un accordage affectif et d’être un partenaire d’attachement « secure » » permettant ainsi cette expérience fondamentale du partage des émotions. Pour Blaise Pierrehumbert, cité dans l’article « L’homme et l’animal une histoire d’amour ?« , « s’il est évidemment souhaitable que l’accordage affectif se fasse avec un adulte, il arrive que personne dans l’entourage du bébé ne veuille ou ne puisse le faire. C’est là que l’animal peut se substituer au parent humain ». Il précise ensuite qu’ « évidemment, contrairement à ce qui se passe avec un être humain, il n’y a pas de réel partage affectif, mais l’enfant peut interpréter ainsi l’attitude de l’animal. Il suffit qu’il le comprenne ainsi pour que ça marche. C’est une occasion de faire l’expérience manquée avec les adultes ». De même, Brigitte Martin, dans un billet paru sur ce blog La Thérapie Avec le Cheval # 2 explique que « les processus d’attachement sont aussi à l’œuvre, favorisés par la permanence du cheval choisi de séance en séance. Au fil des semaines et des interactions qui se nouent, un accordage entre le patient / le cheval / le thérapeute se réalise, permettant la restauration d’un lien d’attachement sécure ».

 

 

La figure d’attachement. Le bébé a la capacité de former des liens d’attachement avec plusieurs personnes, mais il va s’attacher davantage à une personne en particulier, c’est la figure d’attachement. Les premiers objets d’attachement sont en général d’abord la mère puis le père. L’enfant va rechercher cette personne dont la présence est sécurisante et lui assure des stimulations agréables, nécessaires à son développement. Le bébé adopte donc des conduites d’attachement qui sont des comportements favorisant la proximité avec cette figure d’attachement : pleurs, succion, agrippement, orientation et suivi du regard, sourires. Dans son ouvrage L’enfant et l’animal, Hubert Montagner développe la notion de compétences-socles pour parler des socles fondamentaux « qui permettent à l’enfant d’installer les conduites nécessaires à la satisfaction de ses besoins vitaux et ceux qui lui permettent de s’ajuster à l’environnement, en particulier de s’accorder avec le partenaire d’attachement ». Concrètement, il identifie cinq compétences-socles : l’attention visuelle soutenue, l’élan à l’interaction, les comportements affiliatifs, l’organisation structurée et ciblée du geste et l’imitation. Hubert Montagner nous apprend que l’établissement de relations avec l’animal peut avoir un impact sur l’installation, le développement et la restauration des cinq compétences-socles, ce partenaire jouant « un rôle non négligeable, parfois essentiel, dans le déverrouillage intérieur de la personne et ainsi dans la levée de ses blocages ».

Xavier Séverin introduira ensuite la notion d’objet transitionnel. En effet, pour que l’enfant puisse aller encore plus loin dans l’exploration de son environnement, il doit trouver un substitut à la figure d’attachement lorsqu’il perd celle-ci de vue : le doudou ou objet transitionnel (D. W. Winnicott). A ce propos, Sandrine Willems évoque l’animal en tant que « sujet transitionnel » et nous explique dans « L’animal à l’âme« , que « Winnicott s’efforce de penser les « phénomènes transitionnels » qui permettent le passage de cette phase fusionnelle à l’individuation psychique d’un sujet ; et parmi ceux-ci se situe l’élection par l’enfant d’un « objet transitionnel », auquel peut ensuite se substituer un animal en peluche, puis un animal vivant. Dans cette perspective, la relation avec ce dernier garderait la marque de cette zone transitionnelle dont elle est née et où règne l’imaginaire, source de jeu et de création, par lesquels le sujet « compense » la perte progressive de l’objet d’attachement originel ».

Au regard du droit ! Il existe deux catégories juridiques. Tout d’abord, les personnes qui sont des sujets de droit, animés par une volonté libre et autonome et titulaires de droits et devoirs : ce sont les personnes physiques et les personnes morales. Ensuite, les choses qui représentent les biens, les éléments sur lesquels s’exercent les droits et obligations des personnes : ce sont les objets et les animaux. Nous avons donc d’un côté les propriétaires et de l’autres les propriétés dont font partie les animaux. Ainsi, au regard du droit, l’animal n’est donc pas un objet, cependant il n’en reste pas moins un « objet de propriété ». Comme le fait remarquer la psychologue Livia Nocerini dans son article « La thérapie assistée par l’animal« , « le terme même de « propriété » est chargé de lourdes conséquences pour l’animal : il le met dans une relation de dépendance avec tous ses avantages et inconvénients, donnant parfois à l’Homme-Propriétaire beaucoup plus de droits que de devoirs ».

La question qui se pose est donc celle du « statut juridique » de l’animal : Sonia Desmoulin-Canselier, docteur en droit privé, tente d’y répondre dans la revue Pouvoirs n°131. Selon elle, deux thèses s’affrontent autour de cette question : « les auteurs de tendance subjectiviste et ceux qui optent pour une vision objectiviste du droit relatif aux animaux ». Parmi les premiers, certains suggèrent d’élaborer un statut juridique plus protecteur, une nouvelle personne juridique animale, aux côtés des personnes physiques et des personnes morales. Xavier Séverin nous a précisé qu’un projet d’établissement d’un nouveau statut de l’animal de compagnie est en court. Il concernerait uniquement les « chiens de travail », chien guides d’aveugles et chiens d’assistance.

 

Le droit considère l’animal comme un bien

© 30 Millions d’Amis (signez la pétition)


Le lien Homme-Animal comme objet de recherche. Xavier Séverin nous a présenté trois fondations et association concernées par ce lien. Je vous invite à consulter leurs sites pour en savoir plus.

– L’IAHAIO: International Association of Human/Animal Interaction Organizations

– LFDA: La Fondation Droit Animal, éthique et sciences

La Fondation Sommer

2 – La Médiation

Le terme de médiation vient du latin medius, « au milieu de ». Au fondement des médiations se trouve la notion de « tiers », de triangulation. Dans une profession où la relation directe avec des personnes fragilisées est souvent problématique, cette notion prend tout son sens : la médiation s’inscrit alors comme un entre-deux dans la relation. Xavier Séverin nous explique la médiation seule ne suffit pas, elle doit s’inscrire dans un espace mais également dans un cadre qui pose des limites et permet une régulation, par l’instauration de règles, lois, normes et usages.

La Médiation Educative : c’est lorsque la relation entre le sujet et le social dysfonctionne. Pour restaurer ce lien, entre les deux, vient s’inscrire l’éducateur. Celui-ci est donc le médiateur et va viser un changement, la restauration d’une place, d’une parole, de comportements… Lorsqu’une difficulté de relation surgit entre le sujet accompagné et l’éducateur, celui-ci fait appel à une double médiation par la mise en place de l’activité qui devient un support de médiation.

La Médiation Thérapeutique : D’après Xavier Séverin, le rapport au monde d’un sujet s’inscrit sur deux registres, le rapport à soi-même, de soi à soi-même (conscience de soi, estime de soi, image de soi) et le rapport au monde, à la réalité (à l’environnement immédiat et social). Le champ thérapeutique s’inscrit dans le premier registre qui concerne la réalité interne du sujet, le psychisme ; le champ éducatif s’inscrit dans le second, concernant la réalité externe. Lorsque le rapport d’un sujet à soi-même dysfonctionne, le médiateur intervenant entre les deux est le thérapeute. Pour faciliter son travail avec certaines personnes, le thérapeute peut utiliser des supports de médiation (art-thérapie, musico-thérapie…). On retrouve ici la notion de double médiation.

Une question se pose alors : l’animal peut-il être qualifié de « support » de médiation dans le cadre de la thérapie assistée par l’animal, au même titre que le dessin, la musique, le théâtre, la danse… ?

A suivre… 3 – La Médiation Animale

Laetitia GIANELLI

Pour en savoir plus:

Sur le même sujet et sur le blog:

Un week-end de médiation asine # 1

Un week-end de médiation asine # 2

L’âne dans un travail de lien social: 15ième rencontre Médi’Âne du 19 au 24 novembre 2012

Les brèves de l’été 2012 # 1: La fête de l’âne chez Ânikounâ, un 14 juillet « ân-imé » !

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